Les Flèches de France « vintage » : Paris – Lille

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Le cycle des Flèches de France « vintage »,
épisode 2.

 

le vélo pour aller à Lille :Bertin C220 (1984)
nombre de vitesses :2 x 6
développement maximum :7,90m (52/14)
développement minimum :3,40m (38/24)
poids du vélo :9,9kg
dénivelé du parcours :745m/100km

 

Après une première Flèche vers Dieppe réalisée en compagnie d’un Peugeot P50 – machine plutôt rudimentaire – on remet ça avec un vrai vélo de course, pour pédaler jusqu’à Lille. Deux bonnes centaines de kilomètres, presque trois, à faire en roues à boyaux en tout début février… même pas peur, mais à cause de ma poisse légendaire j’emporte tout de même quatre Continental Gatorskin – réputés increvables – au cas où, avec moi !

C’est parti. Départ décalé à Villiers-le-Bel, premier pointage. Le jour se lève à peine, humide, triste, nébuleux ; février quoi. Je tourne en rond dans la ville très étendue. Elle semble présenter deux centres : un « village » et un « cité ». Dans les deux cas, la chasse au tampon pour valider le départ sur ma carte de route est très compliquée. Cinq tentatives auprès des commerçants pour y arriver. Cette méfiance devient de plus en plus agaçante. Sans doute le reflet de la rudesse d’une époque, d’une société sans compassion, sans bonté ; d’un système brutal qui voudrait les hommes plus solidaires alors qu’il en a fait de simples marchandises, des matières premières qu’il faut utiliser jusqu’à la corde sans aucun égard ni remerciement. Civilisation insensée. Dans mes pensées, sous le crachin froid de ce matin d’hiver, je m’éloigne de l’urbanisation. Une vingtaine de kilomètres, saut de puces entre champs et villages, et me voilà déjà à Survilliers, contrôle suivant.

Le village est petit, pas grand-chose à y trouver. Un bar pour un café, pour se réchauffer cinq minutes aussi. Parfait, pas besoin de plus. Si, besoin du fameux coup de tampon… Qui une fois de plus m’est refusé ! Décidément, cette Flèche commence bien… Si ça doit être le même cirque à chaque contrôle… Tant pis, je pointe à l’ancienne : une carte postale dans la boîte aux lettres qui sonne creux dans ce monde virtuel. Virtuelle comme me semble la notion d’humanité ce matin. Petit coup de déprime ; en tout cas pour l’empathie il vaut mieux oublier. Je repars sous la pluie fine qui est partie pour durer, pas de pitié de ce côté-là non plus. Entrée dans l’Oise à Plailly. Le village semble beaucoup plus accueillant, pas mal de commerces ouverts. Pourquoi ne pas avoir demandé le pointage ici, pour deux kilomètres de plus, qu’est-ce que ça aurait changé ? Mystère ; trop simple peut-être ! En passant par Loisy, la chapelle Saint-Sulpice joue comme d’habitude à cache-cache au travers des arbres. La végétation hivernale dénudée offre peu de protection face aux regards, puis je passe par Ermenonville, calme sans ses touristes. Le temps chagrin n’est pas propice à la flânerie, même les ragondins d’habitude si débonnaires devant le château semblent bien frileux, pas un n’est de sortie ce matin. Je continue en progressant sur les grands bouts droits entre Nanteuil-le-Haudouin et Crépy-en-Valois, puis apparaît une première bosse tortueuse pour s’extraire du village. Fresnoy-la-Rivière est endormi au creux de sa cuvette, puis la route suit un relief doux jusqu’à Pierrefonds.

Au bout de la descente, le château est dissimulé sous une forêt d’échafaudages. Hiver triste, aucun touriste, boutiques fermées hors saison. Nouvel échec, pas de tampon pour le pointage, une habitude ; j’y arrive au deuxième commerce. Cette mauvaise foi commence à être vraiment énervante. Je repars en début d’après-midi pour la seule étape vallonnée du parcours. Et encore, vallonnée par rapport à la platitude du reste, mais seulement quelques bosses, rien de bien méchant ; et la première se présente pour quitter Pierrefonds. Dans cet exercice, mon Bertin C220 de 1984 s’en tire bien. Le vélo est agréable à mener ; normal, enfant de constructeur nordiste il connaît un peu la route, alors il a hâte de retourner au pays ! Cuise-la-Motte m’accueille avec ses belles demeures et ses curieuses maisons aux pignons à gradins. La sortie de Berneuil se fait par une longue montée. De Tracy-le-Mont à Tracy-le-Val, comme leurs noms l’indiquent, je me laisse glisser dans une petite descente sympathique. À cause des robinets coupés pour risque de gel, pas moyen de faire l’appoint du bidon dans les cimetières, un grand classique de l’hiver mais on n’y pense pas toujours. Pas plus de chance à celui de Ribécourt qu’ailleurs, où la longue montée en pente douce en sortie de bourg, sera la dernière pour arriver au contrôle de Roye.

Malgré mon fatalisme et contre toute attente, aucun problème pour tamponner en ville. C’est presque incroyable ! J’en profite pour me ravitailler en liquide avant d’être à sec, puis dubitatif devant ma carte routière – hé oui, toujours pas de GPS, toujours pas envie de me faire guider par une machine, et pas de faute de goût avec un vélo ancien ! – je repars au flair par Goyencourt, sans m’égarer. Février, le mois est court, les journées le sont aussi. Le milieu d’après-midi passé, le ciel échange gris clair contre gris foncé, sur le déclin déjà… Comme le crachin, enfin ! Le crépuscule s’installe sur la plaine dégagée après Chaulnes. Les éoliennes tournent joyeusement, je comprends mieux maintenant ce petit vent de travers que j’ai senti insistant tout l’après-midi. Dans l’obscurité, je passe par Bray-sur-Somme puis Pozières, deux sites des BCN /BPF de la Somme que j’ai visités il y a quelques années. En route vers Miraumont, une multitude de petites silhouettes carrées se détachent, noires, de l’obscurité. Stèles silencieuses, témoins des âmes tombées ici, d’une guerre qui en dépassant le centenaire est devenue totalement abstraite, une affaire d’historiens plus que d’écoliers. Au terme d’une étape plate me voilà dans le Pas-de-Calais ; le contrôle de Bucquoy n’est plus très loin.

La nuit est déjà profonde dans la soirée et je ne vois pas de panneau d’entrée de ville. Peut-être a-t-il été déboulonné ? En tout cas, je ne vois pas non plus de boîte aux lettres pour y glisser ma carte postale de pointage nocturne, alors je prends le vélo en photo au panneau de sortie du bourg. Au cœur de la nuit les petits villages s’enchaînent, et je m’égare entre les différents Boiry et Boileux – j’en suis quitte pour un petit détour – comme je me perds dans la zone industrielle finissant en cul-de-sac à l’approche du contrôle de Douai.

Je pointe en ville à l’approche de minuit, puis tout l’éclairage public se coupe brutalement. Économie d’énergie je veux bien, mais une ville de 40 000 habitants n’est pas un hameau de campagne isolé tout de même ! Une petite quarantaine de kilomètres me séparent encore de Lille. Passé Mons-en-Pévèle, le crachin reprend. La route trace rapidement son sillon en milieu urbanisé, dans très peu de circulation, et enfin l’éclairage public devient de plus en plus présent pour accompagner ma montée vers la capitale des Flandres… que j’atteins en milieu de nuit pour le dernier pointage. De manière improbable, malgré les routes sales et le crachin de ce début février, les boyaux n’ont connu aucune crevaison.

En résumé, après Dieppe, encore un parcours presque tout plat, facile avec ce Bertin C220 et ses 10kg à peine, mais comme régional de l’étape je me devais de prendre ce vélo de constructeur nordiste pour m’accompagner sur cette Flèche Paris – Lille !

 

Voir ICI pour la Flèche réalisée (en doublé) dans l’autre sens avec un vélo moderne.

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