Les Flèches de France « vintage » : Charleville – Paris

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Le cycle des Flèches de France « vintage »,
épisode 11.

 

le vélo pour revenir de Charleville :Spécial C.N.C -
randonneuse sur-mesure (1969)
nombre de vitesses :1 x 3 dans le moyeu
développement maximum :6,45m
développement minimum :3,55m
poids du vélo :15kg
dénivelé du parcours :950m/100km

 

Matin parisien, TGV Est, le recoin pour vélos fait le plein. Premier arrêt, Reims, le train semble se vider presque entièrement. Je me retrouve seul dans le compartiment. Reste un énorme vélo sans son propriétaire, tendance paquebot électrique qui ira au terminus… mais pas moi. Je descends un arrêt avant Sedan, à Charleville pour débuter ma Flèche… et la sortie du wagon est plutôt sportive à cause de cette vermine électrifiée échouée là !

C’est parti sous le soleil. Je laisse la gare derrière moi, réalise mon premier pointage, puis après avoir quitté la ville dont le centre est joli et austère à la fois, le début d’étape se déroule à plat sur une steppe impersonnelle à mourir d’ennui. Arthur Rimbaud avait bien raison, quand on y est, il faut s’échapper de Charleville au plus vite… Moi au moins, le hasard a eu le bon goût de ne pas m’y faire naître ! Plus sérieusement, dans la campagne désespérante de monotonie, les villages de pierres ocre s’enchaînent ramenant de la personnalité – tout de même un peu farouche – dans le paysage. En progressant sur la route des Crêtes Préardennaises il est moins facile de fuir, car un fort vent de face souffle par rafales. Après une petite butte permettant de traverser Forge-Maillard, l’entrée dans la forêt de Froidmont apporte un peu d’ombre et de fraîcheur à ce milieu de matinée de juillet déjà très chaud : 22°C selon la météo, sans doute bien plus au-dessus du bitume. Une fois sous le couvert des arbres, et le sommet modestement atteint – qui à 304m d’altitude est le point culminant de cette Flèche – assez vite on se laisse glisser dans une bonne descente, puis à partir de Thun-le-Moutier, quelques petites bosses permettent d’accéder au contrôle de Signy-l’Abbaye.

En repartant, un court raidillon se présente en obliquant à gauche après Lalobbe. En sortant de Wasigny – dont l’église a l’air si sévère derrière sa façade largement ardoisée – je m’arrête au premier cimetière que je rencontre pour faire l’appoint des bidons et tremper le t-shirt. La fraîcheur du tissu dégoulinant fait du bien, mais l’effet s’estompe rapidement en roulant. Il fait déjà très chaud en début d’après-midi, alors forcément, ça sèche trop vite. En passant par Château-Porcien, pas de forteresse pas de château, mais au cœur du village surgit une solide bâtisse de briques rouges : la Maison forte de Wignacourt. Malgré la chaleur l’étape est facile jusque-là, bien que de petites bosses apparaissent comme pour s’extraire de Condé-lès-Herpy, et quelques kilomètres plus loin, d’Herpy-l’Arlésienne. De chaque côté de la route, dans les champs on s’active. Les moissons battent leur plein – et leurs grains surtout ! – dans une atmosphère étouffante. Le vent de face toujours présent freine plutôt pas mal mais ne rafraîchit rien… bref je m’en passerais bien, mais on ne choisit pas. Bientôt les Ardennes laissent la place à la Picardie, et au contrôle de Neufchâtel-sur-Aisne tout proche.

Pas grand-chose pour pointer dans le petit bourg. Début d’après-midi désert. Rien d’ouvert, aucune raison de s’attarder, alors c’est reparti ! Face à moi, la route est barrée en sortant de Guignicourt. Curieux. Pourtant l’asphalte vient d’être refait, fraîchement gravillonné, tout propre. Tout semble fini, les panneaux tardent-ils simplement à être retirés ? Ou pas… Tant pis, on verra bien, j’y vais ! Au pire, je pourrai toujours passer à pied ou le vélo sur l’épaule… sauf si les travaux ont lieu sur le pont de l’autoroute que je vois plus loin sur ma carte… Ce qui est le cas, manque de chance, mais le tablier n’a pas été déposé et aucun ouvrier n’est présent. Bon, allez, je traverse prudemment. Pas de raison que tout s’écroule sous le simple poids additionné du bonhomme et de son vélo. Largement moins d’une centaine de kilos, bordel ! Finalement tout se passe bien et ça m’évite un beau détour. La route continue ensuite plate, sous le cagnard, tracée à travers la plaine agricole… toujours battue par le vent, faut faire avec. Changement de temps en route vers le Chemin des Dames, avant Corbeny à ma gauche au loin, des orages commencent à éclater. Dans les champs, toujours le branle-bas. On moissonne pour prendre la pluie de vitesse. Court arrêt devant la statue de Napoléon à l’écart de la route, où de façon assez étrange l’empereur est représenté scrutant l’horizon… le dos tourné au champ de bataille ! En repartant, le ciel gronde au loin. Le tonnerre se rapproche, renforce d’autant plus le vent ; vraiment gênant. Point positif, la chaleur semble retomber un peu sous le ciel plombé par l’épaisseur des nuages. Dans cette instabilité, une éclaircie se fait subite. Bien qu’il y ait du soleil et plus aucun nuage à la verticale, la pluie se met à tomber. Bâcher ou ne pas bâcher, c’est souvent le dilemme du cyclo. Vu le ciel clair, l’averse ne devrait logiquement pas trop s’éterniser. Un peu de fraîcheur me fera le plus grand bien, alors je n’enfile pas mon imperméable. Les fringues mouillées aident à lutter contre la chaleur… presque trop, finalement. Je finis trempé, mais on ne peut pas tout avoir. Alors que j’ai fait tout le Chemin des Dames en faux plat ascendant, en changeant de cap à Cerny-en-Laonnois, je me laisse glisser dans une belle descente jusqu’à Vendresse-Bone. La pluie cesse enfin et je peux commencer à m’égoutter. La route se poursuit ensuite globalement en légère descente jusqu’à Bourg-et-Comin. Puis une longue côte se présente pour s’extraire des Septvallons… mais je n’en ai pas compté autant, car j’ai l’impression que c’est la première bosse de cette étape plutôt facile jusque-là. Le profil se fait maintenant plus ondulé. Dans les champs on moissonne inlassablement. Fismes m’accueille dans sa cuvette par une belle descente qu’il faut ensuite regrimper en sortant de la ville. La chaleur est toujours accablante en fin d’après-midi. J’attaque une longue remontée en trois temps jusqu’à Chéry-Chartreuve avant de pouvoir faire le plein des bidons au cimetière de Mareuil-en-Dôle. Je n’ai pas rencontré de points d’eau depuis une éternité, alors les bidons sont totalement à sec. Plus loin, les pierres des ruines du château de Fère jouent à cache-cache entre les troncs des grands arbres, baignant dans la lumière dorée de ce début de soirée d’été. En rejoignant Fère-en-Tardenois, le site des BCN / BPF de l’Aisne est traversé par l’Ourcq, cours d’eau sauvage et insignifiant, pas encore canalisé pour cheminer jusqu’à Paris. Les moissons se poursuivent, cela aura été ma plus grande compagnie de la journée ! Une nouvelle fois la route est barrée à l’approche de Château-Thierry. Ça passe sans problème. Ici aussi, apparemment les travaux viennent juste d’être achevés. Le bitume est tout neuf, avec l’odeur puissante et musquée qui va avec. Après Verdilly, les villes amarrées à l’autre rive de la Marne s’étalent au loin. Dernier plein des bidons au cimetière en sortie d’Essômes-sur-Marne. Pas de doute, nous sommes en Champagne, au sens éthylique et effervescent du terme. Le vignoble s’étale partout le long de la route, et plus loin où porte le regard. En sortie d’Azy-sur-Marne, ça moissonne toujours et le blé est fauché dans un épais nuage de poussière… qui traverse la route et m’en colle au passage plein les yeux ! En face, la vigne a colonisé tout le relief de façon impressionnante. L’étape s’achève plate pour accéder au contrôle de Charly-sur-Marne à l’arrivée du crépuscule.

C’est reparti par une petite grimpette permettant de s’extraire de la ville dans une lumière déclinante, entre chien et loup. Le début d’étape semble vallonné puis se calme assez vite. À Méry-sur-Marne la route est déjà redevenue tranquille, la circulation rare et le ciel noir. C’est le calme plat pour rejoindre La Ferté-sous-Jouarre. Les grillons s’en donnent à cœur joie dans la pénombre naissante. Sur le chemin de Lisy-sur-Ourcq, des lumières tournoient dans les champs. Dans la nuit ça moissonne encore dans la lueur des phares. Les lumières de la petite ville se voient de loin sur la plaine… et se coupent brutalement quand je la sillonne à l’approche de minuit ! La longue bosse assez raide que je connais bien pour quitter le bourg ne pose finalement pas de problème, malgré la lourdeur et les seules 3 vitesses du vélo. Je fais attention, dans les ténèbres, aux petits lacets en descente qui me sont également familiers avant d’arriver à Trocy-en-Multien, pour aborder la bosse en ligne droite remontant la cuvette. En sortant de Marcilly, la circulation n’est pas sur la route mais dans les airs ! Me voilà dans l’axe de descente des avions en approche de l’aéroport Charles de Gaulle. Toutes les deux minutes avec une parfaite régularité, un engin me passe au-dessus de la tête dans un feulement grave. Les lumières clignotantes perdent de l’altitude puis disparaissent à l’horizon, accompagnant mon début de nuit. Le ballet est parfaitement réglé : un s’abaisse sur l’horizon que le suivant est au-dessus de ma tête. Pas sûr que ce soit très sain pour les poumons, en tout cas ce n’est pas pire qu’être pris dans le flot des bagnoles. Enfin point de vue bagnoles, à cette heure-ci c’est plutôt tranquille. Quasiment personne ne me double, peu de passage dans l’autre sens, mais région parisienne oblige, me laissent presque à chaque fois les pleins phares dans la gueule ! Le contrôle de Saint-Soupplets approche, fin d’une étape finalement assez peu vallonnée.

En ville, la mairie joue les arcs-en-ciel dans un éclairage multicolore nocturne – plutôt criard – et c’est reparti pour une fin de parcours courte et facile. Les avions continuent de passer à basse altitude. Apparemment le trafic aérien semble se poursuivre toute la nuit, mais je ne suis plus tout à fait dans l’axe des avions qui disparaissent en oblique sur la droite. Ils continuent leur chemin, et moi le mien. La route monte en forêt aux alentours de Montgé-en-Goële, puis après la traversée du village, retour en terrain plat pour arriver au dernier contrôle de Mitry-Mory. Malgré la lourdeur des 15kg de ce Spécial C.N.C de 1969 et ses modestes 3 vitesses dans le moyeu Torpedo, cette sortie est restée très agréable sans avoir à forcer. Il me reste encore à pousser une douzaine de kilomètres jusque chez moi, et en entrant en Seine-Saint-Denis, l’urbanisation continue sur ces axes pris tant de fois rend cette fin de parcours sans grand intérêt.

 

Voir ICI pour la Flèche réalisée (en doublé) dans l’autre sens avec un vélo moderne.

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