Motobécane ZH31 – (modèle 1981)

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Dans le domaine des traînes-couillon qui ne cassent pas trois pattes à un canard unijambiste, voici un best-seller du début des années 80 – de 1979 (en remplacement du ZH3) à 1983, pour être exact – j’ai nommé le Motobécane ZH31. On lui a connu une sœur jumelle, modèle Dame donc, répondant au doux nom de ZD31. Comme il n’y a – à première vue, mais ce ne sera pas aussi facile ! – pas grand-chose à faire sur ce vélo, à part un bon décrassage, une chasse opiniâtre à la rouille, lui donner une paire de pneus et rafistoler 2 ou 3 bricoles… Il mérite d’être conservé.

Présentation :

Voici la bête, dans sa robe bleue la plus courante, typiquement Motobécane.

Alors oui, il y a bien quelques trucs à changer ; à commencer par les pneus à l’agonie. On aurait pu difficilement aller plus loin avec, rentabilisés au maximum !

On peut donc en déduire que ce vélo en a vu de la route… Parce que c’est quand même épais un pneu en 650B, et parce que c’est encore plus long à user un pneu avant, et parce que c’est encore plus long d’arriver jusqu’à la corde… et de la traverser !

Malgré son arceau de protection, le feu arrière est éventré côté droit. Ni le cabochon ni le socle n’ont résisté au choc… dont la nature reste un mystère, le garde-boue et l’arceau étant restés intacts.À l’avant, le phare lui aussi tout plastique a son optique devenue nébuleuse ; la cataracte due à son grand âge ! Notez les freins Weinmann dont la molette est siglée du « M » de Motobécane. Sur la colonne de direction, un badge plastique, pas un autocollant. Attention, il n’est pas fixé par des rivets, et est capable de se décoller très facilement avec le temps ! Pour en finir avec l’éclairage, la dynamo ne dépareille pas l’ensemble : toute en plastoc également ! Sa molette, mise à mal par la largeur du pneu, a besoin d’être remplacée. Le demi-ballon n’est pas adapté à ce vélo, il frôle littéralement les bases du cadre. Un pneu en 35mm aurait épargné la dynamo. Les moyeux révèlent une bizarrerie : acier New Star à l’avant, aluminium Atom à l’arrière. Les jantes sont du même modèle, du même lot, et les deux moyeux sont dotés du même bout de ficelle – astuce moche mais permettant le nettoyage automatique de l’axe – tout semble donc contemporain, mais New Star est plus familier des montages Peugeot bas de gamme que Motobécane. Par contre, à l’avant les écrous sont bien siglés du « M » de Motobécane et sèment la confusion. Bref pas simple de s’y retrouver, de savoir qui est d’origine et éventuellement qui ne l’est pas. Pour brouiller encore plus les pistes, dans cette gamme et à cette époque, Motobécane semble avoir effectivement réalisé ce mélange improbable de moyeux avant acier et arrière aluminium. Pour quelle raison ? Problème d’approvisionnement (pour l’un ou l’autre), économie de bout de chandelle (pour l’avant), fiabilité et qualité des roulements supportant davantage de contraintes (à l’arrière) ? Bref, au pire seul un moyeu a été changé sur cette paire de roues… Et logiquement ce serait l’arrière, ce qui expliquerait des écrous non conformes à cause de filetages différents et/ou d’axe trop long pour les écrous borgnes d’origine.

 

En étant perspicace, vous aurez noté les 3 vitesses de l’engin… commandées par un dérailleur Huret Eco bien crasseux avec ses galets complètement embourbés.

 

3 vitesses donc, oui mais indexées – quand même ! – grâce au levier Huret Sensomatic fixé à la potence. À l’autre bout de la chaîne – c’est le cas de le dire ! – un pédalier ordinaire se cache timidement derrière un carter très enveloppant. Notez la large trace de rouille laissée par la remontée de la pédale… qui est un infâme truc jetable.Contrairement aux idées reçues, une selle bien mollassonne comme cette Reydel est rarement synonyme de confort sur la duréeLe poste de pilotage apparaît déglingué, avec des poignées et la sonnette en vadrouille… … Tout comme le porte-bagages avec ses tendeurs hors d’usage.

En résumé rien d’insurmontable, pas de grosse restauration en perspective, mais il y a quand même du travail pour rendre ce vélo présentable.

La remise en état :

Après un démontage complet, le cadre n’apparaît pas si lourd. Effectivement, en vérifiant : 2,650kg… et 890g pour la fourche. Pas particulièrement un poids plume, mais les châssis chez Motobécane – comme chez Peugeot d’ailleurs – sont d’ordinaire assez massifs. Ça aurait donc pu être pire pour un vélo utilitaire ! Ceci dit, la situation s’aggrave pour l’engin entier, qui accuse tout de même un poids de 14,8kg… Assez proche des enclumes que l’on peut trouver chez Peugeot, comme ce P50.

Lors du démontage des vieux vélos pas entretenus, des petites pièces cassent souvent. C’est un grand classique, en particulier avec la visserie des garde-boue. Ici, c’est le cas du boulon d’ancrage situé dans la fourche et passant par la fixation du frein avant. Un coup de chalumeau, une vis et un écrou repercé, la pièce est refabriquée vite fait. Bon, c’est moche il faut bien le dire, mais c’est fonctionnel et de toute façon ça ne se voit pas, caché dans la fourche. La rondelle d’amortissement – pour ne pas faire vibrer le garde-boue contre la fourche – est déformée et racornie, de nouvelles sont taillées dans un vieux bout de chambre à air épaisse.

La bague de fourche du jeu de direction commence à donner des signes de faiblesse. Elle comporte trois traces principales de billage. Il vaut mieux la changer avant que les billes présentant du jeu dans cette zone n’entraînent un martellement, puis une détérioration rapide des autres pièces de la direction.

 

La transmission est recouverte d’une boue épaisse et durcie, particulièrement tenace. Pas simple d’en venir à bout. Ce traîne-couillon a dû pas mal traîner le sien, de couillon… car en fait tout est pourri, ou pas loin ! Le pneu avant, usé jusqu’à la corde, donnait déjà un bon indice. Ici, sous la crasse, les dents du plateau sont bien usées. Rien de dramatique, le reste sera pire, mais un plateau en acier pour chaîne large – 1 à 3v – il faut du temps pour en venir à bout !

Pour le dérailleur, c’est une autre histoire… Confirmant que ce vélo a dû pas mal rouler, et sans aucun entretien. Chappe et galets sont entièrement pris dans une boue grasse solidifiée qui cache l’ampleur du désastre. Les dents des galets sont émoussées, mais surtout, les alésages entièrement ravagés présentent un jeu énorme (flèches rouges). Il n’y aurait qu’à en changer (un exemplaire en bon état, flèche verte)… si les paliers des galets n’étaient pas également hors d’usage. Comme celui du haut est serti d’un côté à la chape, difficile de le remplacer. De toute façon les butées du dérailleur étant mal réglées, le bas de la chappe est complètement usé latéralement… Bref, seul le parallélogramme est récupérable sur ce dérailleur !

Pour l’actionner, la manette Huret Sensomatic 3 pose elle aussi problème. Les vitesses passent mais ne tiennent pas. La manette ne reste pas enclenchée mais revient toujours en 1ère position. Une panne classique de ces leviers, je vous en parle en détail dans cet article.

Côté roue libre ce n’est pas mieux, le pignon de 16 dents – et dans une moindre mesure celui de 20 – est particulièrement usé. La manette ne fonctionnant plus depuis un certain temps explique sans doute cela. Comme le premier pignon est intégré au corps de roue libre, il est impossible de le changer seul. Dommage, un étagement de 16-20-24 est quand même plus polyvalent que l’habituel 16-19-22 assez court. En conservant le grand pignon et en le transférant sur une roue libre Atom standard en bon état, on obtient un intéressant étagement hybride de 16-19-24. Même si les roues libres 3 vitesses se ressemblent toutes un peu, ce genre de transfert de pignons est très limité entre les différents modèles et fabricants… Je vous en reparlerai bientôt.

Une fois tous les problèmes de transmission réglés, on peut appuyer sur les pédales… enfin presque ! Ici, ce modèle Union transpire l’affreux bas de gamme. Heureusement, leurs roulements présentent un jeu à peine perceptible. Cages serties sans bouchon d’accès, on ne peut donc les graisser que de l’extérieur… en essayant de faire passer un peu d’huile uniquement du côté manivelle. Du jetable, donc. Au besoin – et à condition que le cône soit réglable et pas serti directement sur l’axe – on pourra tenter un désassemblage de la cage (en dépliant la tôle aux flèches orange) puis en la faisant coulisser (flèches vertes) on aura ainsi accès à l’autre bout de l’axe.

Malgré les apparences, cette paire de freins Weinmann n’en est pas une. En effet, ce sont des faux jumeaux : un Type 730 pour l’avant, et un Type 810 – légèrement plus volumineux – pour l’arrière. L’aluminium des étriers, très tendre, ne semble pas d’une qualité extraordinaire ; plus proche du 1050 à faire les gamelles de camping que du coriace 7075 ! La rigidité ne doit pas être très bonne, mais comme de toute façon le freinage sur jantes acier n’est jamais très puissant, ça passera totalement inaperçu.

Ça peut paraître totalement futile et anecdotique, mais le système de tendeurs du porte-bagages mérite mieux que d’être simplement escamoté pour finir à la poubelle, ni vu ni connu ! Le sandow cassant et durci sera facilement remplacé par de l’élastique pour bâche de remorque. Le seul problème est d’arriver à le faire rentrer dans les anciens goussets. Pour cela, il faut arriver à écarter les griffes du sertissage, qui sont particulièrement bien serrées ! Une fois débarrassé des restes de l’ancien élastique, le nouveau rentre facilement. La fermeture des goussets est délicate, pour ne pas laisser de traces sur le métal, ni tout écraser à plat ! Autre détail : les écrous de roues. Ceux de l’avant (au centre de la photo) sont siglés du « M » de Motobécane, sans doute d’origine… Ceux de l’arrière (à gauche), sans doute pas ; aucune ressemblance ! Je dispose d’une paire d’écrous (à droite), qui avec une rondelle épaisse, ont une silhouette plus approchante ; ce sera toujours mieux.

Seul problème, les diamètres ne correspondent pas : rondelles de 8 et filetages de 9,5mm pour les écrous… où il faudrait du 10. Après reperçages et taraudage, l’ensemble est devenu conforme.

En résumé, malgré son lot de mauvaises surprises, ce vélo est de nouveau prêt à rouler… Mais au fait qu’est-ce que ça vaut sur la route, un vélo utilitaire comme celui-là ?

Va donc rouler !

Bon, alors déjà – vu mon entrejambe – la selle est passée d’un extrême à l’autre… mais en vélos « vintage » on n’a pas forcément la taille idéale, mais plutôt celle qu’on trouve ! Et dénicher une tige de selle classique, assez longue et au diamètre de 24mm, n’a rien d’évident non plus

 

 

Remettre la transmission intégralement en état a été le plus gros de cette restauration… avec le décrassage / dérouillage de la totalité des éléments du vélo.

 

Contre toute attente et avec un peu de persévérance, ce vélo à l’entretien inexistant est redevenu présentable ; même la dynamo a meilleure mine… Ça brille, seules les jantes en acier sont restées dans un état moyen, mais pas de mystère, on ne peut pas faire réapparaître le chrome détruit par la rouille !

Bon, on y va ! Rien de tel qu’une froide journée de février pour aller faire un p’tit bout d’essai à un traîne-couillon. Ce ne sera pas le bout du monde, mais juste une petite boucle de 50km. Cela permet déjà d’avoir un aperçu du comportement de la bestiole. Alors, papillon ou pachyderme ? Les deux mon capitaine. De manière étonnante, et malgré un poids approchant les 15kg, ce vélo se laisse mener facilement et très agréablement… en terrain plat ! Aucune inertie ne se fait ressentir pour le lancer à son rythme, contrairement à un vélo comparable comme ce Peugeot P50. Ici, ce Motobécane ZH31 semble plus vif, plus réactif… sans bien entendu en faire une bête de course, loin de là. Mais dès que le profil de la route s’élève au-delà du faux plat, les kilos rappellent qu’ils existent bel et bien !

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