Un vélo de longue distance, rustique et d’esprit néo-rétro

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Sur les longs brevets, rouler en mode non-stop implique deux choses prodigieusement agaçantes (à remplacer par profondément emmerdantes, selon l’humeur). La première est le sommeil qui guette, et après 2 ou 3 nuits blanches même bien entraîné, il vous assaille à l’improviste, pile-poil au moment où vous n’avez surtout pas envie de vous arrêter. La deuxième est d’avoir à gérer l’autonomie de l’éclairage avant, arrière, frontal ; il y a toujours quelque chose à remplacer, de préférence sous la pluie battante ou dans la nuit la plus profonde. Et quand la poisse s’en mêle, avec des batteries qui ne tiennent pas la charge sous le froid, des torches qui s’éteignent d’un coup en pleine descente de col ; avoir une source d’énergie fiable et inépuisable est un gros atout pour gagner pas mal de temps… En toute sécurité. Le moyeu dynamo associé à un bon phare, est une bonne solution dont la puissance d’éclairage vous aidera à rester éveillé. On règle les deux problèmes d’un coup, reste le surpoids engendré… À relativiser selon les batteries de rechange qu’on n’a pas à emporter. Il faut quand même soigner le montage du vélo, afin de ne pas trop s’écarter des 8kg pour un budget raisonnable.

D’un point de vue général – une simple histoire de goût – la machine se doit d’être simple et d’allure classique ; rustique dans l’âme, mais pas dans l’utilisation ! Un minimum de confort sera également indispensable. Tout débute donc par le cadre : un exemplaire presque déjà vintage, parfait pour un projet néo-rétro.

Milieu de la première décennie des années 2000, le cadre acier est au creux de la vague. Le carbone rassemble de plus en plus d’adeptes, alors pour les cyclistes les plus frileux, pourquoi ne pas faire la transition en douceur, en ajoutant un arrière composite là où la fourche – carbone elle aussi – a largement été acceptée pour équiper l’avant ?

J’ai eu la chance de récupérer il y a longtemps cette bizarrerie : un cadre de Kona DeLuxe 2005 – produit par l’italien Dedacciai – surplus d’usine. Le vélo était vendu assemblé autour d’un groupe Shimano Ultegra 6600 en 10 vitesses. Un bon milieu de gamme, donc, mais pas question d’imiter ce qui a été fait il y a une bonne quinzaine d’années.

N’ayant que le cadre, pour la fourche j’ai fait appel à un autre beau surplus d’époque : une Cannondale Synapse PAVÉ – pour Pro Active Vibration Élimination, l’éphémère prédécesseur du SAVE : Synapse Active Vibration Elimination – en espérant que les promesses de micro-amortissement de la fourche et du cadre seront au rendez-vous sur les longues distances.

La colonne de direction paraît bien maigrichonne comparée à la fourche… Pas de panique, le jeu de direction améliorera l’esthétique. Les plots pour manettes semblent assez tardifs sur un cadre de cette époque… d’autant plus que le montage d’usine comportait des leviers de vitesses combinés au guidon. Curieux, mais ça m’arrange (sinon, pour l’adaptation, il y a cet article) !

Tous les éléments sont réunis pour habiller le cadre.

Le puzzle est assez sympa.

Au fond, une paire de roues réalisée à partir de jantes Mavic Open Pro, de rayons DT Swiss Revolution avec têtes aluminium, le tout sauce british pour les moyeux : Hope RS4 à l’arrière et dynamo Exposure Lights à l’avant. Détail troublant, ce dernier moyeu ressemble comme deux gouttes d’eau à un Shutter Precision, jusqu’à en reprendre le nom de modèle : PD-8, alors le made in Great Britain sur la boîte m’a bien fait sourire…

Notez la forme légèrement pincée et épatée, vers le bas des fourreaux de fourche, participant à la filtration des vibrations selon le principe PAVÉ (rendu populaire, ensuite, sous le nom de SAVE) cher à Cannondale.

Du beau matériel – malgré l’origine incertaine du moyeu avant – avec 1,850kg la paire de roues, ce qui reste très raisonnable vu le surpoids engendré par la dynamo.

Les rayons ont été ligaturés en fil nylon, noyés dans la colle époxy.

Vue de face, la cassette n’a l’air de rien ; de dos elle dévoile un usinage audacieux et plutôt bien réalisé. C’est pourtant une véritable « chinoiserie » mais de bonne qualité, une fois n’est pas coutume avec l’Empire du Milieu : 11 vitesses, des petits pignons indépendants en acier, et les grands taillés dans un bloc d’aluminium. Ces derniers résistent très bien à l’usure, malgré les 210g de cet étagement 11-28.

Le changement de rapports est confié à un dérailleur du taïwanais Microshift. Ce Centos11 assure le travail en toute discrétion. Je vous en avais déjà parlé dans cet article. Galets, gaines et serrages rapides anodisés or apportent une touche de bling-bling… Et alors, pourquoi pas ?

À l’avant, encore un Microshift, avec ce FD-R52S-F adapté aux développements compacts. Notez l’astucieux collier KCNC dépourvu de sa propre vis de serrage. En effet, il se ferme à l’aide de la vis du dérailleur, rendant au passage superflus rondelle et entretoise. C’est plus délicat à monter, mais c’est autant de poids gagné pour du matériel déjà léger au départ.

Notez le gros macaron ovale signé Dedacciai (comme le reste du cadre en acier EOM 16.5) soulignant une composition différente du carbone dans cette zone, qui semble être renforcée en aramide. Il y a la même chose placée vers le haut des haubans. Ils participent à filtrer les vibrations… Au prix d’une esthétique discutable !

Dans un esprit de simplicité et de rusticité, et pour tirer parti des plots de manettes dont dispose le cadre, les dérailleurs sont commandés par ces excellentes Dia-Compe ENE 11S fonctionnant parfaitement avec 11 vitesses.

Autre élément provenant de chez Dia-Compe, ces leviers de frein BRS Blaze d’allure très classique.

La petite fenêtre en haut des leviers, permet le passage de la clé pour serrer son collier sur le cintre… qui sinon ne passe pas en appuyant simplement sur le levier. Une originalité de conception, mais qui ne nuit pas au design !

 

Côté pédalier, on reste d’allure classique (pour un fonctionnement moderne) avec ces manivelles SunXCD légèrement cintrées, et ces excellents plateaux intemporels TA Pro 5 Vis made in France toujours produits actuellement. J’ai détaillé cette transmission légendaire (au standard 50,4mm) dans cet article. Les plateaux donnés jusqu’à 8 vitesses par le fabricant picard, fonctionnent parfaitement bien en 11v, et même sur un montage compact comme ici un 40-26, pas besoin de plots de montée de chaîne pour un changement de plateaux en douceur !

Toujours du clinquant, pour ces gaines en aluminium articulées KCNC et le jeu de direction doré. La potence est une Ritchey Classic. Une ligne sobre façon aluminium brossé pour un profil classique, oui ; mais de face, le capot ne donne pas vraiment ce sentiment ! Pour mettre en accord la finesse de la potence avec la largeur des entretoises standards, celle du haut assure la transition des diamètres.

La tige de selle fait aussi partie de la gamme Ritchey Classic. Elle porte bien son nom ; aspect classique, mais pour une légèreté moderne. Il y a quelques années, j’avais testé un modèle WCS de ce fabricant. Le système de serrage était une catastrophe : la selle était incapable de conserver son assiette bien longtemps, même serrée à mort ! Depuis, le défaut a été corrigé (à l’aide d’un léger crantage des cuvettes de vis qui vient « mordre » le corps de la tige).

La silhouette de cette Brooks B17 vous semble inhabituelle ? Normal, ses flancs monstrueusement hauts ont été retaillés pour donner à la selle une ligne plus moderne (c’est au passage 30g de cuir de facilement économisé…)

Hé oui, bling-bling encore et toujours, avec les étriers de frein. Des KCNC C6 qui n’offrent pas une puissance de freinage phénoménale, mais en accord avec leur poids plume. Notez, à droite pourquoi le moyeu dynamo a été installé : un phare Lumotec IQ Cyo N Plus pour une route de nuit confortable, avec ses 60 lux. Celui de gauche est une torche de secours à piles… au cas où !

 

 

Pour terminer avec les accessoires, les porte bidons minimalistes ne pèsent que 20g chacun, tout en étant assez rigides pour tenir les grandes gourdes.

 

 

 

Et voilà le vélo terminé…

Prêt à prendre la route !

 

On atteint ici les 8,3kg (pour un cadre de 58) malgré l’embonpoint du moyeu dynamo.

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8 réflexions au sujet de « Un vélo de longue distance, rustique et d’esprit néo-rétro »

  1. Superbe montage.
    J’ai une question : puis – je envisager un pédalier compact de ce type avec un groupe campa record 10 v sur un bdp bsc ?

    Merci.

    1. Bonsoir Dave,

      Oui, c’est tout à fait faisable… sous réserve de changer – ou pas – le boîtier de pédalier.
      À titre indicatif, j’ai monté un boîtier pédalier FSA Ultimax Titanium 68x113mm ISO pour ces manivelles SunXCD.

      Patrick.

  2. Bonjour Patrick,

    Super ce montage, avec cette dominante bleue assumée !

    J’adore tous les périphériques qui ont tous une particularité, de l’exotisme de la transmission à la selle retaillée !

    Pourrais tu donner la référence du modèle des portes bidons s’il te plaît ? Le rapport look/poids/possibilité de gros bidon m’intéresse énormément !

    Merci pour ta répoonse.

    Basile

    1. Bonsoir Basile,

      Les porte bidons sont des « chinoiseries » Tanke de 20g (24g avec leurs 2 vis en titane) qui sont suffisamment rigides pour supporter des bidons (Zéfal Magnum) d’un litre. Naturellement, ils ne sont pas aussi costauds que du matériel plus lourd, mais comme j’ai réussi à faire faire 50 000km à mes anciens Exustar (BC600) construits sur le même principe en tôle d’alu emboutie, je me dis que ceux-là tiendront bien le coup un moment… En resserrant à la main les joues de la tôle de temps en temps, comme avec les anciens, mais on ne peut pas tout avoir !

  3. Bonjour Patrick,
    Je découvre ce site, je ne suis un adepte ni du cyclo ni de la route (moi c’est plutôt le VTT mon truc) mais franchement je te félicite pour ce superbe travail de montage et ces explications passionnantes.
    Et puis c’est si bon de voir que beaucoup sont dans ce schéma de durabilité des choses !

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