Avec l’aide d’un petit soleil printanier, vu de loin, ce vélo semblerait défraîchi mais sans plus… De près, par contre, il n’y a aucun doute sur son état « sorti de grange ». Qui dit vélo d’exception, dit restauration d’exception, en grande partie par la nature des problèmes qui vont se poser, car ici rien n’est standard !
Présentation
D’après les catalogues d’époque, cette machine semble hésiter entre les modèles Camping et Cyclotouriste, possédant des caractéristiques propres à l’un et à l’autre, mais comme les vélos étaient montées « à la carte » chez René Herse, rien de figé pour cette bicyclette qui a hérité un peu des deux. Monture de cyclo-camping donc, mais une mule qui a certainement dû rouler de manière plus dynamique que tranquille.
Des indices laissés sur le garde-boue arrière sont là pour confirmer cette dualité de caractères avec l’écusson émaillé du Camping Club de France… et les restes de la décalcomanie de l’UACP (pour Union des Audax Cyclistes Parisiens).
En revenant à l’avant, ce n’est pas très brillant. D’accord, la potence de fabrication Herse est magnifique et audacieuse dans sa construction, mais celle-ci, avec sa visserie pourrie, l’est un peu moins.
En y regardant de plus près – et en considérant la fragilité induite par les perçages de la sonnette et de l’emmanchement de l’arrêt de la gaine de frein – on peut se demander comment elle peut tenir le coup sans finir par se briser… D’autant plus que le vélo a dû vraisemblablement subir une belle chute, suffisante pour tordre nettement le levier Lefol gauche de manière évidente, le vélo posé contre un mur.
Comme pour la potence, le pédalier compact est une fabrication René Herse. C’est une première version, ce qui veut dire que changer les plateaux très fatigués – même à l’aide des refabrications proposées par Jan Heine – ne va pas être si simple. Leur état est plus mauvais qu’ils le laissent voir sous la crasse : dents usées pour le grand plateau – y compris latéralement d’une épaisseur digne d’une feuille de papier ! – et aluminium boursoufflé qui commence à se désagréger sur le petit.
Les pédales Lyotard 45CA s’en tirent à peine mieux : cages aluminium usées par d’innombrables milliers de kilomètres, rouille importante ayant bien attaqué les cale-pieds. Difficile de conserver tout ça dans une logique de remise en état durable et d’usage réel du vélo.
La roue libre Joseph Moyne n’a pas un engagement fiable, son mécanisme est sans doute hors d’usage, et il faudra également en profiter pour allonger l’étagement actuel de ses 4 vitesses : 14-16-18-20. Notez les papillons Bell – ici oxydés et très crasseux – qui atteignent aujourd’hui un prix souvent délirant que je ne m’explique pas.
Si le dérailleur arrière Cyclo – en bien mauvais état comme le reste de la transmission – fonctionne à peu près malgré un système de double câble effiloché ; l’avant de fabrication artisanale Herse, est lui, totalement grippé.
Les roues montées à partir de moyeux Maxi-car de première génération demandent également un gros travail de remise en état. Pourtant réputés solides, les roulements qui « grattaient » à l’avant étaient en fait explosés !
Pas évident à première vue – parce qu’il ne reste pas grand-chose des décalcomanies – mais ces jantes méritent d’être sauvées. Ce sont en fait de rares Mavic Critérium en 650b. Un premier polissage sur une des deux (à gauche)… n’est pas encore franchement convaincant !
La selle Idéale numérotée a perdu sa fleur depuis longtemps, ce qui est assez inévitable après avoir roulé des dizaines de milliers de kilomètres par tous les temps – ce qui a normalement dû être la vocation de ce vélo – mais elle n’est pas déformée, pas trop allongée, et il n’y a aucune fissure, ni sur sa couverture ni sur l’armature en métal léger. Il faudra par contre redonner de la souplesse au cuir… qui est dur comme du bois ! C’est en définitive peut-être l’élément en meilleur état de ce vélo.
Les étriers de freins – en aluminium, élégants et minimalistes – sont également une fabrication propre à René Herse. Notez le garde-boue Lefol martelé qui épouse parfaitement la molette de la dynamo. Souci du détail, toujours, avec les pontets à roulette en aluminium pour tirer les câbles de frein. Malheureusement, la rouille a déjà bien attaqué les porte-bagages et la tête de fourche ; et moins grave, l’oxydation s’est aussi chargée de la dynamo !
Pour plus de sécurité, vélo chargé sans doute, les patins sont des Mafac Tandem à 5 plots. Mais pourquoi donc ces porte-patins en acier ? Comme l’aluminium semble avoir été présent dès le début de la production Mafac, il est difficile d’imaginer qu’un obsessionnel du poids et des matériaux comme René Herse – au point d’utiliser une goupille en aluminium pour la fixation du garde-boue avant à la fourche, de monter une tige de selle en aluminium épais comme du papier à cigarettes, et d’employer de l’acier asthénique pour le plongeur de la potence ; solutions nobles pour un gain marginal de quelques grammes et un raffinement qui passera facilement inaperçu – cet homme donc, aurait installé des porte-patins tout-venant ? Difficile d’y croire. Ils ont plus probablement été changés lors d’un remplacement de patins.
La restauration : phase 1
Vu l’ampleur et la complexité de certaines parties du projet, une fois n’est pas coutume, cette restauration se fera en deux temps. Tout d’abord, rendre le vélo fonctionnel en faisant l’impasse sur certaines remises en état compliquées, pour commencer à se faire plaisir à rouler avec cette machine sans grosse faute de goût… pour ensuite la rendre totalement conforme à l’origine.
Remplacer les plateaux
Le pédalier cumule les problèmes. D’abord les roulements ont trop de jeu, ensuite les plateaux sont à bout de souffle : corrosion perforante pour le petit et dents épaisses comme du papier à cigarettes pour le grand. Il faut donc remplacer la paire, car un vélo n’est pas qu’une simple pièce de collection, c’est avant tout un engin fait pour voir du pays. Des refabrications existent, mais pas pour les premiers modèles. L’idée est simple, mais adapter des plateaux René Herse contemporains est en réalité toute une aventure. Pour y arriver, la description complète se trouve détaillée dans cet article… et vous allez voir, ce n’est pas si simple !
Avant de remonter les plateaux, il a fallu effacer de vilaines – et profondes – griffures sur les bras de pédalier. En effet, une tentative de démontage hasardeuse des manivelles à l’aide d’un arrache moyeu de bricoleur… s’est soldée par de méchantes traces dans l’aluminium, visibles sur les photos du milieu. Recharger à la soudure sans faire effondrer le dural d’époque sur lui-même – les deux nuances d’alliages n’ayant pas le même point de fusion – est très délicat.
Après polissage, le résultat est visible – ou plutôt moins visible, puisque c’est le but ! – sur les photos des extrémités. Plus contrariant, le grand plateau de refabrication n’a pas sa face interne verticale, mais nettement penchée. Quelle idée… forcément ça n’aide pas à monter la chaîne, bien au contraire, ça aide surtout à la faire redescendre ! Avec des écarts de plateaux habituels ça ne doit pas réellement poser problème, mais pour passer ici de 28 à 48, pas moyen. Ce sera à corriger dans la deuxième phase de la restauration !
Le dérailleur Cyclo d’origine est un peu fatigué. Il monte très bien les vitesses, mais rechigne à la descente, se mettant légèrement en crabe en coulissant sur son axe. C’est hélas un problème courant, déjà connu à l’époque même avec du matériel neuf ! Avec du doigté et de l’anticipation dans les changements de pignons, on arrive plus ou moins à apprivoiser le phénomène par une bonne gestuelle de la manette, sans forcer, ce qui sinon augmente le coincement.
Notez le passage du câble de dérailleur qui fait un tour supplémentaire autour de la manette… pour que les vitesses fonctionnent dans le sens habituel ! Ce qui de toute façon n’est pas plus mal, pour le bon maintient du serre-câble dans son logement de la manette.
Le casse-tête du boîtier de pédalier
Là, c’est toute une histoire… très longue et très intéressante, si vous avez le courage de suivre ! Comme pour les plateaux, c’est encore un projet dans le projet. Dans 99,999 % des cas, les manivelles assemblées sur l’axe d’un pédalier à emmanchement carré le sont à l’aide de deux vis en filetage horaire… ce qui est au fond totalement stupide quand on voit la fréquence des problèmes d’emboîtements – et surtout de déboîtements – de manivelles gauches sur les vélos anciens, mais bon, c’est ainsi. Avoir une vis en sens antihoraire de ce côté-là est donc une excellente chose, bien pensée… Mais trop inattendue ! L’ancien propriétaire a dû la serrer à mort sans comprendre ni arriver à quoi que ce soit, et à cause du léger grippage intervenu au bout de décennies de stockage calamiteux, la vis s’est cassé net lors du démontage ! Pas grave, il n’y a qu’à changer de vis… Sauf qu’elles sont introuvables, même chez les vendeurs de fournitures industrielles. Une première approche naïve consisterait à ressouder la vis sur sa tête… C’est faisable – la preuve ci-dessous – mais il faut avoir confiance, et c’est trop hasardeux pour les longues distances.Pour une plus grande fiabilité en étant proche de l’origine, ces boulons René Herse de refabrication sont plutôt jolis même si leurs têtes sont au standard de 15mm – plutôt que de 16mm comme jadis – mais on ne va pas pinailler… sauf que la paire est filetée dans le sens horaire ; mauvaise pioche !
Pour contourner le problème de la vis d’axe de pédalier au pas inversé – de toute façon introuvable – on serait tenté de changer l’axe pour pouvoir monter les vis de refabrication au filetage standard… Dans cette solution, on se heurte à un écueil auquel il faut réfléchir. En effet, l’emboîtement doit être rigoureusement identique, car rien n’est réglable dans le débattement de la fourchette du dérailleur avant.
Comme l’axe d’origine n’a pas un profil standard, étant monté sur de vrais et costauds roulements à billes – ce qui n’est pas plus mal – il faut se lever de bonne heure pour trouver quelque chose d’identique, même sans tenir compte de la longueur ! Certains axes européens anciens ont bien été montés sur roulements à billes ou à rouleaux, mais pas de la même façon ; pas avec ces sortes de cuvettes bouchons. Rien ne correspond, et l’écartement des roulements est toujours trop grand. En se tournant du côté des fabrications chinoises actuelles, en cherchant bien on peut trouver notamment ce type de boîtier de pédalier Zhongya.
Une fois désassemblé, on obtient un axe aux épaulements des roulements un peu trop écartés, mais pas tant que ça. Comme le diamètre de l’axe est de 16mm au lieu des 17 de Herse, on ne peut pas monter de roulements standards.
En fouinant une fois de plus, on peut dénicher des roulements de qualité au diamètre intérieur des roulements chinois (à gauche) et extérieur standard comme les 6003 d’origine (à droite) : ce sont des 16003/16 (au milieu) ! Seul défaut, ces roulements sont moins épais… ce qui n’est pas un problème, au contraire, car rappelez-vous, l’écartement des roulements est un peu trop grand sur l’axe. L’étroitesse relative des roulements corrige donc ce défaut en intercalant au besoin une fine rondelle devant ou derrière, ajustement à déterminer lors du montage d’essai.
La longueur de l’axe demande aussi réflexion. Le carré Herse est trop éloigné des standards JIS ou ISO ; la pente est bonne mais le carré est bien trop gros aux extrémités ! Il faut donc prévoir un axe chinois plus long et le meuler soigneusement de quelques millimètres aux deux bouts. La longueur est à déterminer précisément pour arriver au même emboîtement des manivelles qu’à l’origine, à cause du dérailleur non réglable, hé oui ! Pour démystifier les (in)compatibilités entre les standards d’axes de pédaliers carrés, voir cet article. Ici, avec un axe chinois de 120 on obtient le même emboîtement qu’avec le Herse de 115mm ; problème résolu ! Tout va bien, on peut donc maintenant monter les vis de refabrication sur l’axe chinois… sauf que, vu la mauvaise qualité de l’essentiel de ce qui est chintok, lors des essais l’axe tourne comme une patate et le pédalier louvoie en 8 ! Encore une mauvaise pioche. Il va falloir changer de stratégie et faire avec des roulements standards, l’axe d’origine… et adapter les vis, pas le choix.
On peut facilement se procurer des vis de 8mm à têtes hexagonales suffisamment résistantes – en acier classe 10.9 ou mieux 12.9 – au pas fin de 100… Pour le côté droit pas de problème. Pour le côté gauche par contre, on a le choix entre filetage inversé ou pas fin ; mais pour trouver les deux à la fois, je n’y suis pas arrivé ! Alors va pour une vis plus longue au pas fin en sens horaire, et avec une bonne filière au pas fin inversé, on recrée un filetage à gauche sur la partie lisse (droite de la photo). Pour finir, il n’y a qu’à retailler la longueur et le tour est joué, problème résolu. Sauf que, même avec une rondelle belleville épaisse et un peu de peinture chromée, l’assemblage serait fonctionnel… mais assez laid, face à l’origine à gauche et la refabrication au centre !
Tout cela n’a pas servi à rien. Remarquez que le haut de la vis – qui était fileté à l’origine dans le sens normal – a bien réagi au passage de la filière en sens inverse, de manière assez étonnante… On peut donc faire encore mieux. En rechargeant au préalable le filetage d’origine à la soudure, on peut ensuite réaliser un filetage parfait en sens inverse ! C’est ce qui a été fait sur ce boulon René Herse de refabrication (à gauche sur la photo), à l’aide d’un peu de Thermishield sur la tête pour conserver la brillance de la couche de surface, qui a à peine jauni sous la chaleur du chalumeau.
Cette solution est finalement la plus simple… Il suffisait d’y penser ! Ouf, le gros problème du boîtier de pédalier est cette fois vraiment résolu, enfin… de façon fiable et esthétique.
Les pédales
Cela peut sembler anecdotique, mais les pédales – comme le reste du vélo, d’ailleurs – en ont vu du pays, au point où leurs cages se sont retrouvées bien rabotées, le crantage complètement limé à l’arrière. J’aurais pu les laisser telles quelles, mais ce n’est pas très sérieux ! Usure de travers, plus assez de matière ; difficile d’imaginer faire sérieusement de longues distances dans cet état.
En photo, la différence avec un exemplaire moins usé – et moins rouillé – est flagrante.
Problème : trouver ce modèle en bon état avec l’ancienne forme de bouchons – observez bien la photo ci-dessus – est quasiment impossible, et ils ne sont pas interchangeables, car les filetages sont différents entre les générations. Une paire de Lyotard 45CA – bien crantée – plus récente est donc montée en attendant une meilleure solution…
Le poste de pilotage
Si malgré probablement une bonne chute – je m’apercevrai plus tard que la géométrie du vélo est très sensible aux guidonnages violents à la moindre charge placée à l’avant, alors c’est tout à fait probable – les leviers de freins se réparent facilement et le cintre est resté intact, il n’en va pas de même pour la potence.
Les leviers Lefol, incassables donc, comme se vantait le fabricant à l’époque, le sont peut-être. En effet, ils se redressent assez facilement à froid avec une bonne poigne ! Rien ne se craquelle, tout va bien, l’aluminium est « mou » mais costaud. En étant attentif, la potence a par contre révélé une très mauvaise surprise. Pas très visible mais bien là, une fissure parcourt presque toute sa hauteur dans le prolongement de la colonne de direction. Pour une raison de sécurité évidente, pas question de la conserver telle quelle pour rouler. OK, mais on ne peut pas monter n’importe quoi à la place. C’est un René Herse, bordel ! Provisoirement, ce sera donc à cet ensemble potence Caminargent de chez Caminade et leviers Lam, d’assurer l’intérim après avoir passé le cintre à la gomme-laque. Bon, d’accord, les gaines sont restées un peu longues, mais c’est voulu pour éviter les mauvaises surprises lors de la repose du poste de pilotage définitif… Il sera toujours plus facile de raccourcir que de rallonger !
Les freins
On arrive là à une des parties les plus massacrées de ce vélo. Ses mauvaises conditions de stockage ont soudé les tiges des patins dans les boulons à œil, les écrous en aluminium se sont boursouflés d’oxydation et à moitié désagrégés… Et l’incompétence de son précédent propriétaire a fait pire, tordant les ressorts de façon stupide, foirant une vis de tasseau, déformant en le fissurant au passage un demi-étrier (en bas à gauche sur la photo) pour une raison obscure – peut-être dans l’idée de mieux aligner le câble ? ! – et abîmant les autres par ses réglages hasardeux. Bref, le sauvetage de ces cantilevers remarquables de design et de légèreté s’annonce très délicat… voire impossible ! Avec beaucoup de patience le principal arrive à se dégripper. Les meilleures pièces arriveront à reconstituer le frein avant à l’aide de ressorts et d’écrous de refabrication. Pour ce qui est des patins, la raison obscure de ces supports en acier s’éclaircit : ils ne sont manifestement pas d’origine. En effet, les porte-patins Mafac 5 plots ne passent pas entre la fourche et la jante à moins de raboter les patins ! Difficile d’imaginer ce bricolage présent dès la conception dans l’atelier Herse… alors qu’il aurait suffi d’allonger les tasseaux de quelques millimètres pour éviter tout problème.
Concrètement, faut-il retourner aux supports aluminium à 4 plots, ou conserver la modification à 5 plots… tout en se débrouillant pour ne pas bidouiller les patins. Alors, fromage ou dessert ? Les deux mon général ! Par respect pour le souci du choix des matériaux ainsi que du vécu du vélo, ce sera des Mafac Tandem aluminium à 5 plots… ce qui ne change rien au problème des porte-patins trop long qui entrent en contact avec la fourche. Un léger façonnage de l’extrémité des supports, permet un écartement suffisant des porte-patins équipés de gommes neuves… tout en restant très discret une fois l’étrier remonté, le biseau étant caché par les fourreaux de fourche, qui nous gênait justement !
dernier obstacle pour arriver à un étrier de frein avant fonctionnel, le problème des ressorts. En effet, ceux d’origine ont été massacrés, et ceux de refabrication n’écartent lors des essais pas assez les patins qui lèchent la jante. Déformer les ressorts pour leur donner davantage de force de rappel est d’autant plus hasardeux qu’on risque de perdre leur symétrie de pincement en l’absence de tout réglage possible. Sinon, il faudrait, oh sacrilège, rajouter une paire de trous d’ancrage sur la fourche – comme sur les vélos modernes qui en comportent habituellement 3 – soigneusement symétrique pour que la force des ressorts conserve son équilibre. Seul problème, les tasseaux n’ont pas assez de matière pour réaliser la modification. Finalement même s’ils sont déformés, les ressorts d’origine seront donc remontés, en s’assurant de l’égalité de leurs forces de rappel.
Le frein avant est maintenant fonctionnel et conforme à l’origine… après pas mal de travail. Notez un rajout personnel : une petite rondelle en cuivre pour éviter que la tige des patins ne vienne marquer – davantage – le corps de l’étrier.
Et pour le frein arrière au demi-étrier déformé et fissuré, alors ? Pas question de le conserver, il faut le recréer ! Comme pour l’axe de pédalier, c’est un projet dans le projet, on va le tailler directement dans un bloc d’aluminium. L’épopée est racontée en détail dans cet article.
Les garde-boue
À l’avant, pas de problème, après un léger débosselage et un bon polissage, tout rentre dans l’ordre. Pour l’arrière, il y a une étape supplémentaire car avec les garde-boue – surtout en aluminium – quand une vis est desserrée, la tôle se fissure vite autour du trou à cause des vibrations… il n’y a pas de mystère, on gagne à tous les coups. Ici, le responsable est l’écrou – foiré – de fixation au pontet du cadre. Il tient en place mais sans serrer, et donc ne sert à rien, sauf à cisailler le garde-boue ! Et pourtant, il mérite d’être sauvé ce Martelé de Lefol. Parce qu’il ne devrait pas être trop mal une fois poli, parce que le bossage autour de la dynamo est superbe, et parce que les restes de décalcomanie de l’UACP font partie de la noblesse de son vécu. Bref, pour le conserver il n’y a pas 36 solutions, il faut assurer une double fonction : renforcer et resolidariser la tôle d’une part, stopper la progression des fissures d’autre part… le tout avec – si possible – discrétion et esthétique. Pour arriver à ce résultat malgré les fissures s’étoilant dans toutes les directions (flèches rouges), deux plaques sont taillées dans de la tôle en inox. La plus couvrante sera bien entendu placée dessous, invisible et cachée par la roue ; la plus petite, discrète sous le pontet, sera ajustée pour recouvrir l’intégralité des fissures, sans plus… Et les deux seront remontées en sandwich sur le garde-boue avec une couche de Sikaflex 11FC gris, pour coller le tout et éviter la propagation des fissures en stoppant les vibrations par ses propriétés de souplesse et de ténacité. Notez l’élégance de l’ensemble et le demi-étrier de frein taillé dans son bloc d’aluminium 7075.
Le badge de cyclo-camping a retrouvé sa place, même si je suis davantage longue distance légère que bivouac lourd ; et la décalcomanie de l’Union des Audax Cyclistes Parisien – qui fait partie du pedigree de la bête – a survécu grâce à une couche de protection de Restom Protec Look. À l’avant, une fois repoli le phare Radios 16 en obus à meilleure mine. Sobre et élégant, on a échappé au pire… Heureusement que René Herse n’a pas eu l’idée de monter une optique martelée assortie aux garde-boue Lefol… le catadioptre y a bien eu droit, lui ! Le petit feu arrière – neuf, pas le choix – remplace à l’identique son homologue déformé et éclaté. Les pneus Panaracer Col de la Vie ont leurs flancs un peu trop pâlichons – et un marquage à la mode actuelle trop voyant par rapport à l’époque – mais leur dessin ancien sympa accroche bien en descente sans faire ressentir de résistance au roulement. Ils offrent, avec les ligatures rajoutées maison – en fil de cuivre soudé à l’étain – une meilleure stabilité du vélo lancé à grande vitesse. La tension des rayons a laissé à l’arrière un léger voile approchant les 2mm. Rien de rédhibitoire, mais rien de parfait. Hélas un petit enfoncement dans le flanc de la jante – comme un noyau de cerise – n’autorise pas mieux… Un rayon était manquant, mais pas question de monter quelque chose d’ordinaire, ceux d’origine étant extrêmement fins et sans équivalence actuelle : 1,7mm aux deux bouts et une très longue section centrale amincie à 1,4mm. On peut trouver quelque chose d’approchant, sauf pour les têtes, qu’un modèle pourtant ici très court a eu besoin d’être recalé par une rondelle pour garder une longueur de filetage raisonnable sans trop ressortir vers le rayon.
L’assise
Si la selle est étonnamment bien conservée et demande juste un petit nettoyage de sa structure, un soin du cuir…. et seulement 500km pour s’assouplir à nouveau ; la tige de selle en aluminium, elle, demande à être remplacée par un modèle plus long. Son diamètre exotique de 24,8mm est introuvable. Des tiges bougies actuelles en 25,4 voire 25mm passe encore… mais trop gros, ne rentrent pas. Et un peu trop laid aussi, avec une finition anodisée ; et ici un état de surface granuleux accompagné d’un vilain lettrage « Ergotec 2 ». Impossible de monter une horreur pareille sur ce vélo ! Un travail précis de rectification amènera le tube de 25 à 24,8mm – pas de quoi compromettre sa solidité – puis un patient polissage lui donnera une finition lisse, fidèle à l’origine. L’aluminium en a presque pris un aspect d’acier chromé !
Restera à ajuster les longueurs aux deux bouts, parce que quand même, 130g au lieu de 50, il y a bien quelques grammes à grappiller… on ne badine pas avec le poids sur un René Herse ! Ainsi on descend à 110g, soit un tiers de poids supplémentaire à longueur égale. Pas de miracle, la nuance d’aluminium de l’époque étant plus coriace que le sino-germanique bas de gamme actuel, il faut davantage d’épaisseur à celui-ci – 2,5mm contre 1,8 à l’origine – pour une même rigidité.
Premiers essais
Fin de la première étape de cette restauration. Voilà le vélo apte à prendre la route, et il le fait très bien, c’est un vrai régal – y compris dans les bonnes montées avec son petit plateau de 28 – comme sur cette Flèche Briançon – Paris, ou le Paris-Brest-Paris 2023… plus long mais moins pentu ! Malgré quarante ans de plus et quelques kilos supplémentaires, il se mène aussi agréablement, voire mieux – mais c’est sans doute de l’ordre du subjectif – que par exemple un Peugeot Cosmic en aluminium de la fin des années 80… Mais les deux ne jouent pas dans la même cour. Pas réalisés avec les mêmes impératifs de coûts ni de production, pas la même diffusion, pas la même époque, pas le même usage ; pas grand-chose de comparable au fond pour ces deux machines classiques dynamiques.
Quoi qu’il en soit, très étonnant cette capacité de créer un vélo de cyclotourisme / cyclo-camping avec le comportement d’une machine routière performante.
La restauration : phase 2
Même si le vélo est complètement fonctionnel et très agréable à rouler, le remettre totalement en configuration d’origine impose de résoudre les problèmes résiduels :
- corriger de manière esthétique l’usure des pédales d’origine,
- assurer la montée des plateaux de façon rapide, fiable et précise,
- avoir un fonctionnement plus souple du dérailleur arrière dans la descente des pignons,
- comme pour l’étrier de frein, tailler une réplique de la potence Herse dans un barreau d’aluminium.