Mettez la gomme (laque) à vos guidons !

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Si pour vos vélos anciens vous aimez la guidoline en tissu – ce qui est un affreux pléonasme, car oui, avant d’entrer dans le langage courant la guidoline est le nom commercial d’une bande de coton – mais que vous n’appréciez pas la couleur terne qu’elle prend souvent au fil des kilomètres, à cause de la poussière et de la sueur qui l’encrassent ou des séances de mécanique improvisées en bord de route ; bref pour éviter qu’elle ne devienne trop vite dégueulasse, avez-vous déjà essayé de lui appliquer une belle gomme-laque ? On aime son rendu ou pas, mais malgré ce qu’on pourrait penser ce n’est pas si compliqué à faire… Même si la réalisation demande un peu de patience ! Bon d’accord, quand il y en a épais l’aspect vitrifié passe sur un guidon des années 40 ou 50, mais fait franchement décalé sur un cintre des années 80, sauf à appliquer moins de couches ou à assumer le look rétro… mais après tout, c’est à vous d’avoir le bon vélo !

Qu’est-ce que c’est au juste ?

La gomme-laque est un produit naturel. En provient des sécrétions très abondantes d’une minuscule bestiole, une cochenille asiatique, sur les branches des arbres qu’elle infeste. Le but pour le parasite est de protéger ses œufs dans de grosses boursoufflures résineuses. Une fois récoltée, la gomme-laque brute doit être purifiée, débarrassée de sa cire, et séchée en fines plaques avant d’être utile à nos vélos. Bref c’est de la sève digérée par un insecte que l’on va étaler sur nos guidons. Pas très glamour, mais vous en avez sûrement déjà ingurgité… pensez aux chewing-gums, chocolats et bonbons gélifiés qui en contiennent souvent, c’est l’additif E904 !

La préparation :

Pour réaliser la mixture, pardon, sa propre gomme-laque, il faut des flocons de gomme-laque, de l’alcool et rien d’autre… Ah si, le tissu sur lequel l’appliquer, et surtout d’un peu de temps ! La gomme-laque doit être déparaffinée, car elle contient naturellement quelques pourcents de cire. Les flocons déparaffinés sont plus clairs mais davantage sensibles à l’humidité, ils se conservent donc moins longtemps.

Il faut faire plonger dans un récipient en verre 30 grammes de paillettes pour 100 ml d’Alcool à 90° (ou plus), modifiée ou non, mais teintée elle risquera d’assombrir encore davantage ce qui est naturellement assez foncé. Laisser les cristaux se dissoudre, en agitant le flacon de temps en temps pour activer la dissolution. L’alcool commence à se teinter rapidement et le liquide s’épaissit peu à peu, mais la dissolution totale prend du temps. Compter facilement une bonne journée. Il faut secouer plus énergiquement sur la fin, car la dissolution se ralentit à mesure que l’alcool se concentre en gomme-laque… Il faut donc prévoir son mélange à l’avance, mais il se conserve dans un flacon bien fermé.

La pose de la guidoline :

L’attente peut être mise à profit pour poser le ruban de coton soigneusement sur le cintre. Il y a deux choix à réaliser : celui de la couleur et celui de la matière. Pour la couleur d’abord, le blanc ou le crème forment les options les plus évidentes, la gomme-laque teintant le tissu de façon assez prononcé au fil des couches appliquées. Le marron ou le noir peuvent être intéressants pour réaliser une teinte foncée assortie à la selle (en cuir). Point de vue matière, il faut de la tresse en coton. Le prix varie parfois énormément mais la provenance n’a pas beaucoup d’importance. Rubans spécialisés (y compris la vraie guidoline) d’anciens stocks ou fabrications actuelles comme la Tressorex 85 ou Tressostar 90 de Vélox, conviennent aussi bien qu’une simple tresse de mercerie (beaucoup plus économique en grande longueur). C’est le choix qui a été fait pour illustrer cet article… avec le bouchon en liège d’une bouteille de gros rouge, coupé en deux pour la finition ! Si vous avez la vie trop saine pour ce genre de pratiques – la boisson, pas la couture – demandez gentiment à un voisin !

Pour rappel, toute guidoline est correctement posée en commençant du côté des bouchons… même si l’inverse est plus pratique et rapide. On termine donc vers le milieu du cintre, et pour une finition discrète mais assez acrobatique, on peut arrêter la guidoline sous le cintre en réalisant une couture – par le dessous donc – de la tresse. La ficelle que l’on peut parfois voir enroulée au centre du guidon pour arrêter le ruban semble être davantage un bricolage contemporain, qu’une ancienne pratique courante.

Beaucoup plus simplement et à l’inverse de ce qui vient d’être écrit, on peut en vue d’une imprégnation de gomme-laque, enrouler la guidoline du centre du cintre vers les extrémités, très tendue surtout (ne pas avoir peur de tirer dessus), en terminant par les bouchons. La toile une fois bien séchée et vitrifiée par la gomme-laque (servant également de colle), il sera alors bien difficile de la dérouler simplement en s’agrippant au guidon !

Sur ce bout d’essai on se rend bien compte que la gomme-laque arrive à imprégner la couche inférieure de l’enroulement. Ici le tissu avait été tendu sur un tube carré et verni sur 3 faces. Notez la toile rigidifiée qui a tendance à conserver la trace des angles du carré ; et le tissu étant libre, à se détendre sur la 4ème face.

La réalisation :

Bien agiter le flacon avant chaque couche pour unifier la teinte et dissoudre le petit dépôt éventuel qui a pu se former.

Réaliser 1 ou 2 applications par jour – à au moins une dizaine d’heures d’intervalle – pour atteindre 2 à 6 couches selon le rendu et la teinte souhaités : du coton protégé par imprégnation à un aspect davantage « vitrifié » ou façon « cuir », d’ambre clair à brun terre de sienne (voire beaucoup plus clair en partant de paillettes décolorées). Si on n’a pas la possibilité de réaliser toutes les couches dans la foulée, rien de grave, laisser passer plusieurs jours entre deux couches ne risque pas de faire craqueler les laquages précédents. Pour un cintre complet, il faut compter 20ml de solution par couche.

Entre deux couches, rincer le pinceau immédiatement à l’eau claire pour éviter que ses poils ne durcissent.

Si le cintre est déjà monté sur le vélo, il faut le bâcher pour le protéger des éclaboussures inévitables produites par le pinceau à un moment ou à un autre. Les taches fraîches s’effacent sans problème à l’aide d’un chiffon humide ; bien sèches, il faudra insister à l’alcool.

Et voilà ; une fois toutes les couches appliquées et avant d’utiliser le vélo, il faudra bien entendu encore un peu de patience pour laisser sécher le tissu en profondeur. L’alcool s’évapore vite, mais un peu de prudence ne peut pas faire de mal.

Les paillettes de gomme-laque décolorées permettent d’obtenir une préparation beaucoup plus claire. Ici le ruban en coton couleur crème a très peu jauni après l’application de deux couches, et garde un aspect assez naturel. Le but n’est pas d’obtenir une vitrification, mais de rendre le tissu plus facilement nettoyable et d’éviter qu’il devienne trop vite crasseux… En plus d’être davantage en accord avec les vélos des années 70 ou 80 !

 

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