Adapter des plateaux René Herse neufs sur un pédalier ancien

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Si vous avez la chance d’avoir un pédalier René Herse – et tout le reste qui va avec, c’est encore mieux – vous avez toujours la possibilité de remplacer vos plateaux par ceux de fabrication américano-taïwanaise proposés par Jan Heine de renehersecycle.com. Même si l’aspect n’est pas exactement celui de l’original, ce type de plateau a le mérite d’exister, et est plutôt bien réalisé ! La résistance de l’aluminium 7075 se sent parfaitement sous la lime… Mais j’anticipe.

Le seul problème est celui du prix, mais bon, si c’est pour équiper un vélo René Herse, après tout ça se mérite… Et accessoirement les frais de douane aussi, mais ça, c’est une autre histoire !

Voici donc le cobaye du jour : un pédalier crasseux et fatigué de la fin des années 40, en compagnie des plateaux tout neufs qu’il reste à monter.

Et là naïvement, vous pensez être sauvé, et vous le serez…. Sauf si vous possédez un pédalier de première génération. Hé oui, car jusqu’au milieu des années 60, les pédaliers et les plateaux n’avaient qu’une vague ressemblance avec le type actuel… Et le principe de fabrication était franchement meilleur en y réfléchissant bien !

Bon d’accord, sur la photo et sous la crasse, on ne comprend pas forcément le problème, alors voyons ça de plus près, d’abord vu de l’arrière.

Chacun, ancien et moderne, à un système de cheminées différent. Ouais, bah y’a qu’à les changer, sauf que non, rien à voir malgré les apparences. Ce qui saute tout de suite aux yeux par contre, c’est la différence de profil autour des cheminées. Ouais, bah y’a qu’à limer, à condition qu’il y ait suffisamment de matière, et là, ça a l’air juste juste !

En parlant de cheminées, les anciennes nagent dans les trous des plateaux modernes. Là, on voit qu’il y a comme un problème !

Une solution rapide et dégueulasse consisterait à agrandir directement les 3 fixations de la manivelle, mettre des cheminées modernes, et zou, on n’en parle plus… Oui, mais non, certainement pas !

Même si la différence de diamètre entre ancienne (7mm, en haut) et nouvelle cheminée (8mm, en bas) n’est pas énorme, remarquez que le filetage est interne dans l’ancien système, et externe dans l’actuel ; ce qui obligerait donc à repercer non pas seulement à 8mm mais à 10 (qui est le diamètre externe de l’autre partie de la cheminée moderne)… Alors faire passer les trous de 7 à 10mm ? Sans façon, ce n’est pas de la restauration, c’est du massacre !

photo de renehersecycles.com

Alors pour nous faciliter la vie, Jan Heine encore lui, propose cette série limitée de plateaux qu’il faut finir soi-même à la lime et à la perceuse. C’est bien beau, mais comme son nom l’indique, une série limitée n’a pas vocation à être pérenne ; et limité, cette série l’est aussi par le peu de dentures proposées (actuellement 26, 30, 32 ou 36 dents). Bref, pour ces deux raisons – et éventuellement à cause d’un prix également plus élevé de ces ébauches – voyons donc comment adapter des plateaux neufs (aux perçages contemporains) sur les pédaliers de première génération.

Allez, c’est parti !

Adaptation du petit plateau :

Première remarque : nous avons vu que les plateaux modernes se montent avec des cheminées actuelles (c’est fait pour) et tout ce qu’il y a de plus standard. Et que ces cheminées (à part le problème du filetage) sont à peine plus large (8mm au lieu de 7) que les anciennes cheminées spécifiques René Herse.

Bien. Il suffit donc de partir d’une cheminée standard, et d’inverser le filetage : en créer un en interne et supprimer l’externe existant (et inutile).

Pour cela, commencer par repercer la cheminée à 4,2mm pour la tarauder à 5mm. Là, mine de rien, il y a un choix épineux à faire. Soit conserver les vis d’origine en filetage SI (l’ancien standard de visserie jusque dans les années 60), soit prévoir de mettre des vis neuves (disponibles à la boutique de Jan Heine) en filetage ISO. Donc tarauder respectivement en 5×0,9mm ou en 5×0,8mm là est le dilemme. Comme je pourrais avoir besoin ailleurs sur le vélo de mes vis d’origine un peu moches mais à l’ancienne norme, autant s’assurer l’avenir et prévoir des filetages aux normes actuelles pour ce pédalier.

Une fois que le cas de conscience du filetage est résolu, il reste à réduire le diamètre extérieur de la cheminée de 8 à 7mm.

Au tour c’est du vite fait… À la lime c’est plus long, mais on y arrive aussi très bien – 0,5mm à raboter sur tout le périmètre, ce n’est pas la mer à boire – à condition d’être soigneux et patient.

Voici donc une cheminée standard (à gauche) devenue apte à assembler des plateaux récents sur un pédalier ancien (à droite).

C’est pas tout ça, il faut également adapter le profil du plateau.

Pour cela, les cheminées nouvellement créées permettent de superposer parfaitement ancien et nouveau plateau. Un trait de marqueur pour tracer le profil, et il suffit de suivre le contour à la mime ! Ici c’est déjà dégrossi, encore un effort…

On arrive à un résultat très propre avec un peu de soin.

Si tout est bien ajusté, même à l’envers rien ne tombe, ni les cheminées ni le plateau ! On peut alors passer au grand…

Adaptation du grand plateau :

Le principe est le même que pour le petit plateau. On se sert des cheminées usinées au départ pour superposer ancien et nouveau plateau, puis on trace le profil au marqueur pour faire le travail à la lime. Il y a comme un air de déjà-vu !

Notez qu’entre anciens et nouveaux plateaux il n’y a pas de matière en trop vers le centre, c’est vraiment pile poil au même diamètre.

Ici les cheminées servent à l’assemblage provisoire, mais sont destinées à être à l’arrière, moins visibles, et plus ressemblantes avec l’arrière de celles d’origine. Il faut donc maintenant réaliser l’avant des cheminées.

Ici les parties supérieures des cheminées ont été réalisées au tour, mais on peut s’en sortir avec l’autre partie des cheminées modernes standard dont on raccourcit l’entretoise, puis que l’on manchonne pour les repercer à 7mm. Ça a l’air plus compliqué, mais c’est faisable avec un outillage basique.

Si tout a été parfaitement ajusté, même en secouant l’ensemble, rien ne tombe ; ni dans un sens ni dans l’autre, et c’est là le génie de ces pédaliers René Herse de première génération. Avec les branches de plateaux terminées en arc de cercle, même si les cheminées sont légèrement desserrées – pas trop, faut pas exagérer non plus – les plateaux restent bien verrouillés, contrairement aux fixations contemporaines où ils glisseraient, amplifiant vite le desserrage avec une tendance à cisailler les cheminées. Alors pourquoi ce système a été abandonné au cours des années 60 pour un principe, adopté certes par tous les autres constructeurs… Mais moins bien conçu ? !

Pour finir, il faut quand même replacer les vis et écrous comme à l’origine, pour verrouiller les deux parties de cheminées.

Après un bon polissage – et rechargement à la soudure aluminium des dommages à la manivelle que vous avez peut-être remarqués – ce pédalier est prêt à reprendre la route.

Notez la manivelle gauche d’une finition plus approximative. Je n’ai pas cherché à atténuer les traces, car elles font partie de la légende René Herse. En effet, selon une plaisanterie d’époque, on pouvait reconnaître qui avait été chargé de la finition des pièces… d’après les traces laissées par les coups de limes ! Ici, les deux manivelles ne sont visiblement pas passées entre les mêmes mains.

Bon d’accord, le résultat n’est pas mal, mais le profil des plateaux est légèrement différent. Certains s’étrangleront avec ce flagrant délit d’anachronisme, et en particulier avec le manque de bourrelet en périphérie du grand plateau ; mais n’en déplaise aux partisans du tout d’origine préférant les pièces de musée, un vélo est fait pour rouler, tant qu’on ne le dénature pas !

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