Petite histoire de gaines de dérailleurs

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Pour vous, je ne sais pas, mais pour moi j’ai toujours considéré les changements de gaines comme une corvée, un truc de fabricant pour pousser au remplacement, ou de vélociste pour pousser à la révision… complète de préférence et avec la facture qui va bien ! Bref, quelque chose de superflu, et je parle bien de gaines, pas de câbles. Ces derniers, je les change sans scrupule, et surtout scrupuleusement. Question de sécurité, surtout pour les freins. Tous les 15000km si vous voulez savoir, et ça a toujours très bien fonctionné comme ça (sauf que là, gros coup de flemme et dans les 2000 de plus…) Jamais une casse sur un vélo au long cours. Sur mes vieux clous de collection, j’ai bien effiloché une ou deux sorties de manettes allant aux dérailleurs, mais sur du matériel hors d’âge ce n’est pas pareil. Bon ; revenant de mon tour du Berry pour les BCN / BPF, je décrasse le vélo qui en a bien besoin, change la chaîne, et monte un peu les pignons pour voir si tout va bien… et là, claquement sec et le dérailleur qui redescend. Vu que la sacoche me masque l’avant, je me dis « hé merde, voilà cette vénérable manette Dura-Ace 7800 qui pète ses crans comme une arrière-grand-mère son dentier dans un caramel dur ! Le nom de la nonagénaire n’a pas d’importance, disons Paulette ou Muguette, mais celui de la manette si : c’est une antiquité où, pour situer pour les jeunes, le câble des vitesses sort par le côté du levier vers l’intérieur, faisant sur l’avant comme le croisement des deux antennes d’une langouste. À manger c’est très bon ; à voir, bof, c’est moche ! Ceci dit, après un moment qui me laisse perplexe, la manette semble encore bonne pour le service. Bon, je retends le câble au dérailleur, même si un ripage me semble improbable vu comment je sers tout à fond. Rebelote, le dérailleur monte deux pignons et retourne sur le petit. Et là, pas normal ; forcément. Je zieute du côté de la sacoche, comme ça, l’instinct du mec poissard qui a déjà tout massacré sur un vélo. Et là, bingo ! La gaine s’est complètement ouverte dans le sens de la longueur. La cause est bien entendu l’usure, mais cela mérite quelques explications :

Là où y’a de la gêne, y’a pas de plaisir, dit l’expression populaire. Mais pour un vélo, on pourrait aussi bien dire : « là où y’a plus de gaine, y’a plus de plaisir ! »

Comme tout, dès qu’il faut vendre toujours plus – et de préférence toujours plus cher – marketing et ingénieurs turbinent à toute vitesse pour nous pondre des nouveautés sans arrêt et toujours aussi merveilleuses qu’indispensables. À se demander comment personne n’y avait pensé avant, et à se demander comment ils avaient osé commercialiser de telles merdes il y a 6 mois à peine, tellement le dernier modèle surpasse tout. À croire que le cyclo était lui aussi maso de se servir de telles saloperies en y trouvant son compte. Bon, j’exagère car le domaine des gaines évolue lentement, et n’est pas sujet à la même frénésie que le reste de la transmission, ou là, c’est autre chose… Donc :

1. Au début, les gaines étaient constituées d’un simple fil d’acier nu torsadé dans lequel le câble passait. Puis on a ajouté du plastique autour. Pour faire joli, et écran à la pluie et aux saloperies.

2. Le fil d’acier torsadé, de rond est devenu un peu aplati, permettant au câble de moins raccrocher à l’intérieur. C’était bien vu et plus robuste à la torsion.

3. Pour devenir franchement plat, avec une section nettement rectangulaire permettant de placer, entre le fil d’acier torsadé et le câble, une petite gaine interne en plastique (ou téflon) pour un meilleur glissement du câble… même si une goutte d’huile de temps en temps fait aussi bien l’affaire…

4. Et puis on pensa les choses différemment : les fils d’aciers de la gaine ne tournicotent maintenant plus en spirale, mais pivotent très légèrement dans l’axe de la longueur (à vue de nez, de 5 ou 10°). C’est ce qu’on trouve aujourd’hui partout pour les dérailleurs.

L’idée pourrait paraître bonne :

  • Meilleure résistance à la compression, car il n’y a pas d’écarts – infimes – entre les spires qui pourraient se tasser comme sur les gaines classiques. Les vitesses s’indexent plus précisément.
  • Meilleure résistance aux changements de directions serrés, aux guidons dans les coins, là où les spires des gaines classiques ont la fâcheuse tendance à s’écarter méchamment.

En théorie ça tient la route. Sauf que ! Le câble, quand on tire dessus, il essaie naturellement de trouver le chemin le plus court, et en ne le trouvant pas il transmet le mouvement, aux dérailleurs. Dans mon cas, le câble a trouvé le chemin le plus court en allant voir entre deux tiges de la gaine. Un travail sans doute de patience… qui a fini par porter ses fruits. Comme les tiges de la gaine ne sont pas pile-poil dans l’axe de la longueur, mais tournicotent très légèrement. Nous devrions être tranquilles. Oui mais, si avec le temps et les mouvements du guidon ou autres torsions, les tiges se retrouvent bien dans l’axe du câble, patatras !

En résumé, les gaines de dérailleurs avec la série de tiges rigides parallèles sur la longueur sont un beau progrès par rapport aux gaines classiques en spirale, d’accord, mais pour éviter tout risque de casse, pourquoi ne pas rajouter une couche de fil torsadé comme dans le temps, ainsi on aurait l’avantage des deux systèmes : robustesse et précision de transmission. En plus, la finesse des gaines actuelles de dérailleur le permettrait sans problème… Alors, chiche Monsieur Campashimanolo ? Mais en attendant, pour être tranquille, ne négligez pas vos changements de gaines, promis !

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