BCN et BPF : Berry – 18 Cher & 36 Indre

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Kilomètres réalisés : 8320
Provinces BPF validées : 12
Départements BCN validés : 31

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Le 14 juillet passé, exit l’odeur de fioul rance et des troupeaux de touristes ébahis sur les Champs Élysées ; le silence aveugle est rendu aux nuits d’été, et les pavés de Paris ne résonnent plus du bruit des bottes des sabots et des chenilles. Pour moi, plus modestement cinq semaines après le BRM 1000 de Ménigoute et à un mois du Paris-Brest-Paris – que voulez-vous, je vais encore m’y coller ! – il faut bien aller rouler un peu. Gare de Bercy, un mercredi matin, c’est parti pour un p’tit tour dans le Berry. Le centre de la France est celui de mes origines en remontant de quelques générations – qui se sont elles-mêmes perdues en montant à la Capitale – mais bon, on s’en fout un peu… Bref, le Cher, l’Indre ; deux départements râpeux a priori assez éloignés des hordes braillardes et sans-gêne du tourisme estival de masse… mais pas de la chaleur écrasante que j’ai de plus en plus de mal à gérer. Je vous en dirai peut-être plus un jour, en attendant le train s’arrache du quai après la dernière annonce de la voie chaude et enregistrée de la Dame au micro, et sur un coup de sifflet et le claquement sec des portes, le convoi de ferraille s’ébroue. Les derniers lambeaux de sommeil restés accrochés à ma conscience se trouvent dilacérés sur les rails, et c’est parti. Avons-nous seulement conscience de cette chance incroyable de pouvoir en quelques heures nous retrouver à l’autre bout de la France ou de l’autre côté du Monde ? Est-ce que le voyage a-t-il seulement – encore – un sens dans cette impatience passive qui est devenu un droit balayant l’idée même du moindre effort à fournir ? Le vélo pour réinvestir le temps et l’espace, comme moyen dérisoire de redonner de la pesanteur aux déplacements ? Dans kilomètres il y a kilo après tout. Comme mille pour le scientifique, et c’est beaucoup à compter mille ; kilo comme un poids pour le charcutier, et ça en fait de la chair. Kilomètre, kilo ; le voyage a donc une densité, un poids, de quoi en faire un acte physique. Acte d’amour, et parfois de haine. C’est au fil de ces pensées que deux heures et cinq arrêts plus loin, je suis recraché en gare de Cosne-sur-Loire. Le coin ne m’est pas totalement étranger, et j’y suis d’ailleurs encore passé en débutant mon cycle des BCN / BCF il y a deux ans, en faisant le tour de la Nièvre.

S’extraire de Cosne-sur-Loire est compliqué depuis la gare. Un vrai merdier avec les petites rues en sens unique du centre-ville. Il n’y a pas de tracé évident, de panneaux de directions clairs, de trajet direct pour rejoindre le pont enjambant la Loire. Les sens interdits sont là, partout où vous voulez aller, comme un fait exprès. Une fois sorti laborieusement de la petite ville, je prends la voie verte bien entretenue en direction de Sancerre. Je repère quelques coins accueillants pouvant me servir d’abri pour demain soir au retour, car le dernier train sera sans doute parti en fin d’après-midi… sans moi ! Un début de parcours en plaine à l’écart de la circulation, au calme sous un beau soleil ; difficile de faire mieux. Une fois à Bannay, je reprends la piste cyclable longeant cette fois le Canal Latéral à la Loire où barbotent quelques bateaux de plaisance chargés de vacanciers. Après la platitude des berges du canal, je suis surpris par la bosse de Saint-Satur permettant d’accéder au village voisin de Sancerre, premier pointage de ces BCN / BPF du Berry. Là où il y a pinard, il y a souvent des bosses et des buttes… des coteaux si vous préférez, et ça se confirme : Sancerre est franchement sur les hauteurs. Après mon tour de l’Anjou et le 1000 de Ménigoute du mois dernier, je continue mon exploration de la France viticole. Aujourd’hui au menu : petits vins de Loire pour faire glisser le fromage de chèvre.

En repartant ; à Saint-Bouize, une pétasse impressionnée ni par ma présence ni par les principes stricts du Code de la Route, grille son stop sous mon nez pour aller s’arrêter vingt mètres plus loin. Négligeant à mon tour les principes élémentaires de la politesse, je laisse échapper deux où trois jurons à pleins poumons quand la décérébrée ouvre sa portière. Elle doit avoir une très haute estime d’elle-même, et son temps doit valoir de l’or pour se foutre ainsi de la vie des autres ! puis je passe par le lieu-dit des Soucis, cette fois sans ombrage… ni ombre tout court, hélas. La matinée se poursuit sous un beau ciel bleu, et la chaleur n’a sans doute pas fini de grimper. Les champs sont pour la plupart déjà rasés de près, et les autres bien secs, attendent la faucheuse dans l’effervescence des moissons. Les vignobles du Sancerrois disparaissent vite du paysage, remplacés sur mon chemin par les canaux et la plaine agricole. Il fait déjà chaud, la température est limite pour moi. Je m’arrête pour m’enduire de crème solaire et faire le plein des bidons au cimetière en sortie de Beffes. Après le village, la cimenterie dresse un décor industriel inattendu. Le monstre de ferraille endormi repose là, dans un demi-sommeil poussiéreux, de l’autre côté du canal. Un abruti d’automobiliste double en face une autre bagnole en me forçant à viser le bas-côté. La journée promet d’être placée sous le signe des crétins. À Port-Conscience, je longe un instant la Loire prise dans ses familiers draps de sable, puis passe par la Chaume-du-Poids-de-Fer. Les noms de villages semblent assez imagés dans le coin… comme pour Cours-les-Barres, surtout dans sa version phonético-alcoolique ! Midi passé, comme la trentaine de degrés, j’arrive à Apremont-sur-Allier. Le terrain est toujours plat, la chaleur étouffante malgré un petit vent sympa ; pas forcément favorable, mais rafraîchissant. Le village est minuscule, tout mignon ; des vieilles pierres et quelques touristes pique-niquant.

En tout début d’après-midi, le peu d’ombre de la forêt d’Apremont ne parvient pas à faire baisser les 35°C perçus au-dessus du bitume. Je grimpe une petite bosse, la première depuis Sancerre, pour accéder aux Grands-Charentons. À Ourouer-les-Bourdelins, j’oblique au sud. Tout droit, et je finirais à Avord. Je n’y tiens pas vraiment. Souvenirs d’hiver et de bidasse, souvenirs froids dans les deux cas. Je m’arrête en surchauffe au cimetière en de sortie de Chalivoy-Milon. Je m’asperge largement de flotte et refais le plein des bidons. Je commence à avoir aussi sérieusement mal au popotin. Ce cuissard Louison Bobet, qui était plutôt confortable au départ, semble ne plus tenir ses promesses en quelques sorties. Grosse déception. Quelques kilomètres plus loin, après Thaumiers, les 37°C sont trop pour moi qui n’aie jamais supporté les grosses chaleurs. Ne pas avoir roulé ces cinq semaines depuis le BRM 1000 de Ménigoute n’arrange rien. Bon coup de moins bien, 110km et le bonhomme ne vaut plus rien ! Je m’avale un Red-Tonic – qui m’a toujours aidé à sortir d’une mauvaise passe – et repars tout doucement vers le prochain contrôle de Meillant. Les bois en approche du village n’offrent pas plus d’ombre que la forêt d’Apremont, et j’arrive au pointage sous un gros cagnard.

Cet après-midi, le village écrasé de chaleur semble pris de léthargie. Personne dans les rues, personne en vue. Je m’arrête prendre un peu de frais dans l’église du bourg. Les portes sont ouvertes sur un monde clair-obscur, presque plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur, frontière aux fourmis qui traversent de long en large l’entrée et aux oiseaux de passage qui s’aventurent jusqu’aux doubles portes. La halte me fait du bien. Le soleil aveuglant, les couleurs douces dans un patchwork d’ombres ; la fournaise harcelant la chair, le froid caressant la peau ; le dehors, le dedans ; tout est une question de contrastes. L’ancien cadran du clocher est là échoué, en lévitation au-dessus du sol, les aiguilles mortes disparues. Roue de secours du temps oublié par un lapin blanc. Alice et ses merveilles, où es-tu, où êtes-vous ? Personne pour répondre, personne n’est là. Je suis en jet-lag, surchauffe, décalage horaire ; allez, il faut repartir. Je quitte le petit village de Meillant pour le gros Bourg de Saint-Amand-Montrond. Une vraie ville blottie au fond de sa cuvette. Les fourmis de l’entrée de l’église sont devenues hommes et bagnoles, l’univers a repris sa consistance habituelle. Pas forcément meilleure, ça dépend des moments. Un avion essaie de décoller d’un rond-point, est-ce que vraiment je vais bien ? En tout cas je suis content de traverser la ville avant l’heure de pointe. La circulation est bien là mais reste assez tranquille… et je ne parviens même pas à m’égarer ! Le début d’étape est encore plat, puis après Fosse-Nouvelle, le terrain se vallonne légèrement. Les lacets en montée après Saint-Christophe-le-Chaudry annoncent le prochain pointage de Culan.

L’après-midi bien avancé, je quitte Culan. Quelques nuages filandreux et diaphanes filtrent un peu le soleil, le petit vent rafraîchissant se fait plus présent ; bref il est bien plus agréable de rouler. Les trois prochains contrôles sont à une vingtaine de kilomètres chacun. Sans traîner – et si tout se passe bien – je les validerai facilement aujourd’hui. Plutôt que la route directe et passante pour aller à Châteaumeillant, je prends les petites routes de traverse pour être plus au calme, quitte à rallonger un peu… Ceci dit, depuis le début de ce tour du Berry, la circulation n’est pas franchement dense !

Je renonce à faire un bon décrassage aux toilettes publiques de Châteaumeillant… qui sentent à plein nez le punk à chien ; et continue mes sauts de puce en direction de Sainte-Sévère-sur-Indre. Je change de département en passant du Cher à l’Indre, pas grand-chose à dire, pas grand-chose à ressentir, et en toute fin d’après-midi cette étape roulante est vite avalée.

Je m’arrête au cimetière en sortie du village pour remplir mes bidons. Les plaques émaillées des tombes début vingtième siècle dégagent une certaine poésie. Il me reste une vingtaine de kilomètres à faire en direction de Nohant-Vic. Ce sera mon dernier pointage pour aujourd’hui. En repartant de Sainte-Sévère, je traverse Montaregret. Vu mes lamentables capacités de grimpeur… une petite photo stupide avec le vélo s’impose ! En passant devant les eaux assez claires de l’Étang de Rongères, j’aurais bien envie de m’y baigner après une si chaude journée. Quelques petites bosses sont présentes sur cette étape, et en particulier celle en sortie de La Châtre, en haut de laquelle figure le monument en mémoire d’André Boillot, pilote automobile qui s’est tué dans cette montée pendant les essais d’une course de côte. Plus loin, trouver Nohant-Vic est un peu compliqué. Il ne faut pas s’arrêter à Nohant, George Sand ne vous en voudra pas, mais continuer plus au Nord. Le village de Vic me laisse ensuite perplexe. Nohant ou Vic semblent faire partie de la même commune, mais comme je me méfie de la psychorigidité de la FFCT (ou maintenant FFvélo, peu importe) au sujet de tout ce qui touche à ces BCN / BPF, je reste perplexe. Pourquoi demander de pointer à un lieu qui n’existe pas physiquement en tant que tel ? Le début de soirée se profile, et en errant dans le village je trouve un panneau d’information arborant enfin une grosse mention « Nohant-Vic ». Bingo ! Je photographie le vélo devant, comme preuve du contrôle.

C’est fini pour aujourd’hui, il sera trop tard pour pointer à Saint-Benoît-du-Sault, mais je vais quand même m’avancer pour voir où je peux faire halte en cours de route. Je marque en début de soirée un arrêt au cimetière de Sarzay. Je suis face au château. Les vieilles pierres marquent la séparation entre les lumières dorées des champs moissonnés et le rose des nuages. Et moi je suis là pour faire un brin de toilette… discrètement ; au cas où un visiteur tardif arriverait ! L’eau, au début encore tiédasse dans les tuyaux, devient plus rustique à mesure que le bonhomme se décrasse. L’impression de tassement précoce du fond du cuissard se confirme : après l’inconfort du début, en 200km qu’est-ce que j’ai mal au cul ! Il faut que je révise mon jugement au sujet du Saint-Brieuc 48 de Louison Bobet : bien quand il est neuf, cette camelote ne résiste pas bien longtemps en longues distances. À fuir ; c’est dommage. Je repars tranquille puisque j’ai largement le temps. Le temps de passer la nuit, le temps des minutes longues, grises argentées sous les rayons de lune, le temps hors le temps, retenu prisonnier par le sommeil des Hommes, et le temps d’attendre le petit matin pour faire mon contrôle de Saint-Benoît. Je passe par Neuvy-Saint-Sépulchre, village au nom rugueux en bouche. Sur le chemin de Gournay, je lève une biche entre chien et loup, bestiaire ordinaire d’un bord de route. Quelques centaines de mètres plus loin, les haies du bocage frémissent de la présence d’un gros gibier. Il me faudra être prudent, je ne suis pas le seul passager de la nuit. Curieusement, le vent se relève comme le jour se couche, me faisant penser aux mouvements d’air préparant l’entrée en scène d’un orage. En attendant, les ténèbres s’installent doucement. Avec un hérisson, deux chats et un renard, mon zoo de bitume s’agrandit en quelques minutes, tandis que dans mon dos s’élève une belle grosse boule dorée. La pleine lune se profile, fidèle à son rendez-vous mensuel éternel. Les étoiles sont plus pingres, seulement trois. Pourtant il ne semble pas y avoir de nuages. La pollution lumineuse est surprenante par ici. Je passe par une petite butte pour traverser Maillet, suivie d’une seconde en sortie du village. Je tends une main machinalement, qui ne se referme sur rien : j’ai perdu un bidon sans même m’en rendre compte, sans l’entendre ni le sentir aller valdinguer. Incroyable ! Vu la chaleur qui sera sans doute encore présente demain, il va falloir gérer ça sérieusement. En attendant, je fais une halte au cimetière isolé entre l’autoroute A20 et l’entrée de Celon. J’étale mon duvet dans l’allée, à côté du robinet et de la cabane à outil. Ce sera ma chambre grand luxe pour cette seconde partie de nuit. Mon sommeil est plus provisoire que ceux qui reposent ici, et je me fais tout petit pour ne déranger personne. Je pense être moins gênant en tout cas, que les clameurs continuent venant de l’autoroute… Je repars dans la fraîcheur à 5h du mat’ pile. La lune est toujours là, plus insomniaque que moi. Le terrain est vallonné, le vent toujours présent, puis voilà Saint-Benoît-du-Sault en fin de nuit. J’attends l’aube. Le village est désert, rien d’ouvert pour pointer, alors je fais ma photo au petit jour en repartant.

La route reste vallonnée et le raidillon après Prissac me surprend. Toujours aussi peu de circulation, comme sur toute la journée d’hier. Pas grand passage pour l’embauche ce jeudi matin, et j’arrive à l’étape de Ciron après une trentaine de kilomètres tranquilles. Le petit village perd de son charme, saigné par le grand axe passant de Le Blanc à Argenton. Tant pis, j’y fais mon pointage p’tit dej’ et c’est reparti.

Début de matinée, le terrain s’aplanit, un soleil timide commence à réchauffer l’air. Je longe la clôture peu engageante de la base de la Marine de Rosnay. En plein milieu des terres sa présence est assez étonnante, à moins de considérer les étangs de la Brenne comme territoire maritime ! Les militaires sont souvent des gens à la logique bien mystérieuse. En parlant d’étangs, je quitte le Parc Naturel de la Brenne après Saulnay. Contrairement à la carte et à mes souvenirs, la réalité du terrain semble montrer – comme ailleurs hélas – que les zones humides sont en train de foutre le camp. Plus loin, quelques petites bosses réapparaissent, pas bien méchantes, tandis que j’arrive au contrôle de Palluau-sur-Indre. Le village m’attend de loin, face à la route sur les hauteurs.

Pour traverser et s’extraire du bourg, l’impression se confirme : le profil se gondole bien. La chaleur commence à monter ce deuxième jour. La pause crème solaire s’impose encore. Je fais le plein de mon unique bidon au cimetière de Langé. Quel con d’avoir perdu le deuxième dans la nuit. Surtout sans m’en rendre compte, c’est bien la première fois que ça m’arrive. Avec la chaleur, je crains la panne sèche même si de petits nuages montent en couronnes à l’assaut du zénith, sans vraiment gêner le roi soleil. Le petit vent, parti en fin de nuit, commence à se relever sans vraiment apporter de fraîcheur. Après Vicq-sur-Nahon, un Don Quichotte de ferraille garde l’entrée du Château de la Tour du Breuil. Valençay n’est plus très loin, et s’annonce par son majestueux château dominant la route. La dernière étape de l’Indre est bouclée ; il me reste maintenant à valider le sixième pointage du Cher, en retournant sur Mehun-sur-Yèvre.

En tout début d’après-midi, le soleil devenu moins franc se voile un peu en frôlant les 30°C. La route est toujours un peu vallonnée. Finalement, ce circuit est moins plat que je le pensais. Rien de dramatique, mais avec un bon mal de croupion, ça use quand même… Poulaines apparaît après son château d’eau blanc et rouge, déguisé en phare, mais la mer est toujours aussi loin. Son église au clocher bien assis en terre, massif et trapu terminé d’un dôme ventru d’ardoise, est elle aussi assez originale. Petit à petit les bosses s’aplanissent tandis que la température continue de s’élever. Dans le registre du pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, revenu dans le département du Cher l’église de Saint-Outrille arbore, elle, un clocher tors à la toiture tire-bouchonnée. Juste après, dans Graçay, je me perds un peu en suivant bêtement les panneaux toutes directions. À vrai dire, j’ai toujours douté de ce concept. Comment peut-on savoir par avance où les gens vont se rendre ? Est-ce que toutes les destinations peuvent vraiment passer par le même chemin ? Bref, forcément c’est parfois un peu foireux. J’arrive tout de même à m’y retrouver à l’aide de ma fidèle carte routière et d’un peu de bon sens. Rendu à la campagne, le champ d’éoliennes pédalant lui aussi, me confirme que ce n’est pas juste une impression : le vent est bien présent. Je fais le plein de mon bidon au stade à l’entrée de Lury-sur-Arnon, en traversant quelques bosses sporadiques me menant au village de Quincy et son vignoble étalé aux avant-postes. S’ensuit le contrôle de Mehun-sur-Yèvre – le dernier pour cette province du Berry – dans la chaleur du milieu d’après-midi.

Le centre-ville est en travaux. Des forçats cognent sur des pavés encore plus têtus qu’eux pour les faire rentrer dans la chaussée. Je fais des détours, tourne un peu en rond, puis retrouve le grand axe permettant de m’échapper de la petite ville. Ma douzaine de pointages est maintenant faite. Il me reste 70km pour revenir à Cosne-sur-Loire, à sa gare pantouflarde où rien ne remonte sur Paris dans la soirée. Le dernier train part dans 2h30. Je ne l’attraperai pas. Pas en fin de parcours, pas avec autant de mal au croupion ! Pas grave, j’avais de toute façon prévu d’être un peu juste, alors autant ne pas avoir traîné ma tente sur 500 bornes pour rien ! Voilà enfin un peu d’ombre dans la forêt en repartant de Mehun-sur-Yèvre. Un court répit, revanche provisoire sur la fournaise. Sans doute à cause de mon postérieur malmené, je trouve les petites bosses usantes en passant par Saint-Martin-d’Auxigny et Quantilly. Début de soirée à Menetou-Salon, je profite de la présence des minuscules toilettes publiques – à la propreté douteuse – pour faire un décrassage intégral du bonhomme au robinet, et une lessive intégrale elle aussi… pour surtout tout renfiler propre, mais évidemment tout trempé ! Je traîne déjà ma tente, je n’allais pas m’encombrer de choses inutiles : fringues de rechange, serviette et tout le tralala. Un carré de savon suffit à ma rusticité, et c’est reparti… dégoulinant bien sûr ! Une longue côte avec replats permet de m’échapper du village. Vu le temps encore chaud, je ne reste pas mouillé bien longtemps, alors que le petit vent associé à l’humidité du linge me donne une agréable sensation vivifiante. Encore une petite butte en sortant d’Henrichemont – petit village ne manquant pas d’espace avec sa grand-place carrée – et en passant par la Chapelotte j’atteins le point culminant de ce brevet, avec ses 375m… doublant quand même l’altitude habituelle de ce circuit ! Après Sainte-Gemme-en-Sancerrois, la plaine est dégagée, coupée en deux par la route : viticole à droite, agricole à gauche où au loin se dessinent les deux cheminées de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire. Bientôt je suis de retour sur la voie verte que j’ai prise au départ. Je m’immisce dans un étroit chemin de terre débouchant sur un petit étang. J’aurais pu trouver pire pour planter ma tente. Mon bivouac est installé largement avant la fin du jour. La présence de l’eau me laisse craindre l’assaut nocturne des moustiques, les vrombissements et le risque de me faire bouffer dans l’obscurité, mais finalement rien, même pas une seule piqûre. Je passe donc une nuit sympa en attendant, à quelques kilomètres de là, le départ demain avant l’aube de mon train pour Paris.

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