Les Flèches de France : Paris – Le Mont Saint Michel

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Le cycle des Flèches de France 2007-2013,
épisode 7.

Le temps s’accélère perfidement ; nous sommes déjà en octobre, et bientôt, sans bruit, c’en sera fini de 2008 ! Cela fait déjà 4 mois que j’ai effectué ma dernière Flèche Paris – Cherbourg… Et l’appel de la route se fait d’autant plus sentir que le palmarès des Flèches de France est établi de novembre à octobre. Bref, pour cette année, si j’en veux une dernière de Flèche, il va falloir y aller ! En fait, et je le vérifierai plus tard, je me trompais, car l’année prise en compte pour l’homologation est en réalité d’octobre à septembre ; mais peu importe !

Le week-end prochain s’annonce grandement ensoleillé, enfin. Il serait donc idéal pour aller vadrouiller, mais le seul problème… C’est que le temps me manque ! En effet, je ne vais pas pouvoir partir le samedi très tôt dans la matinée, et je dois être aussi réveillé que possible, lundi matin, pour prendre soin de mes patients. Mais pour prendre soin des autres… Il faut aussi savoir prendre soin de soi !

 

Samedi 11 octobre 2008, 10h. Bon, je vous avais prévenus, ce n’est pas très tôt. Grosse flemme en supplément, mais si je veux profiter d’un des derniers créneaux de beau temps de l’année, car vu que je travaille le week-end prochain, pas moyen… Bref, faut se bouger ; c’est parti ! Sur ce début de parcours, comme à chaque fois, il faut tenter de fuir l’urbanisme francilien tenace. Paris est une première phase. Après, c’est au tour de la banlieue, de strates en strates, de moins en moins dense. Le béton résiste, puis se dilue enfin après Roquencourt. Les derniers sursauts citadins sont happés par le brouillard. Camouflage plus qu’autre chose, mais c’est déjà ça ! Pas très opaque, pas très froid non plus, juste un voile léger de ci, de là. Plaisir n’en est pas tout à fait une partie – de plaisir, justement – car la ville n’en finit pas. Sentiment d’éternité. Heureusement, le premier contrôle arrive bientôt. Moins de 40km et arrêt à Neauphle-le-Château. Au programme, ravitaillement et coup de tampon sur la carte verte. L’habitude. Sauf que la boulangère l’a égaré, son tampon. Pas envie d’aller voir ailleurs. Elle me propose, un peu embêtée, sa signature. Va pour ce coup-ci, l’affaire est réglée. J’espère que ça ne va pas me causer de souci pour l’homologation… Au cas où, je prends le vélo en photo devant le panneau de sortie de ville… Et sinon tant pis, au fond cette Flèche ne doit pas être si compliquée à refaire !

 La matinée cède bien vite la place à l’après-midi, le soleil se décide à chauffer. Il a bien raison, il faut rattraper ses trop timides apparitions de l’été. La température monte, dépasse les 20°C. C’est une belle journée d’automne, avec un petit vent comme il faut. La région parisienne est oubliée, place à la Normandie. Pas encore très typique : cambrousse fade, ordinaire, sans grand caractère. La route est belle, bleue et rousse… L’été indien au pays de la tarte Tatin ! Bon, OK, je prends des libertés avec l’origine géographique, mais la région se l’est bien appropriée – souvent à coups de calva – la tatin. Voilà Les Christophes. Tout petit bourg, asphalte un peu pourri. Je n’ai jamais eu de problème avec ce prénom, au contraire, mais cette fois-ci c’est la crevaison. Merde, après seulement 80km, ça promet ! J’avais oublié qu’un pneu course est beaucoup plus fragile que ceux de mon VTT – fussent-ils lisses – qui m’a accompagné jusque-là sur mes premières Flèches. C’est réparé et vite reparti, sans d’autre avarie. Le prochain contrôle d’Illiers l’évêque n’est même pas à une dizaine de kilomètres. Facile !

Pas encore le milieu d’après-midi, mais presque. Tout va bien, je suis à l’heure… dans l’Eure. Je sais, c’est nul ! Au lieu de raconter n’importe quoi, il faut pointer. Les commerces n’étant pas légion dans le bourg, la boulangère voit passer pas mal de cyclos. Elle reconnaît sans hésitation ma carte verte. Le gros de la troupe passe d’avril à septembre. Je forme l’arrière-garde, et qui sait, serais peut-être celui qui fermera le bal ! Après discussion avec cette charmante Dame, hop, un coup de tampon et c’est reparti. Sur ce passage, je me trouve à quelques kilomètres à peine du tracé de la Flèche Paris – Cherbourg. Les deux sont très proches dans les environs, puis se séparent à mesure que je chemine vers L’Aigle. Je progresse tranquillement, je n’ai pas à me plaindre. Vus sur la route de cette étape assez accommodante : une Dauphine bleue grise, une R8 même pas Gordini, un tacot 1900 au moteur ferraillant et à l’allure débonnaire, l’apparition toujours trop rare d’un side-car, et un coucou passant juste au-dessus de ma tête en sifflant, pour aller atterrir sur la piste de l’aéroclub de L’Aigle. Le contrôle est tout près.

Les journées d’automne commencent à se faire courtes et le début de soirée approche vite. La ville au curieux nom est mine de rien assez étendue, et comme il y aurait eu un nid d’aigle dans un arbre où le Châtelain du coin, vers l’an mil, choisit de construire sa forteresse… Va pour L’Aigle ! Allez, arrêt pâtisserie, canettes pour la soif et tampon pour le carton. Pour ce dernier, il doit y avoir une malédiction, car il vient juste d’y avoir un changement de propriétaire, alors le tampon n’est pas encore fait… Tant pis, ce sera une deuxième signature ! J’espère que l’homologation sera indulgente, sinon je suis quitte pour refaire cette Flèche ! En attendant, c’est reparti. À Gacé – en deux mots, car il m’en faut plus qu’un cachet fantôme – arrêt dans les tout derniers vestiges de l’après-midi, pour faire le plein de liquide avant la nuit… Pendant que je trouve quelque chose d’ouvert, autant en profiter avant qu’il soit trop tard. Pas de pointage, pas besoin de tampon, tout va bien. La journée a été très belle avec une température allant jusqu’à 25°C ;  une superbe arrière-saison, mais qui donne soif. Le commerçant est un cyclo, et nous faisons un petit brin de causette. Pendant ce temps, le soleil a profité que je ne l’aie pas à l’œil pour disparaître, et je repars quasiment à la tombée du jour. Bientôt la nuit se fait claire et la lune presque pleine. J’y gagne pour la luminosité de la route, mais sans la couverture nuageuse, j’y perds en température. La fraîcheur revient vite, et les villages frileux s’endorment les uns à après les autres. J’ai l’impression d’être le marchand de sable en train de faire sa tournée. Les petites bornes lumineuses à LED que je vois plantées dans les jardins sont une belle invention. Si elles ne servent pas forcément à grand-chose, elles égayent au moins la nuit du cyclotouriste solitaire ! En approchant d’Argentan, j’affronte une belle montée. Une des rares du parcours ; sans suite. Une heure avant minuit, j’arrive à Putanges-Pont-Ecrépin dans un brouillard épais et glacial. Je cherche à faire mon pointage à la carte postale ; pas moyen. Pourtant, je n’en finis pas de monter et descendre cette rue, avec aux deux bouts un panneau indiquant La Poste… Que bien entendu je ne trouve pas. Ce qui crève les yeux est parfois le moins visible. Ouf, finalement c’est dans la boîte, et c’est reparti !

Il reste à présent une grosse centaine de kilomètres à parcourir…. Le milieu de nuit bascule doucement au dimanche. Je suis toujours accompagné par la lune claire pour mon arrivée à Mortain. Au creux des bosses, qui sont innombrables sur la fin de cette Flèche, le brouillard m’attend parfois pour me glacer de sang. Le contraste est saisissant entre la température ambiante encore chaude pour une nuit d’octobre, et les passages brumeux très froids. Avec cette douche écossaise à sec, je ne risque pas de m’endormir… Mais de toute façon, le sommeil ne vient pas frapper à mes paupières.

Dernière étape, petite cinquantaine de kilomètre sur un terrain gondolé, mais globalement en descente. Le brouillard s’épaissit à mesure que j’approche du littoral. La fin de nuit se prépare, le dimanche matin sera là dans quelques heures, et j’ai parcouru plus de 350km pour arriver au Mont-Saint-Michel. Une petite vingtaine de plus que prévu, mais j’ai un peu – beaucoup même – tourné en rond sur la fin ! Certains panneaux importants ont dû jouer à cache-cache à la faveur de la nuit. C’est curieux, je me suis pourtant égaré de nombreuses fois dans la journée, mais sans conséquences. Ces kilomètres supplémentaires, je les dois surtout au voisinage de l’arrivée.

 

Je m’attendais à un Mont-Saint-Michel majestueux dans la nuit, illuminé de haut en bas sur sa butte… Hé bien non, circulez, y’a rien à voir ! Honnêtement, ça ne ressemble à rien ! Les remparts sont bien éclairés, mais pas plus. Rien au-dessus, avalé par les ténèbres, aplati. L’abbaye ne ressort pas du tout dans la nuit, quel dommage. Toute cette route pour ça ! D’habitude il en est autrement, mais aujourd’hui, seules les étoiles fêtent ma venue. À une époque où la présence des vélos n’était pas encore considérée comme le Diable, je l’adosse aux vieilles pierres, puis je me console en déambulant dans les rues pentues, gouttant à l’obscurité et au murmure des pavés sous mes pas. Je suis le seul touriste, le site est entièrement à moi ! Les échoppes tardent à émerger de leur torpeur ; même s’il y a des visiteurs tout au long de l’année, l’ambiance sent le hors saison. Alors tant pis, pas de bistro d’ouvert pour me réchauffer. Trop tôt. Je n’aurai pas droit à ma pause café avant de repartir, et je fais mon pointage final à la carte postale. Je cède la place aux marchands du temple qui bientôt redonneront vie à ce lieu. En repartant dans la brume, je croise un couple de Japonais incrédules devant ma monture et mon accoutrement. Ils ressemblent à deux papillons piégés dans la lueur de mes phares. Les premiers touristes de la journée. Bientôt la pénombre abdique, le jour se lève et tout change. Dans l’obscurité, des villes apparues bien ordinaires à l’aller – comme Ducey – se révèlent de toute beauté au retour, encore agrémentées de quelques écharpes brumeuses… Voilà, 80km pour retourner à la gare de Flers, pour rien, par pure gourmandise alors que j’aurais pu prendre un train à Pontorson, et m’économiser pas mal de kilomètres. Dans un cas comme dans l’autre : fin, retour à Paris !

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