BCN et BPF : Lyonnais – 42 Loire & 69 Rhône

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Kilomètres réalisés : 16855
Provinces BPF validées : 23 / 36
Départements BCN validés : 56 / 91

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Sur la carte de France, les deux départements de cette province du Lyonnais sont ramassés l’un sur l’autre, faisant ensemble la dimension d’un département de taille moyenne. Parcourir l’un et l’autre d’une traite est donc une évidence, mais ne vous fiez pas à la distance raisonnable du circuit que je vous propose… ça ne va pas être de tout repos. Au programme : départ en Beaujolais pour rejoindre les Monts du Forez en les traversant à l’écart du bien connu Col du Béal, rejoindre Saint-Étienne via le Col de la République au sud, puis remonter au nord par les Monts du Lyonnais avant de retourner en Beaujolais… Bref, on oublie le plat pour ce coup-là ! En chemin, on trouvera :

  • le Col du Truges (496m)
  • le Col des Écharmeaux (712m)
  • le Col des Aillets (715m)
  • le Col des Écorbans (853m)
  • le Col du Pavillon (755m)
  • le Col du Bouchet (753m)
  • le Col des Sapeaux (1164m)
  • le Col de la Croix Ladret (1060m)
  • le Col de la Traverse (1046m)
  • le Col de la Croix de l’Homme Mort (1163m)
  • le Col des limites (1157m)
  • le Col de la République (1161m)
  • le Col de la Barbanche (1038m)
  • le Col du Pilon (796m)
  • le Col de la Croix de Pars (812m)
  • le Col des Sauvages (723m)
  • le Col des Cassettes (622m)
  • le Col de la Croix du Plat (635m)
  • le Col de la Croix Paquet (598m)

Rien que ça ; pas un de plus, pas un de moins, en les comptant ça fait bien 19 cols ! Sans être tracé dans un grand massif, ce circuit est un véritable parcours de montagne. Belleville-sur-Saône, donc ; départ au saut du train, midi passé. Première étape courte, à peine une vingtaine de kilomètres. Il était possible de s’épargner un peu de dénivelé et de distance en commençant à plat pour rejoindre le premier pointage de Beaujeu par la voie verte ; mais bon, il faut bien s’habituer à grimper, autant le faire dès cette mise en jambes, en passant par le modeste Col du Truges… ça en fera déjà un de moins sur la liste ! Comme pour le confirmer, très vite la chaîne des Monts – un peu bleutée par le voile atmosphérique et les nuages épais – apparaît à l’horizon… c’est là qu’on ira. Très vite aussi, le vignoble fait partie du paysage. Puis en s’élevant, un vaste panorama s’ouvre sur la vallée ensoleillée pendant que je monte sous un ciel menaçant, gris sale, laissant derrière moi la plaine que je ne reverrai pas avant deux jours ; il est trop tard pour les regrets.

Premier contrôle. Beaujeu se présente comme un village ordinaire, étalé en longueur le long de la route départementale ; village qui a malgré tout un certain charme. En quittant le bourg, la montée est régulière. Pas très dure, mais longue de presque une quinzaine de kilomètres pour arriver au Col des Écharmeaux. En haut, un Napoléon de pierre trône sur le rond-point… Alors que l’Empereur n’a jamais mis les pieds là ! En quittant le village, tout de suite le paysage se transforme. La forêt épaisse de pins remplace le vignoble et masque la vue des monts. Le Col des Aillets se grimpe sans grande difficulté, puis celui des Écorbans dans la foulée. Ces trois ascensions sont faites dans un mouchard de poche, pas de gros problèmes. La route redescend franchement, cette fois, après le Col des Écorbans. On perd dans les 200m de dénivelé arrivé au cours du Reins, et aussitôt la rivière passée, ça remonte vers un col de plus, le cinquième déjà, celui du Pavillon. La remontée jusqu’au sommet n’est pas très dure ; comme pour les précédents. Jusque-là, ça fait cinq petits cols en hors-d’œuvre. Le chemin pour descendre du Col du Pavillon ne pose pas de problème, contrairement au raccourci dans Mardore… qui plonge par une petite route étroite vraiment dégueulasse qui demande de la prudence. Jusqu’à Bourg-de-Thizy, moment de répit agréable parce que le plat il n’y en a pas eu beaucoup… et qu’il n’y en aura pas non plus beaucoup plus tard ! Il faut profiter de cette route qui reste facile vers Roanne, en transit entre les Monts du Lyonnais et ceux du Forez. Un petit raidillon à 9 % se présente en chemin vers le barrage de Villerest. La vue est vertigineuse et magnifique sur les gorges de la Loire, puis sur l’autre rive la route se remet à gondoler, comme pour prévenir que tout cela n’a été qu’un court préliminaire, et que passé le contrôle de Saint-Jean-Saint-Maurice il faudra s’habituer à l’idée de devoir grimper encore et encore.

Le petit village, dans son cul-de-sac perché au-dessus d’un méandre de la Loire, apparaît d’un abord austère ; en particulier son église avec sa silhouette bien carrée, bien cubique et ses pierres à la teinte ocre profonde, sévère dans la lumière de cette fin d’après-midi. Plus gai, on pourrait faire facilement ! Le bourg presque désert renforce cette impression inhospitalière, il est temps de repartir. Petite étape, 25km en début de soirée. À tourner autour de Villemontais la route reprend de l’altitude… ce qui vu le nom semble un peu logique ! Après l’apparition furtive de quelques vignes, la montée jusqu’au Col du Bouchet n’est pas très dure… et la descente pas très prononcée jusqu’aux Moulins où ça remonte vraiment. La centaine de mètres perdue se rattrape au triple avant de se laisser glisser vers Saint-Just-en-Chevalet.

Rien pour pointer en début de soirée, autant repartir en profitant des derniers moments de jour. L’étape commence facile avec une belle descente sur le petit chemin en sortant de Champoly. Arrivé au lieu-dit le Lac, il faut d’un seul coup regrimper un court raidillon à 14 % sans se laisser surprendre dans la paresse de s’être laissé glisser jusque-là. La route se fait ensuite tranquille jusqu’à Saint-Priest-la-Vêtre où la nuit tombe doucement sur le relief environnant. Moins d’une vingtaine de kilomètres avant le contrôle suivant, celui de Chalmazel. Trop tard pour l’atteindre. Pointage de jour obligatoire sur ces BCN / BPF. C’est stupide mais c’est comme ça ; on pénalise celui qui veut rouler… et homologue l’autre qui traîne sa flemme sur un vélo électrique. La fédération devrait revoir ses priorités ; drôle de monde tout de même ! Sans doute pour être en accord avec d’une époque qui a totalement perdu le goût de l’effort ; alors pas le choix, il faut s’arrêter pour patienter. Poignée d’heures creuses, vides, qui pourraient être mieux employées. Nuit sans lune, ténèbres absolues, nuages gras et lourds, pas une étoile, rien ; nuit d’huile de vidange, épaisseur d’huile de cade. C’est reparti sans se presser, ça ne servirait à rien, le temps ne manque pas. Presque pas de villages traversés, rien d’éclairé. Solitude paisible néanmoins, en montant vers le Col des Sapeaux. Comme pour me contredire, une lueur fugitive forme un trou dans l’épaisseur des nuages, clarté fugace qui laisse entrevoir la ligne de crête des Monts du Forez avant de disparaître aussitôt. Même si le pourcentage reste raisonnable, le Col des Sapeaux est plus long à gravir que les précédents, dans sa montée depuis Saint-Jean-La-Vêtre. Rien d’insurmontable cependant, et d’autant plus pour le suivant, le Col de la Croix Ladret, puisque lové à quelques kilomètres du contrôle de Chalmazel, en regagnant le pied de la pente.

L’aube tarde à apparaître, paresseuse, alors j’attends le lever du jour en compagnie des araignées du cimetière. Les bestioles n’ont pas beaucoup de conversation tandis que je contemple, échoué sur la berge d’en face, le cœur du village encore endormi dans les teintes orangées de l’éclairage public. Le château cubique presque invisible reste camouflé dans les ténèbres qui rechignent à se retirer. Quand l’aurore le fait ressortir de son anonymat, il est temps de se remettre en route. Malgré les apparences, la descente commencée au Col des Sapeaux continue encore un peu pour s’épuiser sur ce début d’étape. Derrière le rideau de pins, le soleil rougeoie entre les monts, se frayant difficilement un passage à travers les couches épaisses de nuages. Le faux plat cède la place à la montée de l’informel Col de la Traverse, assez tranquillement, après avoir viré de bord passé Sauvin. La route ressort ensuite du couvert d’arbres, redescend progressivement, lentement, pour se stabiliser autour de 850m d’altitude. Puis en échangeant le cap sud-est contre le sud-ouest, un panneau indique comme une évidence le Col de la Croix de l’Homme Mort à 7km. La route qui s’élève immédiatement le confirme. Je roule depuis un moment sur un asphalte encore trempé des pluies tombées il y a quelques heures sans doute. Pour l’instant, j’arrive à tenir à distance les averses promises sur toute cette randonnée, et les quelques gouttes de crachin d’hier après-midi m’ont à peine mouillé. J’ai déjà connu la pluie restée bloquée entre Saint-Étienne et le Col de la République, alors je me méfie pour la suite. Est-ce une habitude, le relief retient-il les nuages en contribuant à une forme de microclimat ? On verra. Retour en forêt pour la seconde moitié d’ascension du Col de la Croix de l’Homme Mort, donc. La fraîcheur de l’ombre matinale fait du bien dans cette montée qui m’a semblé un peu plus difficile… mais comme c’est le dixième col depuis hier midi, c’est peut-être seulement la fatigue qui s’installe, mais promis, l’homme mort ce ne sera pas moi, en tout cas je vais essayer ! Arrivé sans problème en haut, je pousse jusqu’au Col des Limites, tout proche, marquant la frontière avec le Puy de Dôme. Être là tout près et tourner avant, sous son nez, aurait été dommage. Je l’avoue, le profil est quasiment nul entre les deux, alors autant aller le cueillir comme une gourmandise supplémentaire. Ceci fait, après être repassé devant la stèle commémorant l’action des maquisards du groupe Ange, la descente du col amène jusqu’à Margerie-Chantagret où il faut regrimper en sortant du village. Le déroulé de ce circuit est un éternel recommencement entre montées et descentes, entre cols et – trop rares ! – vallées. En passant par Saint-Jean-Soleymieux, l’église apparaît étriquée, retenue prisonnière des maisons de sa rue, enchâssée dedans, étrangement mitoyenne. Les voisins doivent à toute heure se faire sonner les cloches dans la vibration de leurs murs, j’imagine ! En montant sur Marols, le panorama s’ouvre à nouveau sur la vallée de la Loire ; si lointaine par le bitume, pourtant si proche pour l’œil ou pour l’oiseau, pour moi toujours inaccessible avant demain. La fin de l’étape est proche et j’arrive à Saint-Bonnet-le-Château en fin de matinée.

Un peu de circulation règne dans le village, et en repartant une belle descente m’attend en passant par La Tourette. Ça ne va pas durer, cette petite étape de 24km est finalement bien vallonnée avec des moments de longues montées… et de longues descentes pour accéder à Chambles en tout début d’après-midi.

En repartant, le parcours plonge vers le lit de la Loire, cette fois pour de bon, et la traverse sur un pont haubané au dessin géométrique épuré. On se retrouve alors en lisière de la métropole Stéphanoise qu’il faut à peine aborder, le temps de suivre le couloir de grande circulation formé par la route nationale et la ligne SNCF suivant la vallée de l’Ondaine. Fuir au plus vite cette barrière d’urbanisation d’Unieux à Chambon-Feugerolles est ce qu’il y a de mieux à faire pour se retrouver au calme sur le chemin du Col de la République… Il sera bien temps de repasser au retour par Saint-Étienne, et traverser vraiment cette fois, la métropole du sud au nord ! L’ascension vers le col est régulière jusqu’à un bon tiers de la montée, et après une série de replats la pente se fait beaucoup plus douce et a du mal à reprendre de l’altitude ; ça descendrait presque. Les kilomètres s’égrènent dans l’impatience et l’ennui de ne pas avoir à grimper à nouveau. Mais bon, si c’est tranquille pour les jambes et un peu dur pour le moral, ça rapproche toujours du but. Finalement, la remontée n’intervient qu’après Saint-Genest-Malifaux. Un sacré répit, presque une dizaine de kilomètres… sur les vingt qui mènent de plaine au sommet ! En haut, le soleil joue avec les nuages qui s’accumulent un peu trop à mon goût, mais la stèle en hommage à Paul de Vivie, ardent promoteur du dérailleur et touriste routier convaincu, mérite bien un arrêt. Depuis mon dernier passage ici, avec mon Alan Competition de 1977 en remontant de la Flèche Nice – Paris, la plaque arrachée n’a pas été remplacée. Reboucher les trous de vis masquerait au moins la stupidité et le pathétique.

Après la photo de pointage et un salut à Vélocio, c’est reparti sur l’autre versant… dans la descente, mais pas que ! En effet, plutôt que de se laisser glisser dans la pente sur le grand axe qui ramène directement à Saint-Étienne, je préfère m’écarter rapidement de cette D1082 trop fréquentée par les bagnoles. La liberté a un prix et le calme se paie par un col supplémentaire, mais ce détour permet de profiter d’un très beau panorama sur la combe passé Tarentaise, avant de, en passant par le Col de la Barbanche, plonger enfin sur Saint-Étienne… sous l’averse qui commence à tomber. En chemin, les ruines du château de Rochetaillée jaillissent d’une manière incroyable, géant bâti sur son éperon rocheux et devenu captif du village qui s’est totalement resserré autour de lui ; puis au détour des lacets, après quelques avertissements du béton encore lointain dans la cuvette, l’urbanisation de Saint-Étienne jaillit abrupte. Les premiers immeubles se présentent très hauts, plantés en compagnie des grands arbres, juste en bordure de forêt. La route passant tout près devant, la laideur n’offre parfois aucune transition. Beaucoup de circulation en centre-ville, de passants, de monde pour traverser l’agglomération vers la fin d’après-midi. Le franchissement de la zone industrielle est tout aussi grouillant, puis après Sorbiers, la route redevient tranquille. Place alors à une montée de plus, raisonnable, celle du Col du Pilon. Bien que d’une hauteur modeste, la vue au sommet est largement dégagée ; à droite sur la chaîne des monts, et à gauche sur Fontanès au loin. En arrivant au village, une affiche pour le cinéma itinérant me fait sourire : on y passe Le routard et À bicyclette ! Ça ne s’invente pas. Une longue descente s’amorce dans le bourg, menant jusqu’à Saint-Symphorien-sur-Coise. Escale en début de soirée. Deuxième arrêt obligatoire. Laisser encore une fois une bonne partie de la nuit s’écouler, sirupeuse. Toujours aussi obscure, profonde, impénétrable, et c’est reparti. Pas de raison de se presser pourtant. Un peu de circulation transite de manière inattendue vers Saint-Martin-en-Haut. Si tôt, pas franchement un grand axe, pas un bassin d’emplois évident qui pourrait expliquer la présence de ces voitures, mais à vol d’oiseau la Capitale des Gaules n’est pas si loin. L’approche d’Yzeron le confirme, quelques trouées fugitives dans la ligne montagneuse offrent un magnifique panorama sur les lumières de la métropole lyonnaise en contrebas. L’éclairage public d’une grande ville la nuit a toujours quelque chose de fascinant, alors je reste, papillon de nuit, hypnotisé un moment sur le bord de la route redevenue sereine.

Après avoir pointé, je quitte le Yzeron à l’aube. Encore un magnifique panorama s’offre en haut du Col de la Croix de Pars, en tournant vers Courzieu. Il faut dire que ça ne manque pas sur ce circuit, à se hisser sans cesse sur les hauteurs. La montée a été facile sur ce versant, contrairement à l’autre. En fait, pour descendre au village je plonge par la montée prise par le Tour de France pour grimper le col, et pour moi la descente est à pic, très raide avec des lacets très courts où il est difficile de prendre beaucoup de vitesse en sécurité. La prudence s’impose comme de toute façon en règle générale en montagne. La pente se poursuit plus douce jusqu’à la vallée de la Brévenne, pour atteindre La Giraudière en ayant perdu 500m d’altitude… Forcément, cette chute rapide ne laisse rien présager de tranquille, et il faut tout de suite regrimper pour s’extraire du village en direction de Brussieu par une montée continue. Rien ne s’arrange pour quitter le bourg, et je suis surpris par le raidillon à 16 %… qui se poursuit moins âpre en passant devant l’ancienne cabane de vigneron – de 10 à 13 % quand même ! – avant de s’épuiser en longeant les cerisiers qui ont remplacé les vignes… et de repartir à 9 % plus loin… sinon ce serait trop facile ! Après  ce passage exigeant, les derniers kilomètres en faux plat pour atteindre le site de contrôle demandent moins d’efforts. Montrottier s’annonce de loin, joue à cache-cache, disparaît à la faveur des virages avant de revenir dans le paysage.

Le village est encore tout décoré de sa thématique autour des fêtes de Pâques. En repartant, le vallonnement de la route reprend progressivement, puis la montée se fait plus nette en chemin vers Affloux, qui semble paisible au creux de sa cuvette. Après avoir patiemment contourné le petit bourg, une longue descente s’amorce, s’amplifiant à Saint-Marcel-l’Éclairé – où l’entrée de ville arborant un panonceau d’extinction de l’éclairage public offre la plus savoureuse des contradictions ! – et se poursuit jusqu’au cœur de Tarare, en plein centre-ville.  Bien entendu et bien prévisible, il faut tout de suite sur un air de déjà-vu remonter en direction du Col des Sauvages. L’ascension commence et se termine en douceur avec un milieu au pourcentage inégal. Le village de Charpenay, visible de loin, marque la fin des hostilités. Une montée plus longue que difficile, donc.

Après le pointage, sur le retour des Sauvages en repassant par Le Charpenay, un petit raidillon à 12 % marque le début de la Route des Cassettes. À part cette surprise de départ, le col est tout en descente. Quelques éoliennes apparaissent en invitées surprises sur les hauteurs, ce sera les seules de ce circuit… ça devient tellement rare aujourd’hui de ne pas en croiser ! Dans l’enchaînement, le Col de la Croix du Plat monte tout doucement par le petit chemin forestier, très agréable sous l’ombre du couvert d’arbres. Le sous-bois est beau, habité par la symphonie des oiseaux. Pas de panneau au sommet, et au col suivant, celui de la Croix Paquet signe la fin de ce trio facile… et clôt la série des 19 cols de ce parcours ; ça au moins, c’est fait ! S’en suivent en récompense, des grands bouts droits plats sur 10km. Même s’il faut pédaler, filer en ayant une bonne prise de vitesse plus tranquille qu’en dévalant les sinuosités des sommets fait le plus grand bien ! Arrivent ainsi Les Ponts-Tarrets. Le village me fait immédiatement penser au célèbre sketch « Le plaisir des sens » de Raymond Devos, en tombant sur un rond-point où il n’y a que des sens interdits… mais heureusement, ici il y a quand même une route de sortie pour s’en échapper ! Le Val d’Oingt marque le retour au pays du Beaujolais. La vigne se remet à coloniser les coteaux et le décor progressivement. Au loin, la cité médiévale se dresse sur sa butte. L’accès au contrôle d’Oingt se mérite par une lente montée depuis les Ponts-Tarrets.

Avant de repartir, petit arrêt décrassage aux toilettes publiques, histoire de ne pas empuantir mes compagnons de voyage dans le TGV d’ici quelques heures. Inattendus dans un si petit site, les sanitaires sont un rêve ; spacieux, propres et bien équipés. J’y rentre le vélo. Seul problème, aucun lavabo n’est dans une cabine, tous dans le hall. Se déshabiller pour se récurer alors que quelqu’un pourrait entrer à tout moment ? Bof, bof ! Rester sale après deux jours à jouer à saute-mouton sur toutes les bosses possibles du relief ? Oui, mais non ! Bon, l’angle du mur – avec le vélo en paravent – forme une petite chicane visuelle par rapport à l’entrée… En y allant vite, le cuissard à portée de main et l’oreille attentive, avec de bons réflexes ça peut le faire ! Allez hop, les fringues essorées et remises de suite sur le bonhomme décrassé, tout ça sent bien meilleur. On ne mesure jamais assez le côté vivifiant de remettre des vêtements trempés par une journée qui commence à être chaude. La touche finale s’impose pour les chaussettes. Après les avoir savonnées et tordues, la chance tourne. Une jeune femme débarque tandis que je joue à l’équilibriste – dans une posture mi french cancan mi flamant rose – un pied sous le jet d’eau glacé du lavabo. J’ai l’air aussi idiot qu’embarrassé. Alors pour justifier ma position abracadabrante, je remue les orteils pour attirer son attention et faire jouer mes œdèmes de grand cardiaque. Les alternances mouvantes de jaune paille et de rouge pivoine courant sur la peau ont un effet compassionnel immédiat : « Oh là là vos pieds, je pourrais pas voyager comme ça à vélo ! » s’écrit-elle surprise. Je suis bien d’accord sur ce point : c’est bien ça le problème ! Allez, une fois au propre, c’est reparti. N’allez pas croire que la petite quarantaine de kilomètres restants soit de tout repos. Après Le Saule d’Oingt, il faut prendre les chemins de traverse pour faire la jonction entre les routes départementales… Et là, c’est du brutal ! La Montée de la Roche, en particulier, est un terrible euphémisme et surtout une horreur à gravir : le raidillon est abrupt avec un pourcentage inégal de 15 à 20 % ! Pas si long dans l’absolu, il a cette particularité quantique d’arrêter le temps, tellement l’âpreté de la montée semble tutoyer l’éternité… tout comme ensuite cette laborieuse D504 ensoleillée au profil indécis permettant d’approcher le dernier contrôle de Vaux-en-Beaujolais.

La fiction ayant parfois la capacité de remodeler la réalité, tel le Roman de Renart changeant à jamais le destin du goupil, le satirique Clochemerle est devenu indissociable de Vaux-en-Beaujolais. L’image a quand même terriblement vieilli, et les pissotières factices les plus célèbres de France autrefois au centre de la place ont migré à sa périphérie, comme un bien triste belvédère relégué ici. En repartant, plus de mauvaise surprise cette fois-ci. Il reste à rejoindre Belleville-sur-Saône, ou Belleville-en-Beaujolais puisque nous sommes dans les doubles noms. Le trajet est court, la route est plate, la présence d’un cimetière paysager m’intrigue. J’ai de la marge pour prendre le train du retour, alors je fais un dernier détour. Ici, le terme paysager veut dire entretien minimum, herbe folle et un rideau d’arbre pour cacher la zone industrielle juste derrière ! Rien à voir, donc, avec la sérénité et la beauté de ceux de Brumath ou d’Aulnay-de-Saintonge. Tant pis, pas grave.

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