Les fourches RST ne sont pas forcément d’une qualité extraordinaire, et les Gila ne sont pas les meilleures de la marque, alors pourquoi s’en préoccuper au lieu des jeter ? Même si on ne peut rien en attendre d’exceptionnel, leur conception n’est pas si mauvaise ; c’est surtout le manque d’entretien qui les détériore vite, et une fourche télescopique en véritable usage VTT demande un entretien régulier… une vingtaine d’heures dans la boue c’est vite passé ! Bref, voyons comment prolonger la vie de ces Gila souvent négligées.
Cet article concerne le modèle T7, mais la maintenance des versions précédentes comme les T5 ou T6 suit le même principe… avec des formes de pièces légèrement différentes.
C’est parti. On commence par dévisser les petites vis BTR situées en dessous des fourreaux.
Parfois, pas de chance, les vis ne viennent pas et ça patine ! Dans ce cas, avant de pouvoir séparer les deux parties de la fourche, passer à l’étape de retrait des bouchons de précontrainte (et des ressorts) pour pouvoir immobiliser l’autre bout des vis par l’intérieur des tubes… en se fabriquant un outil spécial. Pour mieux comprendre, voir le début du remontage.
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Vis qui patinent ou non, dans tous les cas autant se préparer dès maintenant l’outil spécial. Dans le principe, ce n’est qu’une longue clé BTR de 5mm dotée d’un guide pour trouver facilement à l’aveugle l’empreinte de la vis au fond des tubes de fourche. Pour cela, il suffit de couper et souder une clé BTR (ou un embout de vissage) au bout d’un long tube vers l’extrémité duquel on place un bouchon en liège comme guide de centrage… Et voilà, ça coûte une bonne bouteille et prend cinq minutes maximum !

Revenons au démontage. Les vis retirées, faire coulisser les fourreaux. S’ils sont totalement bloqués, le but est de faire traction entre le dessous du té et le dessus du pontet (flèches vertes). Ça peut se montrer assez brutal, au point d’avoir besoin de s’aider d’une massette (flèche orange) et de cales de bois pour servir d’écarteur (ici la cale verte joue le rôle de coin entre les 2 cales bleues). Une fois débloqué, finir au maillet (au sommet du pontet) puis à la main quand ça commence à bouger plus facilement.Le plus dur est fait !
À ce stade, le diagnostic peut être posé : si ces fourches se retrouvent totalement bloquées, c’est à cause du revêtement en chrome qui pèle facilement et vient entraver le coulissement des tubes plongeurs dans les fourreaux. Il faut donc veiller régulièrement au bon état des joints spi pour éviter que l’eau pénètre à l’intérieur de la fourche, et surtout y reste en compagnie de crasses et poussières, transformant les fourreaux en baignoires pleines d’une mélasse abrasive… contribuant à la formation de rouille et la détérioration du chrome. Ainsi, tout cela n’est pas un simple problème de qualité du chromage, mais également la conséquence d’un entretien négligé.
Bref, on continue. Amener les bouchons de précontrainte des ressorts à leur réglage minimum… s’ils sont encore en capacité de bouger ! Pour le sens, c’est écrit dessus : – et +, donc ici à fond dans le sens antihoraire. Ne pas forcer, ça doit tourner à la main.
Ces deux vis tout en plastique encaissent le poids du bonhomme sur le vélo, plus l’énergie des chocs rencontrés en chemin ; pas étonnant que leur mécanisme trinque. Ce n’est franchement pas sérieux. Sur les fourches RST plus anciennes, les bouchons de précontraintes étaient en aluminium… trop solides et trop durables sans doute !
Dévisser les bouchons de précontrainte eux-mêmes. Attention, pas de pince multiprise pour tout massacrer, se servir plutôt de la clé appropriée. Il existe énormément de modèles en aluminium made in China (appelés 8T), et plus rarement en inox, comme ici, plus solide plus long et plus costaud. Si les bouchons sont bien bloqués – bien qu’entièrement en plastique – il faut une clé de bonne qualité pour transmettre la puissance sans riper.Voici donc à quoi ressemblent les bouchons de précontrainte à leur réglage minimum (fourche souple, à gauche) et maximum (fourche plus ferme, à droite)… et un exemple de réglage intermédiaire au centre. Bien entendu, en utilisation normale et pour un meilleur coulissement, il vaut mieux que le réglage soit le même des deux côtés !
En retirant chaque bouchon de précontrainte, avec un peu de chance le ressort vient avec, par l’intermédiaire de son tampon en élastomère, resté emboîté au téton du bouchon … ou pas ! Voici donc comment sont associés ces trois éléments, qui dans l’idéal sortent d’un coup :
Sinon, comme ici avec toute cette crasse mêlée de rouille, pas de miracle, rien n’a bougé, et le téton du bouchon s’est déclipsé sans entraîner l’élastomère avec lui.
Dans ce cas, bien nettoyer le logement – ici il y a de quoi faire ! – puis appuyer fort sur la tige dépassant du fourreau pour comprimer le ressort (flèche verte) et le faire jaillir par le haut de la fourche (flèche orange). Pas de panique, à moins d’avoir l’idée saugrenue de coller l’œil à la sortie, rien ne vous sautera au visage ! Plus sérieusement, si comprimer le ressort ne mène toujours à rien, mettre une bonne giclée d’huile dégrippante au fond du logement. Emboîter une tige provisoire (par exemple la queue d’un foret) pour que l’huile ne s’échappe pas par le centre du tampon en élastomère. Patienter jusqu’au lendemain et persévérer pour libérer le ressort en comprimant à nouveau la tige en bas du fourreau.
Immobiliser chaque tige à l’aide d’une pince étau et d’une grosse épaisseur de chiffons pour ne rien abîmer. Tourner, en la tirant, l’entretoise en plastique juste emboîtée… mais probablement fermement grippée à cause de l’encrassement.
Retirer ensuite le caoutchouc « en pot de fleurs » (flèche bleue) qui cette fois ne pose pas de problème pour coulisser sur la tige.
Chaque tige se retire alors par le haut, en retournant – et secouant éventuellement – la fourche. Si la tige n’arrive pas à sortir complètement et ne dépasse même pas du té de fourche, ce qui n’aurait rien d’exceptionnel, s’aider d’une longue tige de 12mm pour l’extraire… ce qui sera aussi utile si l’autre caoutchouc « en pot de fleurs » (flèche orange) reste coincé dans le fourreau.
On peut déposer les circlips… mais cela ne sert à rien !
Leur rôle est d’éviter aux manchonnages plastiques de remonter et s’éjecter, mais comme ils sont profondément insérés en force… il n’y a aucun risque… et sont indémontables.
Le démontage s’arrête donc là. Voici toutes les pièces.
Pour commencer, il faut arriver à trouver des joints spi de fourche neufs de la bonne dimension. Dans l’idée ça semble simple ; mais non ! Les seuls que j’ai trouvés en 28,6 x 38,5mm… mesurent en fait 39,5mm – quelle que soit la source d’approvisionnement – et la lèvre centrale est très pincée. Resserrée à 25mm environ, elle frotte trop sur les tubes… Au moins, c’est sûr, ça sera étanche de ce côté-là ! Les Chinois étant souvent assez approximatifs dès lors qu’il est question de mesures précises, on peut se dire qu’il s’agit seulement de leur laxisme habituel. Mais en regardant de plus près, la dimension extérieure a été grattée sur tous les joints… avec la puérilité digne d’un enfant de huit ans, pour maquer le fait qu’ils refourguent du 39,5 à la place du 38,5mm… sans état d’âme et en toute connaissance de cause ! Voilà, le monde est imparfait, et il faut faire avec.
Reste donc à poncer soigneusement le tour de chaque joint pour les ramener à une dimension acceptable. L’important est de ne pas attaquer l’âme métallique – ici visible sur un moulage imparfait ; « merde-in-China » oblige ! – sinon le joint se délitera en l’emboîtant dans le fourreau. Avec un peu de patience, voilà ce que ça donne : une paire ramenée au bon diamètre (à gauche) et l’autre, dans son état d’origine… trop grand (à droite) !
Après un bon nettoyage de toutes les pièces, le remontage commence en replaçant les circlips, s’ils ont été déposés.
S’assurer qu’ils reposent bien dans leur gorge.
Peler soigneusement tout le chrome qui aurait tendance à se détacher facilement des tubes dans leur zone de coulissement… ce qui ajoute du jeu dans le mécanisme, mais le chrome qui part en écailles viendrait de toute façon bloquer le coulissement des tubes dans les fourreaux. Cela évitera également de griffer le caoutchouc des joints spi.
Bien huiler les lèvres des joints spi et le bas des tubes de fourche avant des faire coulisser.
Rhabiller les ressorts avec la pièce en élastomère, en respectant le sens de la photo, puis le manchon en caoutchouc anti-frottement (en le faisant tourner pour l’aider à coulisser).
Équiper les tiges avec le gros caoutchouc conique « en pot de fleurs ».
Huiler les caoutchoucs des tiges et les emboîter dans les tubes. Secouer vigoureusement la fourche permet des faire tomber facilement au fond. S’aider éventuellement d’une pince fine ou d’un petit tournevis pour faciliter la sortie des tubes.
Emboîter sur chaque tige le petit caoutchouc « en pot de fleurs » et l’entretoise plastique, en respectant leur sens à tout deux. Les entretoises plastiques doivent affleurer l’extrémité de la tige.
Huiler généreusement tubes et fourreaux à l’huile filante et rassembler les deux parties de la fourche en faisant des mouvements de va-et-vient jusqu’à obtenir un coulissement facile, signe que l’huile s’est bien répartie.
Changer les vis BTR d’origine équipées d’une rondelle frein type grower pour des modèles sans rondelle… auxquelles on rajoute une rondelle plate de type ordinaire, étroite en cuivre (ou à défaut en aluminium). Des vis un peu plus longues, comme ici, ne posent pas de problème et sont même préférables.
Revisser sous les fourreaux les vis équipées de leur rondelle en cuivre, leur filetage enduit de frein filet type Loctite 243. S’aider éventuellement d’un petit tournevis pour centrer le filetage de la tige face au perçage du fourreau, mais normalement l’entretoise en plastique évite à la tige de trop s’excentrer.
Serrer fermement la vis au bas de chaque fourreau en s’aidant de l’outil spécial décrit plus haut pour bloquer les tiges par l’intérieur des tubes. (Une alternative de feignasse est d’avoir tout remonté pour se servir de la force de compression des ressorts de la fourche comme frein, mais pour un serrage ferme et sécurisant sans patinage… il vaut mieux faire les choses bien !)
Bien plaquer les joints spi sur l’assise des fourreaux… C’est là qu’on voit si le travail de réduction du diamètre de 39,5 à 38,5mm a été bien fait. En poussant bien droit et très fort ça doit rentrer fermement, sans se mettre en place trop facilement ni être impossible à monter !Il serait plus facile d’emboîter d’abord les joints spi dans les fourreaux puis de faire glisser les tubes au travers, mais comme la paire de fourreaux est (contrairement à ce qui se fait en moto) d’un bloc et que les joints chinois vendus pour du 28,6 x 38,5mm sont trop serrés à leurs lèvres, le remontage est presque impossible… à moins de forcer, au risque de détériorer un joint ou retourner une lèvre. Dans tous les cas, ça ressemble trop à du bricolage hasardeux. Monter les joints un par un sans forcer sur leur partie centrale est la seule façon de faire proprement… Si dans un monde idéal les joints étaient fabriqués correctement, on pourrait discuter de la méthode !
Laisser le temps au frein filet de sécher – au moins quelques heures – et dans l’idéal reprendre la fourche le lendemain.
Une fois la période de repos passée, verser 25ml d’huile pour transmission automatique de type Dexron ATF dans chaque tube, puis faire jouer la fourche (verticalement) avec quelques mouvements de va-et-vient pour faire entendre de nets glouglous confirmant la circulation de l’huile. On comprend mieux ici l’intérêt des rondelles en cuivre : assurer l’étanchéité ! Comme il n’y en a pas d’origine, quel intérêt de mettre de l’huile ? Cela ne va pas en faire une fourche hydraulique pour autant (comme en moto), le bénéfice est ailleurs. Avec les cahots rencontrés en roulant – parce que sinon, pourquoi avoir une fourche télescopique, hein ? ! – on obtient un minimum de lubrification de l’intérieur, par barbotage, là où il n’y avait rien d’origine. Avec cette astuce, on assure un meilleur coulissement et moins d’usure. Attention, ne pas forcer sur la dose d’huile pour ne pas entraver le travail d’amortissement de la fourche.
Graisser les ressorts, surtout dans la zone des manchons anti-frottement, puis les faire plonger dans les tubes, cales en élastomère vers le haut.
Faire entrer un peu d’huile par les fentes des bouchons de précontrainte, et les régler en position maximum puis revenir au minimum pour faire circuler l’huile.
Revisser les bouchons de précontrainte réglés à leur position minimum.
Et voilà, la fourche est redevenue fonctionnelle !