BCN et BPF : Champagne – 52 Haute-Marne

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Kilomètres réalisés : 2560
Provinces BPF validées : 4
Départements BCN validés : 7

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Mercredi 24 mai, veille du Pont de l’Ascension, troisième étape pour valider le dernier des quatre départements qu’il me reste des BPF / BCN de Champagne. Bon d’accord, présenté sur la carte le parcours ne ressemble pas à grand-chose, ne fait pas vraiment le tour du département, même de loin, mais pour arriver à tout faire dans une journée (et deux demi-nuits de liaison) avec les pointages là où ils sont… Je ne vois pas trop comment faire autrement. Bref le nord et l’ouest seront un peu délaissés… Tant pis, la faute aux pointages, na ! Veille du pont de l’Ascension, après une toute petite semaine de travail, je prends le dernier train pour Langres. Alors que le ciel s’est montré assez nébuleux toute la journée, le soir est bleu et chaud… trop pour moi. Les jours s’allongent et ça fait du bien. Première sortie de l’année où les températures nocturnes ne devraient pas se montrer glaciales ; cela aussi me fera le plus grand bien. Le TER se dandine paresseusement sur les voies. La même ligne que lors de ma sortie pour valider les départements de l’Aube et la Marne, mais en descendant plus loin. Tout ce week-end s’annonce chaud, mais dans le train la climatisation fait son travail, alors je suis pris d’une certaine torpeur sans arriver à m’endormir. Tant pis, il faudra tenir deux nuits. En attendant, je trouve le temps long après la tombée de la nuit, profonde et sans Lune. Incident en cours de route, je descends à Langres, pas loin de minuit. Je repasserai demain dans l’après-midi pour pointer, puis y reviendrai une troisième fois pour prendre mon train de retour vers Paris !

C’est parti. Avec le jour qui se lève maintenant tôt, l’été approchant, ma liaison nocturne vers Montier-en-Der se fera tranquillement, et surtout sans avoir besoin de trop rêvasser en cours de route… Ce qui tombe bien, car par ici presque tous les villages seront plongés dans le noir, sans le concours de la lune, nouvelle. La sortie de la gare de Langres commence par un raidillon à 10 %… qu’il n’était pas la peine de prendre, en tournant juste à ses pieds, sauf que je ne m’en étais pas rendu compte, alors j’ai aussi testé le sens de la descente ! Après avoir quitté la ville par le bon chemin, dans le noir ne reste que l’odeur des arbres chauffés toute la journée au soleil. Seules les étoiles règnent sur cette nuit profonde. Les oiseaux et les grillons chantent et célèbrent la pénombre. Les étoiles commencent à se densifier, ou mes yeux à s’y habituer. Tous les villages éteints, une forme de vie m’accompagnera un moment cette nuit : Le tumulte de l’autoroute qui ne sera pas très loin pendant une trentaine de kilomètres, avec ses sifflements, ses bruits rauques et traînants, et ses traînées furtives de lumières jaunes et rouges se poursuivant. Une grimpette me surprend en traversant Leffonds… Comme qui je ne l’avais peut-être pas touché… le fond ! L’autoroute évaporée, le silence revient apaisant et inattendu, une nuit pure sans souffle, puis les grillons en reprennent possession. Je trouve Vaudrémont comme premier, et quasiment le seul cette nuit, village éclairé. Une minuscule fontaine coule une eau joyeuse, je me laisse aller à la mélodie des clapotis, puis fais l’appoint des bidons. Potable ou pas ? Rien ne me l’indique. Ni goût ni odeur ni aspect curieux. Seul indice, l’église veille à deux pas, logiquement ce n’est pas ici que je finirai empoisonné ! En traversant la Forêt des Dhuits, la végétation grouille de petits animaux, m’attendant à ce que quelque chose émerge des troncs à la lueur de mes torches, mais rien. Colombey-les-Deux-Églises, en quittant le village je devine la butte du mémorial dans la pénombre, mais ne vois rien. En m’éloignant, même l’énorme croix de Lorraine est invisible sur sa butte, je me l’imaginais éclairée. Arrivant à Rizaucourt-Buchey, dans la montée le vent souffle chaud, alors que la température est descendue à moins de 10°C. La langue chaude de l’haleine du diable ? Peut-être, car dans la rue sinueuse du bourg plongé dans le noir, je manque de me faire happer par une bagnole folle traînant une énorme remorque, sous laquelle j’ai bien failli finir. En plus de sa vitesse, je pense que le conducteur n’a pas vu la modeste portée du faisceau de mes torches entravé par les chicanes urbaines – formées par le virage et les maisons – mais rien ne l’oblige à négocier les tournants dans toute la largeur du bitume ! Respect du Code de la route est trop souvent confondu avec probabilité. Frôlé, j’en ai les jambes coupées. Passent de longues minutes d’escargot, la machine a bien du mal à se remettre en route ! Plus tard les étoiles se couchent unes à unes, tandis que l’aube prépare son entrée en scène. À l’entrée des bois, sur la route de Sommevoire, les bouffées d’air chaudes et moites me font du bien, avant d’être avalé par des lambeaux de brume bien fraîche. Le premier pointage n’est plus très loin. Une première étape facile, avec seulement 4 ou 5 bosses à passer. La suite se corsera…

Je fais le tour de Montier-en-Der. Le village est encore endormi. Rien d’ouvert, le jour férié doit aussi y être pour quelque chose. Un groupe de corbeaux s’en donnent à cœur joie dans le grand arbre sur la place, entre le Dépôt National d’Étalons et l’abbatiale. Je flâne un peu puis repars avec une photo du panneau d’entrée de ville en guise de pointage. La route n’est pas très longue, des grands bouts droits d’une trentaine de kilomètres, d’un profil assez calme en faux plat, mais qui prennent de plus en plus de pourcentages. Pas usant, mais laborieux. J’appréhendais cette étape, la connaissant pour y être passé sur le BRM 1000km de Râches en 2015, et qui m’avait laissé un mauvais souvenir… après plus de 700km. Aujourd’hui, après juste une centaine au compteur, ça me paraît nettement moins méchant, et passe même assez facilement. Je passe par Brousseval où la rue de Colombey prolonge la rue du Général de Gaulle. Cohérant… mais sans beaucoup d’imagination ! En face, sur la place de la mairie, Saint-Louvent veille depuis son alcôve. L’abbé est représenté avant qu’il ne perde la tête, pour s’être brouillé avec une reine. Il reste une quinzaine de kilomètres avant d’atteindre Joinville. Bien qu’il soit encore tôt, j’arrive à pointer sans problème cette fois. La ville est d’une grandeur semblable à Montier-en-Der, mais sans avoir beaucoup de commerces ouverts un jour férié, elle s’en sort mieux… Et moi aussi du coup ! Point de vue météo, 8h et déjà 20°C en attendant dix de plus. La caresse du puissant soleil printanier promet d’être bien cuisante. Comme je ne suis pas pressé de le vérifier, j’applique de la crème solaire sur ma peau dénudée avant de repartir.

Je m’oriente dans la ville en tournant à droite devant la statue de Jean Sire de Joinville, biographe de Saint-Louis, perché sur son haut socle. L’homme tête baissée, un livre à la main et son épée de croisé de l’autre, semble avoir l’air accablé. La hauteur du piédestal et le bronze devenu bien terne accentuent sans doute cet effet. Juste après, en passant la Marne me voilà sur une étape tranquille, serpentant plein sud en suivant les berges du Canal entre Champagne et Bourgogne. Le chemin est plat comme tout chemin de halage. Il pourrait paraître ennuyeux aussi, mais ce serait sans compter sur le gravier et les touffes d’herbe… Avec souvent plus de gravillons que de belles mottes d’herbe… mais pas toujours ! Au niveau de Villiers-sur-Marne, le chemin improbable se change en route large, qui plus loin dévoile son nom : D194, tandis que sur le côté, le chemin originel n’est plus qu’un vestige d’asphalte retournant à l’état sauvage. Je ne pensais pas qu’un rêve puisse porter un nom pareil… sur quelques centaines de mètres, rien de plus, puis la réalité reprend son cours étroit, gravillonné et végétal ! Je quitte les berges à Froncles, qui demande un peu de vigilance pour ne pas arriver à Vignory par la voie rapide. Le village se présente en travaux. La rue principale est presque refaite et le château sur les hauteurs est flanqué d’un échafaudage. Pas âme qui vive entre les vieilles pierres, juste le passage furtif d’un lézard. Le pointage des jours fériés est parfois aride ; va pour une photo de la pancarte du bourg, et le plein des bidons au cimetière en repartant.

Je repars en rejoignant la piste cyclable, toujours aussi aléatoire dans son revêtement, hélas dans la norme des pistes françaises : sales mal entretenues, certainement bien suffisantes pour ceux qui y passent, des conducteurs de troisième zone : les cyclistes. Parlez-moi d’écologie et de déplacements « doux » alors qu’on est infoutu de promouvoir un chemin qui ferait un axe touristique et tout plat très agréable sans ce revêtement calamiteux. Heureusement ailleurs, la portion que j’avais empruntée en chassant les BPF de la Marne, était tout à fait correcte… Ce qui m’a évité de terminer à l’eau en fin de nuit brumeuse ! Je quitte pour de bon les berges à Bologne pour retourner définitivement en terrain vallonné, qui régnera sur les 250km restants. Le vent en rafales se lève plus tôt que prévu par la météo, il me pourchassera jusque dans la nuit. Je me perds bêtement dans Bourdons-sur-Rognon pour éviter de traverser le vide-greniers local. Avec un nom pareil, il fallait bien s’attendre à une (mauvaise) plaisanterie, mais d’un autre côté, est-ce que d’avoir des bourdons sur les rognons est une chose rassurante ? Je ne sais pas ! Peu après, pour sortir de Forcey… il me faut forcer un peu dans la montée à 10 %. Les  noms de villages sont assez joueurs par ici. Les 30°C s’installent en plein midi pour m’accompagner de longues heures. Avec cette chaleur, je ne suis pas mécontent de pouvoir faire un arrêt rafraîchissement et appoint des bidons au cimetière de Millières. Le vent de trois-quarts face met un peu de fraîcheur dans la fournaise du début d’après-midi. Les grosses chaleurs ne sont toujours pas mon fort. Ravennefontaines apparaît comme un village miniature avec sa mairie de poche et son église basse, sans véritable clocher, alors que partout aux alentours ils sont hauts et pointus comme il se doit. À deux pas, l’église de Parnot, elle, attire l’œil d’une autre façon : sa coupole ventrue en ardoise sur une toiture de trois types différents de couverture. Plus loin dans le village, une sorte de calvaire ressemble à une flèche d’église qui aurait été déposée-là, à terre. En sortant du bourg, une éolienne-pompe agite bruyamment sa tôle comme dans un bon vieux western. J’en croiserai régulièrement sur ce parcours. Cette étape offre finalement une impression tranquillement vallonnée malgré le vent, et Bourbonne-Les-Bain n’est plus très loin.

La ville est assez grande, mais le centre semble mort ce jeudi de l’ascension. Je trouve un bar d’ouvert où l’arrêt pointage, et surtout le Coca-Cola glacé me feront le plus grand bien. Je me remets en route par une montée continue sur 6km, laborieuse dans la chaleur où les bois n’apportent pas vraiment d’ombre. Une belle descente suit immédiatement, m’emmenant à Coiffy-le-Bas au travers du feuillage vert tendre du vignoble de Coiffy. Varennes-sur-Amance se mérite par une bonne montée entre 10 et 13 % sur près de 2km, avec une pointe à 15 %, mais le panorama est beau ! Ensuite la route sera plus calme jusqu’aux abords de Langres où la ville historique se présente sur des hauteurs fortifiées. Pour y arriver, j’entraperçois dans la descente le Fort de Peigney, ressemblant à un champ de ruines éparpillé dans l’herbe. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je n’ai trouvé aucun commerce d’ouvert pour pointer dans la belle ville de Langres protégée par ses remparts. Belle à voir, même en dépit de son Musée d’Art et d’Histoire dont le contenant tranche avec le contenu, et l’extérieur avec les vieilles pierres qui l’entoure, et où on voit dépasser du toit comme deux têtes curieuses, les tours de la cathédrale Saint Mammès perchées au-dessus du bâtiment d’une géométrie acérée. Flânerie agréable donc, mais pas mal de temps perdu. La malédiction des jours fériés… Alors je suis redescendu du côté contemporain, en dehors des remparts. J’ai cherché jusque vers la gare ou j’ai trouvé au guichet de quoi tamponner mon carton violet, en me faisant confirmer que le dernier train pour Paris sera parti avant que je puisse revenir d’Auberive. Je conserverai donc le tracé initial de mon détour nocturne pour… m’occuper en attendant le lendemain matin !

Je retraverse Langres dans l’autre sens, et passe par Voisines. Je n’en vois aucune, même pas ce qui pourrait être un voisin, dehors par cette chaleur. Plus loin, les clapotis m’appellent. Je m’arrête à la fontaine au grand bac de pierre de Vitry-en-Montagne. En Montagne, c’est vite dit, le village serait plutôt dans un creux du parcours, mais bon ! Le plus étonnant est que tout un groupe de koïs nagent dans le bac. Faute d’interdiction, ce qui est bon pour le poisson doit aussi l’être pour l‘homme, alors je remplis mes bidons d’eau fraîche… Après observation et en avoir conclu que, logiquement, l’eau du bassin n’est pas recyclée vers le robinet ; nous ne boirons donc pas la même eau ! Cependant, au vu de l’épais tapis d’algues d’un beau vert pomme gisant au pied de la fontaine et sûrement gavé de nitrates… il faut savoir vivre dangereusement ! L’après-midi s’étire, arrive sur la fin, la route est toujours gondolée, il est tant que je me dépêche de rejoindre Auberive, dernier des six pointages du département. De vieilles pierres solitaires dans le petit village. Je suis pris d’une paresse terrible. L’envie terrible me vient de faire un p’tit roupillon sympathique à l’Auberge de l’Abbatiale, puis de repartir à l’aube pour Langres, mais ma carte bleue me dit non et je sais hélas qu’elle a raison. Je m’assieds sur une vieille pierre moussue, profitant du chant des oiseaux avant de repartir.

Les petites routes sont agréables en tout début de soirée. C’est reparti pour 120km autour de Langres, que du bonus histoire de tuer le temps en attendant l’aube. Le soleil baisse entre les troncs, et dans la végétation s’agite des habitants. La route est encore vallonnée, je me laisse glisser vers Vivey logé dans sa cuvette, et trouve la remontée laborieuse. Sans doute un restant du blues du cyclo randonneur à la tombée du jour. Ensuite le chemin redevient facile, et je fais une toute petite incursion en Côte d’Or en passant par Cussey-Les-Forges. Je m’arrête devant l’église illuminée de Chalençay, fais une pause assis sur le petit muret de pierre, puis la motivation revient avec la nuit. Son calme, son indulgence dans les côtes que l’obscurité masque, et sa bienveillance sur la vitesse qu’elle peut faire chuter sans que le cycliste s’en rendre trop compte, tout cela offre une aide et efficace. Deuxième nuit à rouler, quelques étoiles s’installent dans les pénombres encore bleutées avant la profondeur d’un ciel sans lune. La température a baissé d’une vingtaine de degrés mais reste agréable une fois recouvert légèrement. Pas de jambières, la première fois de l’année. Mes genoux préfèrent le frais à l’appui du tissu. Mauvaise année pour eux on dirait. Pas besoin de forcer, j’ai le temps, alors autant les économiser. La route est maintenant moins bosselée, avec une dernière belle bosse du côté de Bussières-lès-Belmont, puis les lumières de Langres apparaissent au loin, rassurantes sur leur butte. C’est la troisième fois que j’y passe. Ce coup-ci c’est la dernière, je n’ai plus qu’à rejoindre la gare et attendre le premier train pour Paris. Les quatre départements de la province de Champagne sont validés, alors qu’est-ce qu’on dit ? Champagne, bien sûr !

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