Les Flèches de France : Paris – Briançon (par Grenoble)

Share Button

Le cycle des Flèches de France 2007-2013,
épisode 16.

Comme le Col du Galibier n’est ouvert qu’une vingtaine de semaines dans l’année, je ferai cette flèche en passant par Grenoble. Ne croyez pas que cette version – officielle de l’Audax Club Parisien – soit une Flèche au rabais, car le dénivelé global est identique… Avec même une centaine de mètres de dénivelé supplémentaire, pour être exact !

Vendredi 11 mai 2012. Je fuis encore une fois Paris, traînant avec moi mes envies d’ailleurs. La montagne, décidément quelle idée ! Pourquoi vouloir s’infliger des choses pour lesquelles on n’a aucun talent ? Pour le plaisir de la découverte, et parce que par nature j’ai horreur des récompenses trop simples à obtenir ? Sans doute. 4h du matin, c’est parti ! Ce côté-ci de Paris est plus plat, plus facile, ne possède pas le caractère amuse-bouche que peut avoir la Vallée de Chevreuse, alors le départ est tranquille. Le jour se lève à peine sur Ponthierry et voilà déjà le moment de pointer. Le ciel est très nuageux, la pluie est prévue aujourd’hui, mais quelques rayons de soleil percent encore l’aube. Patience les piafs, l’eau ne tardera pas à venir.

Après le grand beau temps et la forte chaleur d’hier, soit il fait encore très chaud, soit j’ai encore la fièvre. J’ai la gorge dans un sale état, tousse tout ce que je peux, et j’ai très mal dormi depuis deux jours. Partir dans ces conditions n’est pas forcément très raisonnable, mais mon planning vélo est très chargé cette année. En fait c’est bien la fièvre, faudra faire avec. Dans la forêt de Fontainebleau, à la Croix-de-Vitry, la D138 n’est pas indiquée… et je continue sur l’ancienne N6. En m’en rendant compte plus tard, je rattrape la bonne direction en coupant par une petite route forestière. Petit détour sans conséquence. À Moret-sur-Loing, je passe devant le petit panneau indiquant le conservatoire du vélo. Ma curiosité pour les vieilles ferrailles et la mécanique ancienne me disent de m’y m’arrêter, mais ce n’est pas le moment. Pas le temps, pas la bonne tenue, j’aurai un bon prétexte pour revenir dans le coin. À force de le tripoter, j’arrive enfin à ranimer mon appareil photo obstiné à rester éteint. Il refonctionne… pour l’instant. Lui aussi en a marre de la pluie de cette année. Pour l’instant le temps se maintient, et la température grimpe à 30°C en fin de matinée. J’ai maintenant froid et transpire énormément. Pas de doute, c’est bien la fièvre. Je m’arrête au cimetière de Précy-sur-Vrin pour y faire mes ablutions et le plein de mes bidons. Trouver je ne sais combien de points d’eau pour me rafraîchir sera ma plus grande occupation de la journée. Passant juste à côté des Fièvres, il fait 34°C ; il y a donc encore un peu de marge, mais le village est largement battu par les microbes ! Dans les bois, je ne trouve pas vraiment d’ombre, les arbres n’arrivent pas à m’abriter de la forte chaleur. J’arrive à Toucy où je suis accueilli par l’imposante église fortifiée, fièrement juchée sur son promontoire ; magnifique ! Ce vendredi en tout début d’après-midi, je trouve une boulangerie ouverte. Je sors ma carte verte pour pointer et me ravitailler.

En repartant, à Courson-les-Carrières, je passe tout près d’Anus. Quel curieux nom de village, quel prestige d’habiter là ! Et quelle motivation pour s’y installer ? Dans les noms de bourgades aux consonances particulières, je préfère la poésie d’un Couilly-Pont-Aux-Dames par lequel je transite souvent en Seine-et-Marne. Je longe un moment la Véloroute bordant le Canal du Nivernais. En passant par Asnières-sous-Bois, l’approche de Vézelay s’annonce par la formation de belles bosses. Comme à chaque fois que je lui rends visite, la ville se détache fièrement du paysage, dressée au loin. Un petit vent commence à monter, amenant les nuages avec lui, mais il ne rafraîchit même pas la fournaise de ce vendredi après-midi qui s’écoule lentement. En approchant de Saulieu, une camionnette est accidentée, seule, en ligne droite, en plein travers de la route. Bizarre. Les secours ont la situation en mains. Des voitures sont bloquées à l’arrêt dans les deux sens. Pour arriver à passer, je me fais tout petit en poussant mon vélo dans l’herbe du bas-côté. À un quart d’heure près, je prenais peut-être le fourgon de pleine face, qui sait… J’arrive donc à Saulieu pour pointer en tout début de soirée. La ville semble déjà quasiment endormie.

J’ai passé la journée à transpirer comme pas possible, à cuire sous le soleil ou à grelotter sous la canicule, alors j’espère que la baisse de la température au soir fera enfin chuter la fièvre. En repartant, je longe un panneau indiquant La Mer. La trouver ici me semble très improbable. Prisonnier des fièvres, me serai-je donc trompé de direction ? En tout cas, curieux nom pour une bourgade plantée en plein milieu des terres de France. Arrivé à Trintry, après une belle bosse, le vendredi touche à sa fin, plongé dans le royaume de la nuit. Je me dis que la météo a bien fait de prévoir de la pluie pour aujourd’hui : à une heure près, je n’y aurai eu droit que demain ! Les minutes s’écoulent et l’eau coule, la pluie fine se transforme vite en orages. Le ciel est zébré à droite, à gauche, le tonnerre retentit de plus en plus bruyamment, lacère les ténèbres. J’éviterai la foudre mais pas la flotte qui va avec. Quitte à choisir, je préfère ça plutôt que de finir électrocuté ! L’appareil photo à peine sorti de son mutisme ne supporte pas ce traitement et abandonne la partie, plus rien à en tirer. Au cœur de la nuit, les précipitations rafraîchissent enfin l’air et la fièvre chutera avec les degrés. Thérapie de choc. Voilà que j’arrive à soigner ma crève en déambulant sous les fortes pluies, on aura tout vu ! À 20km de Saint-Gengoux-le-National les choses s’apaisent. La pluie devint timide, le crachin est de retour, s’épuise, devient insignifiant… Et reprend alors que je pointe de nuit à la carte postale en ce tout début de samedi. Comme la boîte aux lettres que j’ai trouvée ne fait pas partir de courrier le samedi, j’hésite, c’est subtil vu qu’il y a bien une levée ce jour-là, alors à quelle date sera le cachet ? … J’explore les environs pour trouver le bureau de Poste. C’est plus prudent et le tampon devrait être à la bonne date … Logiquement. Sur cette étape, j’ai déjà fait trois pauses de micro-sieste dans des abribus, et la nuit n’est pas finie… Je ne sais pas qui de la maladie ou de mon organisme finira par terrasser l’autre. À voir !

Les périodes de pluies orageuses et de pluies fines continuent d’alterner le restant de la nuit. Comme ça commence à grimper pour rejoindre Tournus, je ne m’étais pas aperçu tout de suite que j’étais déjà en route pour le Col des Chèvres. Pas signalé sur la route, pas davantage à son sommet, mais comme il n’est pas bien méchant du tout, l’information n’a rien de capitale non plus ! Le vent se lève par petites rafales, ramenant la pluie à la rescousse du crachin, et je finis trempé en passant par Vonnax. J’enfile mon poncho par-dessus l’imperméable avant d’être définitivement terrassé par l’humidité, mais avec la crève, j’ai à nouveau très chaud. Pourtant la température a chuté d’une bonne vingtaine de degrés : plus que 12 au thermomètre. Les grillons se sont calmés, ils ne sont plus à la fête, frigorifiés sans doute. Seuls les piafs et les grenouilles continuent leur concert nocturne. Pour ma part, j’aurais encore besoin de deux pauses de micro-sieste. Bizarre cette étape qui monte au départ, devient plate au milieu, avant de se muer en une succession de toboggans sur la fin. Un cocktail de tous les reliefs. Pendant ce temps, le jour est revenu ; gris, triste et pluvieux. Je pointe à Chalamont ce samedi matin, en profitant de la pause pour dévorer un gros pain aux raisins. Voilà qui remonte mon moral mis à mal par toute cette flotte.

Je repars bien entendu sous l’essorage du ciel qui n’en finit pas. Ça ne paraît pourtant pas si plombé là-haut, assez clair même, de quoi espérer – en vain – une amélioration. Ce sera, au mieux, juste du crachin à partir de l’après-midi. Pas le temps de sécher, donc. Le paysage prend du relief et les vallées se creusent, la montagne approche. Des nuages – à moins qu’avec ce temps de cochon ce ne soient des bancs de brouillard ; je ne suis ni météorologue, ni montagnard – écrêtent visuellement les massifs. Arrivé à Les Echelles, je m’égare un peu en cherchant la direction de Saint-Pierre-d’Entremont. Une fois remis sur la bonne route, j’entre vite dans la purée de pois, et constate par la même occasion le manque de pression de mon pneu avant. Je regonfle, ça a l’air de tenir, alors je repars. Ce village de fin d’étape se mérite par une belle montée au cours de laquelle je suis rejoint par un cyclo local. Il est épaté et enthousiaste de me trouver là… alors que je suis parti de Paris la veille. Selon lui, le Col du Cucheron est plus facile que le Col de Porte, qui possède de plus forts passages. Pour moi un col est un col, toujours un truc dur, alors comme il faut y aller, je verrai bien. Nous discutons quelques minutes avant de nous séparer, moi vers mes cols, lui vers les siens. Avant, je m’arrête pour pointer dans le bourg en début d’après-midi. Curieusement, Saint-Pierre-d’Entremont se trouve le cul entre deux chaises, à cheval sur deux départements, entre la Savoie et l’Isère. Je remets un coup de pompe dans mon pneu. Avec le crachin et le vélo recouvert de crasse, je ne suis pas très motivé pour réparer la chambre ; mais si la pluie se renforce, je ne serais pas plus avancé pour bricoler !

Je pars donc à l’assaut du Col du Cucheron. Le crachin cède la place à la pluie. Avec la sueur générée par l’ascension, c’est plutôt moite ! Ce col comporte trois petits replats dont une descente pour récupérer. J’y passerais trois quarts d’heure. Le cyclo local avait raison, ça passe assez facile… Même pour moi ! Avant de descendre, je remets de l’air dans mon pneu. Maudite crevaison lente, il faudrait que je pense à m’en occuper. En dévalant le col, un bourdon me percute en plein thorax. Avec la vitesse l’impact est très douloureux. À la tête, j’aurai été sonné… En tout cas la descente est vite avalée, il est temps de réparer. Allez, ça me fera aussi une petite pause pour récupérer, avant de recommencer à grimper ! Je trouve un recoin au sec, démonte la roue répugnante de crasse puis m’assure que rien ne transperce le pneu. Je change directement de chambre, pas envie de tergiverser. Avec l’humidité, je ne cherche même pas à localiser le trou ni à essayer de coller une rustine qui ne tiendra pas avec la flotte. C’est reparti, au tour du Col de Porte. Il ne m’apparaît pas particulièrement plus difficile que le Cucheron, à peine un peu plus longuet, c’est tout mais c’est déjà bien ! Arrivé au sommet, il suffit de se laisser glisser jusqu’à Grenoble… sans se casser la gueule sur la route détrempée ! Je redescends donc dans un brouillard épais bien collant. La déclivité est longue et torturée mais je ne dérape pas. Je passe sans m’en rendre vraiment compte par le Col de Vence. L’atmosphère se clarifiant, en s’en approchant je découvre le panorama de l’agglomération grenobloise tapissant généreusement la vallée. Devant une telle vue majestueuse, il n’y a pas à douter que Grenoble soit une vraie métropole, étonnement plate d’ailleurs, malgré la montagne tout autour. Face à son étendue, je m’attendais à me perdre ou avoir des difficultés pour trouver la direction d’Uriage-les-Bains, mais non, en suivant Saint-Martin-d’Hères il n’y a pas de problème. La circulation de cette fin d’après-midi n’est pas si infernale non plus, c’est même plutôt tranquille pour une grande ville. Je passe devant le casino dans le jour déclinant, mais pas le temps de s’arrêter, aucune envie non plus, le vélo est le seul jeu de hasard que je pratique ! À Vizille, il faut prendre l’ancienne N91. Je ne suis pas spécialement réjoui d’avoir à emprunter ce genre de grand axe. Les 50km de Grenoble à Bourg d’Oisans sont tout en faux plats, qui me feront progressivement gagner 500m d’altitude. La route n’est finalement pas si passante – après Uriage – ce samedi en début de soirée. J’atteins Bourg-d’Oisans en début de nuit, où je pointe à la carte postale.

Pour finir cette Flèche, il me reste à grimper le Col du Lautaret, puis à me laisser glisser jusqu’à Briançon. Je pourrais faire cette dernière étape de nuit, mais comme j’en ai assez des dernières 24 heures de pluies quasi continues et de cette crève qui commencent l’une comme l’autre à m’épuiser, que le train pour Paris est déjà parti de Briançon et le prochain n’est que dans 21 heures – hé oui, il n’y en a qu’un par jour acceptant les vélos ! – et que je me priverai sans doute de magnifiques panoramas, autant grimper tranquillement ce col dimanche matin… À condition de trouver où dormir. Allez, pour une fois dans ma vie âpre de randonneur, je me paierai bien le luxe de ne pas coucher dehors… où plutôt de ne pas coucher nulle part. Les hôtels ne manquent pas à Bourg d’Oisans, mais en trouver un d’encore ouvert à l’approche de 23h est plutôt compliqué… La perle rare est enfin dénichée, avec bien du mal, et surtout avec un patron très mal aimable, car sorti du lit juste pour moi ! Le secteur hôtelier est le domaine des couche-tôt par ici. L’homme est impatient, me presse, me stresse ; du coup j’ai à peine le temps de décharger le minimum vital du vélo avant que la tension ne monte trop. Ça commence bien ! La chambre est du genre plutôt spartiate. Tant pis, m’en fous, je ne suis là que pour la nuit. Je passe sous la douche avec deux minutes d’eau chaude… Et le reste glacé. Ça continue ! Je me couche, rapidement en prise avec des quintes de toux terribles. Je crois un moment que la crève regagne brutalement du terrain, mais non, la literie sent une forte et agressive odeur de naphtaline. Allons bon, ça existe encore ce genre de truc là ? Je commence à regretter de m’être arrêté ; surtout ici. Le temps passe mais ma gorge ne se calme pas, au contraire, alors j’ouvre largement la fenêtre. L’air frais me fait enfin du bien… Mais il ne fait plus très chaud dans la chambre. Tout n’est qu’affaire de priorités dans la vie ! Après une nuit courte en sommeil, je me réveille avec le petit jour et le froid, forcément, avec la fenêtre restée ouverte ! Ce matin le patron est beaucoup plus aimable que la veille, et le petit-déjeuner est copieux ; c’est déjà ça de pris.

Dimanche 13 mai au matin, malgré la pluie et la pause nocturne, mes genoux ne sont toujours pas douloureux, juste un peu raides. Une bonne nouvelle et une grande première pour cette année. Le ciel est sec, la route aussi ; enfin ! Je monte à l’assaut de mon épouvantail du jour, le Col du Lautaret. La sortie de Bourg-d’Oisans est plate sur quelques kilomètres, l’échauffement est court, puis les hostilités commencent par Les Clapiers. Je me fais surprendre par la montée, à tel point que j’ai peur de me faire doubler par les escargots qui sont de sortie après la pluie de la veille. Heureusement, pas un ne commettra cet affront ! Je prends doucement mon rythme sur mon tout petit plateau. Je rentre dans un premier tunnel. Ils ne seront pas forcément très agréables car pas très larges, parfois mal éclairés, le sol quelquefois dégradé, mais surtout dès qu’une voiture s’y engage, la roche fait caisse de résonance et il s’ensuit un monstrueux bruit d’avion qui arrive d’on ne sait où. À quasiment 1000m d’altitude, autre surprise, un replat et même une descente me feront perdre une soixantaine de mètres de dénivelé pour arriver à Fresnay-d’Oisans. C’est pas grand-chose et je n’ai rien contre les descentes dans les cols, mais elles ont le désavantage d’avoir à vous faire grimper deux fois, juste pour se retrouver à la même altitude. Alors tant pis, je râle et je les regrimpe ces fichus 60m de perdus ! Le barrage du Chambon coupe majestueusement la vallée. Je roule au milieu de ma voie, car le minuscule parapet et le contrebas de la retenue d’eau du barrage me donneraient presque le vertige. Cette fois les 1000m d’altitude sont franchis, pour moi une étape symbolique est atteinte. La sérénité m’envahit devant ce paysage grandiose ; tant mieux, car de toute façon je suis parti dans ma séance d’alpinisme pour encore un bon moment. Après les deux tunnels du Chambon, des petits blocs d’ardoises bien noirs, sans doute détachés de la paroi à la faveur des pluies de la veille, tapissent toute la largeur de la route. Je zigzague habilement, grâce à ma lenteur d’ascension il faut bien le dire, et mes pneus s’en sortent indemnes ! En regardant bien, je suis surpris de trouver d’énormes parois d’ardoises par ici. Puis j’ai l’impression que le col ne monte plus vraiment. Il faut faire 5 ou 6km – autour des 1100m d’altitude – avant que le faux plat ne se transforme à nouveau en une vraie montée. En sortant du tunnel du Grand Clos, le brouillard m’attend. Il ne résistera pas bien longtemps. La Grave est le premier village d’importance par lequel je passe depuis Bourg-d’Oisans. Près d’une trentaine de kilomètres, presque une éternité vu ma vitesse de progression. J’ai fait le plus long de la montée, ai-je fait le plus dur ? La suite le dira. En ressortant du Tunnel du Serre du Coin, j’aperçois le bout de la vallée où les nuages bas s’effilochent au loin, laissant apparaître par endroits les sommets enneigés dans une perspective grandiose. Le soleil en profite pour commencer à briller doucement, apportant sa touche de merveilleux. À la sortie du tunnel des Ardoisières, je suis saisi par l’air vivifiant venu des sommets. Cette fraîcheur soudaine me fait le plus grand bien. En passant par Villar-d’Arêne, le village de La Grave semble déjà minuscule dans mon dos. 1800m, le sommet se rapproche. Je crève de chaud avec ce beau soleil émergeant d’un moutonnement nuageux diffus. Bientôt, je suis obligé de m’arrêter pour me découvrir. Plus que 200m à grimper, ça va ! 1900m, les cimes enneigées m’apparaissent maintenant en vraie grandeur, impressionnantes, j’ai la sensation de presque pouvoir les toucher du doigt. 2000m, je ne vois toujours pas le sommet se profiler, mais je sens qu’il est là, qu’il se cache, tout près, tutoyant le ciel. Puis les bâtiments plantés en haut du col font leur apparition. Je me sens délivré, et paradoxalement je sens tout le poids de l’effort qu’il me reste à produire, il paraît soudainement écrasant. Du coup, je finis ce qu’il reste de montée d’une traite en danseuse. Voilà, c’est fait, à mon rythme, en 3h30 ! Ce n’est certes pas un exploit, mais pour moi si, me connaissant c’en est quand même un. Finalement, un col ce n’est pas plus dur qu’autre chose – et celui-ci est plus long que vraiment difficile – il suffit d’accepter sa lenteur et les limites de ses propres capacités physiques, et de faire avec. Et dire que je n’ai jamais rien grimpé de sérieux de ma vie avant cette année. C’est la première fois que j’aventure mes roues dans la vraie montagne, les Alpes, connaissant déjà à peine la montagne à vaches. Hé bien c’est grandiose, j’aurais vraiment raté quelque chose en faisant l’ascension de nuit. Assez rêvassé, le plus dur est fait. Pour finir le parcours, il ne reste plus qu’à se laisser glisser dans la descente pour rejoindre Briançon. Curieux d’ailleurs, pour moi Briançon ayant toujours été synonyme de montagne, cela me semble bizarre d’avoir à descendre pour y accéder. Je me recouvre avant de basculer dans l’autre versant, puis passe devant l’accès fermé pour le Galibier. Alors que je n’ai pas croisé un cycliste lors de toute mon ascension, je fais comme un gamin émerveillé des grands signes aux cyclos locaux encore tout à leur montée. Après 750km de route, j’ai mérité mon petit instant de gloire. En le descendant, un col change complètement d’aspect, c’est un autre monde qui se dévoile, déchirant sa chrysalide de lenteur. Une jouissance pure. À dévaler sans effort les sommets, je redécouvre des sensations familières du pilotage moto mais sans la fureur du moteur : les trajectoires propres, la prise d’angle, le freinage pour basculer d’un côté sur l’autre… En bord de route, le jaune des pissenlits dans les champs contraste avec le blanc des sommets. Le Monetier-les-Bains est le premier village traversé, et la moitié de la descente est déjà faite. Si rapidement déjà, et voilà soudainement un panneau Briançon à 2km. Il me saute brutalement au visage, grossièrement, sans aucun ménagement. Merde, dimanche 13 mai peu après midi, c’est déjà fini ! Mis à part la météo, encore une superbe Flèche de faite. Il ne me reste plus qu’à pointer et explorer la ville en attendant mon train… de nuit… le seul sur 24h à accepter les vélos sans housse.

Share Button

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *