Le BRM 600 km de Grenoble – 16 mai 2015

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Vendredi 15 mai au soir, je vais prendre mon train pour participer au BRM 600 de Grenoble. Préparation du Paris-Brest-Paris ou pas, il faut bien varier les plaisirs. Cette année je fais tout dans le désordre, alors le 400 se fera attendre… et finalement faute de disponibilité… ce ne sera pas aussi simple que prévu, mais c’est une autre histoire, je vous en reparlerai… ICI.

Gare de Grenoble, arrivée à minuit. Je remonte mon vélo et replie ma bâche de fortune que je vais promener à l’arrière de la selle sur les 600km, et qui me servira à emballer le vélo pour le train du retour vers Paris. J’aurais pu l’abandonner discrètement dans un bosquet, et la récupérer le dimanche, mais avec moi, surtout sur un vélo, il ne faut jamais négliger le facteur poisse. Un agent de voirie zélé, aurait bien été capable de la découvrir, puis de la jeter aux ordures ! Soudainement, je me rends compte que j’ai oublié un détail insignifiant : je n’ai pas en tête le chemin à suivre pour me rendre sur le lieu de départ, je n’y ai été qu’une fois. À cette heure-là, arriver à faire le tour de la gare, forcément fermée du côté qui m’intéresse, n’est pas si évident quand on ne connait pas Grenoble. Finalement, rejoindre le départ du brevet est tout simple. Par contre, ne sachant pas trop non plus, par où nous allons revenir dimanche, je m’en vais faire une petite reconnaissance nocturne, en remontant l’avenue tout droit. Logiquement, à un moment où un autre, je devrais arriver à couper les berges de l’Isère… et donc en déduire où quitter la piste cyclable pour rejoindre l’arrivée. J’ai quelques heures à tuer avant 4h du matin, alors pas de panique, allons-y ! Les derniers tramway passent à vide à côté de moi, pas d’autre signe de vie dans ce tissus urbain désert. Je roule tranquillement, les lumières de la ville défilent, et un peu plus tard, bonne pioche, comme prévu je trouve la piste cyclable au niveau du pont haubané. On ne peut pas faire mieux comme repère. Tout va bien, je n’ai plus qu’à faire demi-tour.File0001 Comme lors du 400 d’octobre dernier, je vais me cacher dans un petit recoin tranquille, pour patienter un peu. Les heures passent doucement. C’est la revanche de l’invisible, des insignifiants, alors même les secondes jouent les persécutrices pour mieux me rappeler leur importance. Je ne trouve pas de position confortable, et l’air est finalement assez frais. Le temps s’englue dans mes pensées, le sommeil ne vient pas. Le vélo est ma liberté, la liberté a toujours un prix, ce sera donc deux nuits blanches au programme, avec au besoin un arrêt improvisé de quelques minutes n’importe où. Notre quotidien est devenu si souvent tellement douillet, que le malmener un peu, est parfois salutaire. J’émerge de ma cachette, je vais me poster sur la place de Sfax en attendant les premiers. Bien qu’il ne fasse pas si froid, un vieux démon en profite pour réapparaître, celui de ces tremblements irrépressibles que l’arrêt de l’activité physique impose au corps. Peut-être est-ce aussi à cause de l’air encore chargé de l’humidité du soir, quoi qu’il en soit, il y a bien longtemps que je ne l’avais pas ressenti. Je réfléchis quelques instants, puis trouve un endroit confiné où je peux me blottir, serré contre un distributeur de billets de tramway. L’appareil y dégage une toute petite chaleur très relative, mais c’est mieux que rien. De quoi faire arrêter les tremblements… Peut-être ! Assez vite, j’entends des voix à côté. Jean-Philippe, notre organisateur, est là en compagnie des premiers. Je n’ai pas le courage de me lever tout de suite, surtout pris dans ma transe épileptique. Je mets toute ma volonté à essayer de faire cesser ces satanés soubresauts qui se sont juste ralentis. Peine perdue. Mon vélo m’a trahi, révélant ma présence, lui d’habitude si fidèle. On n’est jamais mieux trahi que pas les siens dit-on. Sans doute, et c’est même finalement une évidence, parce que venant d’inconnus la plaie est toujours moins profonde, alors on en guérit naturellement plus vite. Alain est là, souvenir d’un vent pénible au retour du BRM 300 de Longjumeau. L’histoire se répète, cette fois nous y aurons encore droit… En pire je pense. 80km/h sont annoncés en rafale, mais il ne faut pas jouer les pessimistes.

 

File0009Samedi 16 mai, c’est parti assez vite, comme d’habitude. Je ne comprends pas bien ce besoin sur les longues distances. Autant ménager ses forces, avec le vent terrible qui nous attend. 4h du matin, le ciel noir est plombé. Il ne faudra pas compter sur la nouvelle lune, ni sur quelques étoiles pour nous éclairer. Bien avant le lever du jour, le panorama est magnifique avec les lueurs orangées des villages en contrebas. Promesse de l’aube à venir, un fin liseré très lumineux plaqué à la ligne d’horizon contraste tellement avec cette nuit d’encre, qu’il en est presque irréel. Après Vif, les groupes se dispersent, File0026la route commence à s’élever, nous sommes bien en route pour le col du Fau. Alain n’est plus en vue, je ne suis pourtant pas si rapide. À ce moment, je ne sais pas qu’un problème de dérailleur l’a forcé à faire demi-tour. Les silhouettes des montagnes se font plus noires que le ciel, leur présence fantomatique est plus devinée que réelle, le doute est encore permis. Pour l’instant tout va bien, je n’ai même pas passé mon petit plateau, situation assez inhabituelle pour moi en montée de col. Petit arrêt à la fin de la nuit, pour la photo rituelle au sommet. C’est reparti pour le col de la Croix Haute. File0054Depuis le départ nous longeons une petite voie SNCF. Elle serpente nous narguant, juchée sur ses hauts ponts de pierre aux grands jambages. Les nuages nous masquent les sommets, la montagne semble avoir été écrêtée par le rabot d’un géant. Les derniers kilomètres de la montée se passent dans la nébulosité. Avec l’air moite et la montée dans le brouillard, il semble faire bien plus chaud que les 4°C indiqués par le thermomètre. File0060Le col de la Croix Haute se présente dans le petit matin blanc. Les vaches paisibles dans leur pâturage brumeux, lui donnent un faux air de Massif Central. En redescendant, la grisaille se disperse d’un coup. Je fais une pause à Aspres / Buech, une petite centaine de kilomètres est faite. Le soleil se montre enfin, et le petit vent perçu en haut des cols se fait plus présent… dans le sens favorable, jusqu’ici ! J’en profite pour bricoler mon frein avant avec un élastique et un bout de fil de fer. Le frottement que j’entends depuis le départ, m’agace autant qu’il me freine dans les montées. Je ne sais pas pourquoi, File0129mais aujourd’hui la sacoche a décidé de venir appuyer sur le câble de frein, poussant l’étrier de travers… et rien ne peut le remettre droit ! Mon astuce diminue un peu le problème, mais il n’y aura pas de miracle, tant pis. Les ponts se font plus modestes, puis disparaissent du paysage, remplacés par les vulgaires saignées d’acier et de gravier, sur lesquelles apparemment bien peu de trains roulent. La route semble serpenter autour de la voie SNCF, à moins que ce soit le contraire, en tout cas nous traversons de nombreux passages à niveaux. La circulation est tranquille ce matin, mais le retour du beau temps attire sur la route les premiers troupeaux de motards.

File0140Après six heures de route, j’arrive au premier pointage de Laragne Montéglin. Par paresse, et aussi parce qu’il faut bien avouer que c’est rapide et très pratique, je réponds à la question secrète, et je le ferai également pour tous les autres pointages de ce brevet. Les gorges de la Méouge sont de toute beauté, le paysage change beaucoup de physionomie en quelques kilomètres, avant de finir dans une platitude déconcertante, laissant comme un goût d’inachevé. Sédéron se fait attendre dans un paysage ordinaire, puis je m’attaque à la montée du Col de Macuègne, que je connais dans d’autres sens, et où je n’étais pas encore passé en plein jour. La montée par ce versant fait entrevoir dans ses lacets ceux qui sont déjà bien plus hauts…File0191 et où je ne serai pas avant un bon moment ! La montée n’est pas si laborieuse, et un coup d’œil en arrière me permet de voir tout ce que j’ai déjà laissé en contrebas. Le verre est-il à moitié plein, ou à moitié vide… L’important n’est-il pas qu’il y ait deux moitiés à un tout, justement ! Les nuages ont totalement disparu en ce tout début d’après-midi. La chaleur monte doucement, presque déjà trop pour moi, un peu d’ombre aurait été la bienvenue. Des champs de lavande jettent comme des sortes de grands draps à rayures, ici et là, sur les flancs de la montagne. File0201C’est bientôt au tour du col de l’Homme Mort de se présenter, court et assez facile… Finalement j’en réchapperai donc ! Avec un nom pareil, je ne manque pas l’occasion de prendre une photo du sommet. Pas de victime en vue, pas un seul squelette, rien. La réputation du lieu est grandement usurpée, mais d’un autre côté, le nom du col ne date sans doute pas d’hier, et l’Homme a eu largement le temps de mourir jadis. Son histoire comme sa présence, se seront sans doute dispersées dans l’oubli… Finalement le mystère restera entier. Le vent frais rafraîchit bien le sommet, ce qui me fait le plus grand bien pour contrebalancer le soleil de ce samedi après-midi. Dans la descente, le souffle ne rend pas le vélo bien stable. Sur une portion de bitume neuf, une moto a glissé sans dommage apparent… méfiance donc ! Ferrassières, Sault, des noms familiers qui me confirment que nous sommes dans les environs du Ventoux. À Sault, je me perds un peu en pensant trouver la D943 avant la sortie de village, et comme je ne vois qu’un panneau Apt par les gorges de la Nesque, j’en conclus que la bonne direction doit se trouver ailleurs, alors je repasse par le centre-ville… sans rien trouver. Après ce petit détour, je reprends la direction qui était la bonne… à condition de continuer un peu plus loin. En approchant de Saint Hubert, le saupoudrage minéral blafard des crêtes, identifie sans équivoque le Mont Ventoux trônant sur sa montagne chauve.

Deuxième pointage dans le hameau de Saint Hubert, je réponds à la question secrète, puis m’attarde sur un robinet qui se trouve là, sur le mur du bâtiment, surmonté d’un écriteau « eau potable ». En regardant par la meurtrière permettant le passage du tuyau, on le dirait branché sur le réseau de distribution, étrange. C’est idiot, mais j’hésite à me servir, mais d’un autre côté, si ce n’était pas fait pour, il n’y aurait rien d’écrit… En tout cas rien de positif ! Personne en vue à qui demander, mes bidons sont quasiment vides… alors je prends la présence de l’écriteau comme une invitation à me servir… File0223En tout cas sa présence est la bienvenue, quelle merveilleuse attention ! Le vent est maintenant contraire, il va bientôt devenir infernal, il faudra bien faire avec. En repartant, le col Faraud et celui d’Unang passent totalement inaperçus dans la descente. Comme ils n’ont pas de panneau, d’un autre côté, comment les remarquer ? À Mazan le vent se renforce, me confirmant que le retour ne sera pas forcément une partie de plaisir, alors que je ne suis même pas à mi-parcours ! La traversée jusqu’à Aubignan, pour contourner Carpentras, n’est pas si compliquée à trouver même si j’ai quelques moments d’hésitation. La carte de Jean-Philippe, détaillant cette douzaine de kilomètres m’aide à lever les doutes, et en fin de compte tout va bien. Le vent se fait maintenant impitoyable, vraiment. Les rafales se font bourrasques, des comme je n’en vois quasiment jamais dans ma région parisienne, des vraies quoi ! Je commence à comprendre que la météo a vu juste, les 80km/h de souffle doivent vraiment être là, et je comprends que remonter sur Grenoble ne sera pas une mince affaire du tout ! Je revois mon avancée à la baisse, mon moral aussi. Je ne cherche plus vraiment à rouler, File0236mais juste à avancer droit, et avec les rafales me poussant parfois au milieu de la route, le guidon pourtant braqué à droite, tenir la verticale n’a rien de simple ! De Sainte Cécile les Vignes à Bourg Saint Andéol, la route m’est familière. Je l’ai empruntée de nuit dans l’autre sens, il y a quelques semaines avec mon équipe de la Flèche Vélocio… mais sans le vent, et ça change tout ! En fin d’après-midi, pour faire une pause et avant de ne plus rien trouver d’ouvert, je m’arrête à la supérette de Suze la Rousse pour me ravitailler. Toujours en terrain connu, j’arrive à Bourg Saint Andéol pour pointer.

La moitié du parcours est faite, mais le vent use bien l’organisme. Je n’ai que deux heures d’avance sur l’horaire de fermeture du contrôle, pas terrible, et pas moyen de gagner du temps avec ce souffle qui me plaque à la route, comme un enfant joueur souffle sur une fourmi. File0243La sortie de la ville se mérite par une longue montée. Dans le soir, les nuages jouent les soucoupes volantes. À l’heure de l’apéritif, il suffirait de quelques verres pour y croire vraiment ! En approchant de Vallon Pont d’Arc, je passe devant l’entrée de « La Caverne », la fameuse réplique de la Grotte Chauvet qui vient d’être inaugurée. Dans le soir, le portail m’apparaît austère, laid et froid. J’espère qu’il est plus engageant aux heures d’ouverture ! La nuit va bientôt s’installer, les cimes se fondent peu à peu dans l’obscurité. Je passe par Aubenas, pas forcément par le chemin le plus court. Je m’arrête un instant face aux remparts, pour contempler la ville s’étalant en contrebas. Elle m’offre le spectacle immobile d’une illumination dans les tons orangés. Le vent est toujours présent, atténué momentanément par les murs de la cité. À Entraigues / Volane, je m’arrête avant d’affronter le col de Mézilhac. Je fais un brin de toilette aux W.C publics en sortie du village, dos à la route. File0268Au cœur de la nuit, je peux regraisser le cuissard tranquillement, et même monter mes fesses à la falaise d’en face ! La température reste agréable avec ses 16°C. L’ascension du col est longue face au vent. Une légère bruine se met à tomber. Au sommet, c’est presque la tempête. Le vélo tient à peine debout, moi aussi. Je tiens fermement mon carton de pointage pour répondre à la question secrète… il ne faudrait pas qu’il s’envole, car je ne risquerais pas de le rattraper !

File0272Au sommet du col de Mézilhac, le souffle est vraiment fort, et si je me tiens face au vent j’ai même de la peine à respirer ! La pluie fine semble se faire plus grasse, à la limite de la neige fondue. Dans l’obscurité, tous les démons peuvent ressurgir, surtout dans cette atmosphère de fin du monde, alors je ne m’attarde pas. Je m’attends à chaque instant à voir des branches tomber, mais seuls des cailloux colonisent la route.File0283 Il n’y en a pas énormément, mais il en suffit d’un pour finir à terre ! À cause du souffle terrible, j’aborde la descente prudemment. De toute façon, dans l’obscurité et à cause des lacets, je ne risque pas de prendre beaucoup de vitesse. Ce n’est toujours pas maintenant que je regagnerai du temps sur le délai imposé. Deux chevreuils sont piégés dans la lumière de mes torches, ils restent dans le bas-côté. File0288Après une longue descente, j’arrive sans problème à Le Cheylard. La pluie a retrouvé son état habituel, liquide, c’est déjà ça. La montée régulière vers St Agrève m’empêche de somnoler. Je fais un arrêt au sommet du col de Clavière. La photo est triste au petit jour sous le crachin. Le début de matinée est bien morne. Saint Bonnet le Froid porte bien son nom, et confirme son statut par une approche dans le brouillard. Il faut toujours faire attention à sa réputation !

File0292Après avoir pointé, je repars pour les deux derniers petits cols du parcours. Il ne fait pas bien chaud ce matin, pourtant au loin, une toute petite langue de ciel bleu sur l’horizon semble vouloir repousser les nuages. Sera-t-elle suivie par d’autres ? Le col des Baraques n’est qu’une formalité, il se présente juste à la sortie du village. File0295Le ciel désespérément triste, laisse maintenant entrevoir plus nettement le lambeau de ciel clair qui s’agrandit. Je m’arrête pour faire le plein des bidons à la fontaine, à l’approche du col de Rouvey, dont la montée est facile. La brume commence à s’effilocher, puis le brouillard disparaît en un instant. File0301La pluie s’est aussi arrêtée, mais l’atmosphère est toujours chargée d’humidité. Dans Saint Vallier je m’égare un peu. La chaleur commence à monter. Je ne trouve pas le chemin de Saint Uze… alors je fais deux fois le tour du centre-ville ! Le pointage de Châteauneuf de Galaure n’est plus très loin.

Le vent commence à s’essouffler un peu. Il reste 80km, le ciel s’est dégagé et le soleil est revenu, que demander de plus ?File0316 Après Hauterives je me fais rattraper par un groupe. Je profite de cette occasion pour enfin me mettre un peu à l’abri du vent en les suivant. Ils m’amèneront jusqu’à Roybon où je continuerai seul pour affronter une dernière belle grimpette, qui finalement se montera sans trop de peine, avant de basculer dans la descente vers Varacieux pour le dernier pointage.

File0319Avant Vinay, je suis rattrapé par le petit groupe que j’avais suivi d’Hauterives à Roybon. Je les suivrai jusqu’aux berges de l’Isère. Il me reste du temps, mon train n’est pas pour tout de suite, alors je ralentis un peu. La piste cyclable est monotone. Après ces deux nuits blanches, je manque de m’assoupir. Contrairement à ma piste du canal de l’Ourcq (une des plus fréquentée de France) celle-ci est propre, des petits plaisantins n’y éclatent apparemment pas au sol des bouteilles de bière, ni ne répandent des seaux de peinture, File0324les piétons n’y occupent pas toute la largeur, en traînant éventuellement plusieurs poussettes de front en n’ayant que faire des cyclistes… Bref, les gens semblent plus civilisés par ici… Grenoble se fait longuement attendre, puis j’aperçois enfin le pont haubané, que j’étais parti voir en repérage à minuit le samedi, à mon arrivée en ville. Impossible de se perdre, rejoindre l’arrivée en  milieu d’après-midi n’est alors plus qu’une simple formalité.

Pour en savoir plus :
le parcours ICI
les liens Openrunner ICI
et LA
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