Les Flèches de France « vintage » : Le Havre – Paris

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Le cycle des Flèches de France « vintage »,
épisode 3.

 

le vélo pour revenir du Havre :Belfo (1975)
nombre de vitesses :1 x 3
développement maximum :5,80m (46/16)
développement minimum :3,90m (46/24)
poids du vélo :14,8kg
dénivelé du parcours :700m/100km

 

Cet hiver ne ressemble définitivement à rien, les températures font le grand écart d’un jour à l’autre. Le mois de février, capricieux par nature, ne fait pas exception. Il a fait beau la veille, et la météo promet une journée glaciale et brumeuse pour cette sortie. Alors quoi ? Bah, un coup de train et c’est parti !

Avec la nuit installée depuis de longues heures, la température déjà pas bien haute est bien retombée. Allez, en route. Pas très loin de minuit, je prends le départ de cette Flèche ; circulation urbaine amorphe, horaire idéal pour rouler au calme, tout va bien à part le froid ! Fuir une ville tentaculaire comme Le Havre prend du temps. Ce que j’avais déjà ressenti en essayant ce vélo Belfo se confirme très vite : les vitesses sont trop longues, alors je mouline sur le plat. Difficile de faire ce qu’on veut avec seulement trois vitesses, au moins les jambes ne se refroidiront cette nuit ! Après Gonfreville-L’Orcher, la blancheur des falaises de craie se détache de l’obscurité dense. Elles m’accompagneront un long moment, comme au loin sur l’autre rive, se relaieront les lumières des différents complexes industriels. Très vite, comme promis par les oracles de la météo, le brouillard se lève par endroits en poches compactes. La brume flotte fantomatique au raz de la route, puis se verticalise pour contaminer peu à peu tout l’espace. Longer ou s’écarter de l’humidité de la Seine n’y change rien. Ma respiration dégage des volutes épaisses, mais le brouillard est plus efficace que mon souffle dans ce petit concours de buée entre nous. Je progresse sur les grands bouts droits et plats. Le vélo roule bien, compagnon silencieux, docile. Le pont de Tancarville camouflé dans les ténèbres lance son impressionnant chemin de lumière au-dessus du village. La seule bosse jusqu’au pont de Brotonne – pour enfin traverser la Seine – est justement la montée du pont de… Brotonne ! En m’éloignant des rives du fleuve, la brume se condense en forêt. La nuit sans lune est d’encre et de lait, de noirceur et de brume ; d’une densité presque palpable, extrêmement opaque dans tous les cas. Le profil de la route reste calme, et il y aura juste quelques douces côtes pour arriver à Bourg-Achard au cœur de la nuit. Je dépose ma carte postale de pointage et c’est reparti sans tarder. Il ne faudrait pas rajouter de l’hostilité à la situation, en gelant bêtement sur place !

La brume atteint vite son maximum, je n’y vois qu’à quelques mètres. Les routes alternent entre présence de signalisations horizontales ou non. En absence de lignes blanches, mon avancée devient incertaine, parfois périlleuse. Déchiffrer cet univers qui s’ouvre progressivement avec tellement d’avarice opaline demande une attention continue qui devient fatigante. Il y a une certaine forme d’hostilité dans cette nuit, glaciale pas seulement dans l’esprit. Le givre se dépose partout : sacoche, vêtements, phares, lunettes, et devient une véritable couche de glace. J’en détache, incrédule, un morceau semblable à une pellicule de verre pétrifiant le garde-boue. Le profil de la route est toujours aussi calme avec juste quelques petites bosses insignifiantes. Dans le brouillard toujours tenace, j’ai du mal à déchiffrer la route dans la petite descente tortueuse m’amenant à Louviers. Prudence. Mes patins de frein, trop tendres à cause de l’humidité ambiante et du contact avec l’acier granité des jantes – et d’un peu de rouille résiduelle aussi – fondent comme du beurre. Il va falloir anticiper et les économiser jusqu’à Maisons-Laffitte. La ville apporte un petit répit, l’urbanisation et l’éclairage public faisant provisoirement reculer la brume au cœur des ténèbres. Sur le chemin de St-Pierre-de-Vauvray, je m’égare complètement alors que je n’ai même pas tourné en rond dans le centre-ville de Louviers. Retrouver la route des Andelys n’est pas si simple, mais j’y arrive en fin de nuit. Je pointe en sortie de ville avec un café pour me réchauffer, tandis que défilant devant mes yeux, la couche de glace s’égoutte lentement de mon casque.

En repartant le jour revient lentement, toujours obstinément laiteux et glacial. Le profil du parcours est encore tranquille, puis je suis surpris par le raidillon après la sortie de Gommecourt. La côte m’accueille en guise d’entrée dans le Val-d’Oise, drôle de signe de bienvenue pour mon retour en région parisienne ! Le château de La Roche-Guyon apparaît délavé, pris dans des écharpes brumeuses. Vétheuil semble complètement endormi en début de matinée, puis en traversant Vienne-en-Arthies, j’affronte une longue montée qui se prolonge bien après la sortie du village. Une troisième bosse, en toute fin d’étape, s’étire pour traverser Meulan et arriver au quartier paradis, où j’arrive pour pointer en fin de matinée sous un soleil laiteux.

Je repars pour la dernière étape, la brume enfin totalement dissipée… mais peut-être ne s’était-elle pas aventurée bien loin en région parisienne ? La route est toujours aussi facile, malgré quelques faux plats. D’autant plus facile que je passe par la montée de Chanteloup-les-Vignes – Site de l’âge d’or du cyclotourisme avec sa côte de la mythique Polymultipliée – dans le sens de la descente… Tout de même un peu crispé à cause de mes patins de frein à l’agonie, après une nuit passée à corriger les directions hasardeuses prises dans la purée de pois ! Le contrôle final de Maisons-Laffitte n’est plus très loin, après la traversée de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, et j’arrive dans la circulation se densifiant en début d’après-midi. Voilà, c’est fait.

En résumé, un parcours tout plat malgré quelques bosses insignifiantes et de rares montées plus pentues. Le vélo utilitaire Belfo de près de 15kg s’en est très bien tiré malgré ses trois vitesses, et au contraire, j’ai souvent eu davantage l’impression de mouliner dans le vide qu’écraser les pédales en étant à la peine. Seule la météo aurait pu être meilleure !

 

Voir ICI pour la Flèche réalisée (en doublé) dans l’autre sens avec un vélo moderne.

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