Le BRM 400 km de Longjumeau – 14 mai 2011

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Le tracé de ce brevet est identique à celui proposé en 2010, je connais donc bien le parcours. Pour ce week-end, aucun brevet de 400 ne me tente vraiment, alors refaire celui de Longjumeau serait peut-être une bonne idée, mais il est désespérément plat et traverse des régions où il n’y a pas grand-chose à voir point de vue paysages. Bref pas beaucoup d’intérêt… À moins que ! Pour pimenter la chose et échapper un peu à la monotonie, pourquoi ne pas le réaliser… En pignon fixe ? Comme seuls les 45 premiers kilomètres et à peu près autant des derniers sont vallonnés, pour un dénivelé très raisonnable de 1800m au total, l’idée me semble bien tentante. Par contre, avoir à pédaler constamment jour et nuit sur 400km, sans jamais interrompre le mouvement quoi qu’il arrive, sur le plat comme en montée et surtout en descente, avec pour seule roue libre, pour seul instant de récupération, l’arrêt en fait, tient certainement un peu de la folie… Surtout sans l’avoir jamais essayé sur une distance pareille. Personne ne veut évidemment me suivre dans mon délire, qu’à cela ne tienne… Je suis têtu, et ce qui est dit est dit ! J’accroche la sacoche avant sur le vélo, une petite à l’arrière pour l’outillage de bord, et voilà le « fixie » transformé en randonneuse pour l’occasion. J’improvise la fixation de l’éclairage sur le casque, deux torches en plus de la frontale habituelle. J’ai l’air un peu couillon, mais je suis prêt à tracer la route… À un détail près, un peu merdique, mais il faudra faire avec : la selle n’est pas en cuir, alors ça ne va sûrement pas être la joie du côté fessier ! Tant pis, le cyclisme de grande distance demande parfois un minimum d’inconscience et de pugnacité, non ?

 

Samedi 14 mai 2011, début d’après-midi. Une fois arrivé à Longjumeau, le pignon fixe fait son effet en attendant le départ. Beaucoup de curiosité… Mais personne ne voudrait prendre ma place ! À force, ils arrivent à me foutre le trac. Après une attente mi-sereine mi-fébrile, je pars dans les premiers, ainsi j’aurai plus longtemps du monde à suivre. Les autres participants auront bien le temps de me doubler ; largement. Avec mon petit développement de 34/14 je dois être en mesure de grimper, difficilement tout de même, une côte à 12 %… mais avec, revers de la médaille, une vitesse de pointe limitée sur le plat, et aussi en descente où j’atteins au maximum les 40km/h, les genoux tricotant comme des damnés. C’est parti donc, tranquillement avec la première vague. Comme tout du long sur ce brevet, je n’arriverai à suivre aucun groupe plus de quelques secondes ou minutes, tant le rythme du pignon fixe est particulier. Tant pis, je poursuis mon chemin en solitaire, j’en ai l’habitude et cela ne me dérange pas le moins du monde. Les premières montées sont énergiques, en danseuse dans les moindres faux plats. Les descentes sont encore timides – c’est impressionnant des guiboles qui doivent tourner à près de 180 tr/min, et il ne s’agirait pas de se casser la gueule dès le départ ! – mais cela va de mieux en mieux, progressivement. Les premières dizaines de kilomètres vallonnées réveillent des muscles peu sollicités en vélo classique. J’en viens à maudire mon projet, ma stupidité. Heureusement par la suite, quand le profil du terrain se sera fait raboter, j’aurai le temps de récupérer sur le plat. Courage, tout va bientôt rentrer dans l’ordre… J’espère. Bientôt, le vent favorable m’aide à filer à une relative bonne allure. Cette aide inattendue est la bienvenue. L’après-midi fait de même, file aussi à bonne allure, et je m’arrête à la boulangerie de Boisville-la-Saint-Père pour me ravitailler avant l’heure de fermeture des commerces. De quoi boucher un petit creux au bout de 70 bornes, et c’est reparti. Sur la route de Voves, l’arrosage complètement déréglé d’un champ asperge généreusement la route, et moi avec au passage ! Je sécherai vite mais l’eau est plutôt froide. La plaine agricole défile, puis voilà le pointage de Logron. Coup de tampon à l’auberge, et aussi un peu de bouffe. Le pignon fixe, ça creuse !

Je mange tranquillement mon sandwich sur le vélo en repartant. Les jambes tournent sans problème, sans s’arrêter. Le jour est déjà sur le déclin. Le majestueux château de Chateaudun est à deux pas, massif, puis les teintes du paysage virent au gris après avoir incendié l’horizon de jaune et de rose. J’attaque une des parties les plus monotones du brevet, sans doute la plus ingrate, la plus lassante : 57km de lignes droites et plates – qui n’apportent ni une grande accroche au regard, ni aux pensées – pour rejoindre Blois au clair de lune par la D924. L’habitude s’installe, le côté assez angoissant du manque de roue libre n’est pas si gênant que ça… À condition de ne jamais oublier de pédaler, jamais ; le moindre instant de relâchement vous est rappelé dans les jambes ! La température baisse pour atteindre les 5°C. Blois est endormie, j’y passe plus tard que l’année dernière. Il faut pointer quand même.

Sortir de la ville ne s’avère pas trop difficile. Puis le bourg disparaît, et avec lui ses lumières rassurantes. L’air se fait glacial. Je traverse bois et forêts bordés d’étangs. Un brouillard épais fait son apparition de temps en temps. Dans cet environnement humide, la température baisse encore pour atteindre 1 ou 2°C seulement. La moitié du chemin est faite. Déjà… ou enfin ! Pas à cause de la distance, ça va. Mais la selle commence à me faire maintenant atrocement souffrir. Je le savais. J’aurai dû en monter une en cuir. La flemme de le faire pour l’occasion, et voilà ! Pas évident de se replacer sur la selle, de recentrer le cuissard sans s’arrêter de pédaler, en pignon fixe. Le seul moyen de se soulager un peu est de se mettre en danseuse. Les cuisses ou les fesses, il faut choisir ! J’arrive à Vannes sur Cosson complètement gelé à cause de mon cuissard court. Pour ça aussi j’ai eu la flemme : toujours voyager léger ! Je suis pris de tremblements terribles et irrépressibles.

Fin de nuit. Je me concentre pour griffonner une carte postale à moitié illisible. La main a la tremblote, comme le reste du bonhomme ; le stylo est gelé, lui aussi. Et hop, glissée dans la boîte aux lettres. Le pointage, c’est fait. Au tour des bidons, remplis au point d’eau juste à côté. Ne pas traîner, repartir pour essayer de se réchauffer. Le jour fini par se lever. La température peine à remonter. La pression de la selle sur les ischions se fait de plus en plus terrible, jusqu’à devenir vraiment insupportable. Le plus atroce est en descente… Moment où je ne peux naturellement pas me soulager un peu en danseuse, où je ne peux pas non plus laisser le vélo filer tout droit, tout seul, où je ne peux pas me laisser envahir par ce bruit suraigu, ce bruit de crécelle si familier de roue libre qui me manque terriblement ce matin ! Au lieu de ça les jambes tricotent, puis j’arrive à Bazoches-les-Gallerandes.

Ce que l’arrêt me fait du bien ! Je pointe et me réchauffe au bistro. Un grand café et c’est reparti. Le vent de face se fait de plus en plus présent, monte jusqu’à devenir franchement pénible. Il faut constamment que je relance le vélo en danseuse. Moi qui voulais m’éviter le contact de la selle, me voilà servi ! L’exercice est éprouvant. J’arrive laborieusement – et avec un putain de soulagement – au dernier contrôle de Authon-la-Plaine pour y prendre encore un grand café.

La température devient supportable mais le ciel se couvre. Menaçant mais sec, pas grave. Je repars pour la dernière étape, en même temps qu’un troupeau de motards quittant le café à grands bruits pétaradants. Le vent a énormément faibli, on pourrait le croire emporté par les motos. Allez, il reste une cinquantaine de kilomètres. Dernière étape, il faut finir. La route reprend du relief. La fin de ce brevet sera ponctué de belles côtes prises en force, debout sur les pédales, en « enfonçant des clous ». Entre-temps, entre deux bosses, j’ai toutes les difficultés du monde à tenir en selle, un vrai supplice. Davantage que sur tout autre vélo, en pignon fixe il faut bien soigner son assise, mais ce n’est pas une surprise, avant de partir je savais que j’allais avoir mal : pas de salut pour moi sans une bonne selle en cuir. La tête plus têtue que le cul, je finis par rejoindre Longjumeau largement dans les temps… et non pas le dernier comme je le pensais en partant avec ce type de monture. Une trentaine de cyclos sont encore derrière moi ; Vraiment ? Qu’est-ce qu’ils ont fichu ?

 

Finalement, mon premier brevet en pignon fixe aura été une belle et originale sortie… En mettant de côté cette selle abominable ! Mais ne vous y trompez pas, ce BRM qui m’avait paru facile et réalisé en moins de temps l’année dernière, m’aura demandé plus d’efforts – et de temps – cette année ; et puis, sur un brevet avec davantage de dénivelé, ça aurait sans doute été différent…

 

Pour en savoir plus  :
le parcours ICI
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