Le BRM 1000 km de Kingersheim : la TriRhena – 15 août 2018

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La TriRhéna, comment vous dire ? C’est un peu le 1000 du Sud… de l’Est ! Un brevet de 1000km montagnard, sans franchement de haute montagne, mais sans franchement avoir à rougir du dénivelé. En plus c’est une belle balade internationale entre France, Suisse et Allemagne ; et quand on sait déjà tous les soucis d’organisation d’un brevet de cette distance rien qu’en France, on peut se dire que ceux qui nous accueillent ne sont pas des rigolos ! Ils sont même au top. J’avais failli participer à cette épreuve en 2014, sauf que vous me connaissez, il y a parfois des petits grains de sable qui viennent se glisser dans mon quotidien de poissard… et paf, tendinite de dernière minute.

Cette année, tout va bien, et après mon petit crapahutage autour du Dauphiné pour les BCN-BPF avec 1100km et 18500m de dénivelé, je sens que ça va le faire… Ou pas, mais j’anticipe. Revenons à nos moutons. L’originalité de ce brevet est qu’il est décomposé en 4 portions, à choisir à chaque fois entre LIGHT (ça grimpe bien) et MAX (ça grimpe peut-être trop), sans avoir à le faire de manière figée à l’avance. Et franchement – parce que nous sommes entre nous – rien que ça c’est un souffle de modernité incroyable dans les petits papiers poussiéreux de l’ACP (Audax Club Parisien) qui chapeaute ce brevet comme tous les BRM. La seule critique est que toutes les combinaisons de parcours ne sont pas possibles pour l’homologation. J’ai fait le calcul, le dénivelé y est, mais il manque une toute petite poignée de kilomètres. Franchement, 4 ou 7 kilomètres en moins sur un 1000 qu’est-ce que ça peut faire, surtout avec un bon p’tit dénivelé en rabiot, est-ce que ça ne compenserait pas ? Bon OK, la modernité a ses limites ; ne bousculons pas trop les dinosaures ! Bref, dommage que les 16 possibilités n’étaient pas accessibles pour jongler en toute liberté entre LIGHT et MAX. Moralité de tout ça, il faut tout de même bien penser en amont à ses choix de difficultés ; c’est sans doute une évidence, mais c’est stratégique. Attaquer par du MAX tant que le bonhomme est frais puis « se la couler douce » sur du LIGHT sans avoir à rougir du dénivelé ? Rester en MAX tant que la forme et les délais se tiennent ? Commencer par du LIGHT pour garder des forces et du temps, puis basculer sur du MAX en ayant réussi à engranger du délai ou rien que pour finir avec panache ? Faire tout en LIGHT parce que c’est déjà bien, non mais ! Faire tout en MAX, parce que… vous grimpez beaucoup mieux que moi (et oui, hélas) ?

Donc en résumé : avec ma lenteur dans les cols je pars en LIGHT, pour voir ; en espérant finir en MAX… si j’arrive à emmagasiner suffisamment d’avance. Bon, stop aux bavardages : vélo (à peine révisé – pas eu le temps – j’ai honte), housse (à peine assez grande pour l’œil torve du contrôleur), train (toujours trop long), hôtel (en se paumant un peu), réveil (un peu nébuleux). Après un p’tit déj qui rassasierait un ogre, car au CCK – le club organisateur – on ne plaisante pas avec la bouffe, je suis au départ de la troisième vague, celle de 7h10. Le groupe est régulé au départ jusqu’à l’entrée de la piste cyclable, puis la grande aventure peut commencer. Tout est plat et à l’ombre ; tranquille. Dis, quand est-ce qu’on monte ? Petit à petit, le groupe se disperse et nous continuons à quelques-uns. Une petite déviation oblige à prendre un passage de terre et de caillasses, mais rien de bien méchant (rien à voir avec mon calvaire autour de l’abbaye de Boscodon il y a une quinzaine de jours). À la sortie de Froidefontaine, nous rencontrons quand même une première petite bosse, histoire de ne pas perdre de vue la raison pour laquelle nous pédalons. Premier pointage photo devant le bureau de Poste de Grandvillards. Sans doute ses murs n’ont-ils jamais été tant photographiés !

En repartant, la route se vallonne petit à petit ; peinard. Première entrée en Suisse à Beurnevésin. Coucou les douaniers… Oh bah mince, personne ! Et un p’tit passage vite fait en France, ici aussi la douane semble furtive, et toc, nouvelle entrée en Suisse… quand je serai grand je veux être douanier ! Toujours personne, ou alors ils se surpassent dans l’art du camouflage, car je ne verrai aucun képi de tout le brevet. Ici, c’est idiot à dire, mais l’espace helvète semble plus libre, plus dégagé (Jean-Claude Van Damme sort de ce corps !) Je n’arrive pas à mieux l’exprimer, mais j’ai la sensation de rouler sereinement, puis la bosse d’Asuel me surprend… Et se prolonge par une belle montée répondant au doux nom de La Malcote ! La première, mais il y  aura beaucoup mieux ; patience. Suit une belle descente jusqu’à Saint-Ursanne. Moi qui n’aime pas trop les pavés, ceux du centre-ville ne sont même pas désagréables. C’est pas croyable, ils font tout en mieux ces Suisses ! Ensuite je pense devoir remonter la belle cuvette du village, mais non, la route se montre plate et roulante et je sers de poisson pilote à un américain de Brest, moi ; avec ma carte Michelin, qui pour l’instant fonctionne assez bien, contrairement à son GPS capricieux. Retour en France à Brémoncourt, petit passage à Glère (miam !) ; et hop, nous arrivons au pointage suivant de Vaufrey. J’en profite pour faire une pause plein des bidons / sandwich au pied de la jolie fontaine de pierre.

Je repars seul. Le début d’après-midi frôle les 30°C mais la température reste agréable avec un petit vent, et surtout de très nombreux passages à l’ombre ; et rien que ça – après avoir littéralement cuit dans les Alpes – c’est bien. À Pont-Neuf, le petit groupe qui m’avait rattrapé peu de temps avant est en pause photo / pipi. Ils continuent sur le parcours MAX. Comme je suis le tracé du LIGHT, ce contrôle ne me concerne pas, alors je suis ma route. Elle s’élève tranquillement dans la forêt en tournant après Gigot, et jusqu’au pointage d’Orchamps-Vennes. Encore beaucoup d’ombre, sauf dans la dernière poignée de kilomètres de cette étape.

Après un début de parcours assez tranquille, il ne faut pas perdre de vue que ce brevet est fait pour grimper ; et ce coup-ci ça monte bien dès le début de l’étape, pour ensuite redevenir vallonné. À cause de la chaleur mes bidons sont vite vides, et la fontaine des Fournets me fournit une eau… non potable. Bon, après, il y a théorie et pratique. Son flot est cristallin, sans d’odeur, elle n’a pas l’air de provenir d’un circuit fermé, son goût n’est pas inquiétant. Quitte à choisir, je préfère prendre le risque hypothétique de la gastro que celui plus certain de la déshydratation ! Le nez de côte des Cerneux dispose de son petit panneau d’altitude ; il ne faut rien exagérer, la montée n’est pas si terrible pour le mériter… Mais donne l’occasion d’une courte pause. En passant par Narbief, un troupeau de vaches se décide à traverser la route, seules, semblant vouloir regagner la ferme d’en face. Je ne sais pas si c’est l’heure de la traite, mais j’arrive à passer juste avant les bestioles. Au Russey je passe devant l’école des Gentianes, le panneau me fait sourire. Peut-être doit-elle son nom en l’honneur du souvenir d’une certaine amertume ! Je fais l’appoint des bidons à Fournet-Blancheroche, en eau potable cette fois, et suis accueilli par une belle descente jusqu’à la douane… toujours fantôme, pour une nouvelle entrée en Suisse. Je ne remarque pas la route insignifiante à gauche et me voilà lancé en direction de La-Chaux-de-Fond… Avant de comprendre mon erreur 4km plus tard, à force de voir revenir souvent ce nom dans le paysage ! Bon, d’accord, des fois je suis un peu long à comprendre, mais au moins je n’aurai pas tout perdu : le spectacle des gorges est magnifique. Voilà, voilà ; il n’y a plus qu’à faire demi-tour, se laisser glisser dans la descente et regrimper en face, dans une montée deux fois plus raide répondant au nom sympathique de sentier des cochons – parce que sur ce coup-là, le cochon c’est moi – pas bien large, où un vélo et une voiture ont déjà du mal à se croiser. L’état des routes suisses est souvent un fantasme côté français, et jusqu’ici rien à redire, mais sur cet étroit raidillon on navigue quand même entre quelques trous et de gros raccords d’asphalte bâclés. Même si la place n’est pas franchement au rendez-vous pour se croiser, la courtoisie helvétique fait des merveilles pour ne pas vous envoyer dans le ravin. Un sourire et un petit signe de la main s’imposent pour remercier de cette délicate attention, là ou un automobiliste bien de chez nous n’hésiterait pas à vous balancer dans le fossé. En montant, je rencontre des panneaux de « Bovi-stop ». Tout a la priorité ici, que le piéton ait deux ou quatre pattes ! Dans la montée quelques replats sont les bienvenus. Le bruit des cloches des vaches devient entêtant. La grimpette s’arrête – enfin – à Les Bois où la route redevient vallonnée. À l’entrée des Breuleux, des vaches broutent sans se soucier de l’abattoir de gros attenant au pré. Ne se rendent-elles pas compte du manège des camions ? Même si je ne suis pas végétarien, j’ai une petite sensation de malaise. Dans le bourg, un Jésus sur sa croix attend à l’abri de sa caisse en bois comme un soldat dans sa guérite ; et contrairement aux douaniers, lui au moins, il est fidèle au poste. Encore un tout petit bout de chemin et j’arrive au premier ravitaillement du CCK. Un quart du boulot est fait, et une bonne p’tite soupe remplit le bonhomme avant de se remettre en route. Mais bon, c’est aussi le problème : on est tellement gâtée sur ce brevet qu’on a un peu de mal à repartir !

Je remets ça avec mon américain de Brest et un troisième. Le début d’étape est vallonné, avec une montée de Soyhières à Movelier. Tandis que la nuit s’est installée, nous sommes accueillis par une belle bosse pour retourner en France. Nous atteignons Folgensbourg et je n’ai pas envie de dormir. De toute façon il ne faut pas. Pas le temps. Pas grave. Comme j’ai l’habitude des nuits blanches – même si en ce moment j’ai du sommeil à rattraper – je continue seul pendant que mes deux compagnons vont se trouver un coin pour un petit somme. La route redevient plate. Je fais un arrêt toilette, plein des bidons et graissage du cuissard au cimetière de Sierentz. Mon chemin se poursuit tranquille dans la nuit, et Fessenheim apparaît à l’aube au terme de longs bouts droits hypnotiques où j’arrive à garder les deux yeux ouverts. Vu de ma banlieue parisienne, le site est surtout synonyme de plus vieille centrale nucléaire de France avec ses multiples incidents. Je ne m’imaginais pas qu’il y ait une deuxième centrale électrique, plus douce, et plus vieille de vingt ans encore. Le ronronnement des générateurs et le bruit des vagues du barrage sont apaisants… le temps de s’arrêter pour la photo de pointage, mais il ne faut pas traîner. Sur ce genre de brevet le temps s’écoule plus vite que je ne roule !

Je traverse la frontière. Les pistes cyclables sont compliquées en Allemagne. En fait, je verrai plus tard que beaucoup de choses sont compliquées par ici… En attendant, j’y suis pour la journée : de l’aube à la fin d’après-midi. Dans le paysage apparaissent de nombreux vignobles. Le terrain est modérément vallonné, mais l’étape est laborieuse en raison de mes nombreux problèmes d’orientation… Pas assez de détails pour les « dinosaures » qui naviguent encore à la bonne vieille carte routière en papier. Je me perds beaucoup sur les routes allemandes, là où en Suisse je n’ai pas eu de problème, même si les routes Helvètes ne sont apparemment pas numérotées. Les cinq heures d’avance que j’avais engrangées depuis le départ se réduisent de plus en plus. Ça m’énerve d’autant plus que les jambes vont bien. Puis le profil s’élève. La montée jusqu’à Kropback est difficile, surtout sous le soleil. Le pointage du restaurant du Haldenhof n’est plus très loin et un groupe de marcheurs – pas trop matinal – sort du bâtiment pendant que je prends ma photo… Et même si je ne comprends pas un mot d’allemand, je suis quitte pour immortaliser leur départ en excursion !

En repartant, la route offre un – trop – court répit de quelques kilomètres jusqu’à Neuenweg, puis remonte de plus belle avant de pouvoir redescendre vers Schonau. Et évidemment je m’y perds, dans Schonau ; une fois de plus ! Je fais le patelin dans toute sa longueur, dans les deux sens, alors qu’il fallait juste suivre la direction de Tunau, mais il fallait aussi le savoir… Dès le chemin trouvé, la route se cabre. Sur ce brevet, c’est plutôt bon signe ! À la bifurcation de Tunau-das-Schonaud, la longue montée se fait à l’ombre ; ouf, ça fait du bien. Au sommet, m’attend un très agréable ravitaillement prétexte à contrôle surprise, prétexte à bouffer surtout ; et ça aussi ça fait du bien ! Rien à redire, une organisation aux petits soins et toujours au top… sauf peut-être avec un road-book très léger par endroits pour les derniers puristes de la carte routière, dont hélas je suis. Mais bon, je me répète !

En repartant, la route redescend jusqu’à Saint-Blasien, avec quelques petits talus pour faciliter la digestion. Rien de méchant. La remontée est raisonnable, suivie d’une descente après Dorf. À Todnau les choses changent. L’ascension me semble pénible en raison d’un soleil cuisant et d’une circulation dense, formée d’automobilistes largement aussi agressifs qu’en France. Avec la fureur des moteurs que les crétins font gueuler en me rasant, cela à un petit goût d’enfer, un goût de déjà-vu. Après la bifurcation sur la L124, la route devient plus calme pour arriver au contrôle de Schauinsland, mais j’ai encore le bruit des bagnoles plein les oreilles. Cette partie a été pour moi la plus désagréable du brevet ; franchement. Arrivé en haut, ça parle fort. Il y a du monde ce milieu d’après-midi. Je prends la photo remontant de l’autre côté du petit train pour ne pas m’incruster dans le troupeau de bikers stationné devant. La chaleur est accablante et je n’ai plus rien à boire depuis un moment. Il me reste juste à repartir… à sec.

Une quinzaine de kilomètres plus tard, en fin de la longue descente, je trouverai enfin de l’eau dans les WC publics de Munstertal. Comme quoi, pour une fois les bouchons ont du bon, je les ai aperçus par hasard grâce aux travaux routiers me forçant à ralentir ! Puis je m’égare de nouveau dans cette fin de partie allemande à partir de Staufen. Bien entendu, je n’arrive pas à reprendre le temps perdu. Trop de fois, trop d’heures dispersées pour rien sur la route ; le moral est en baisse… Il n’y a pas trente-six solutions : il faudrait vraiment que je reste sur la bonne route, mais avec une description d’itinéraire approximative et la seule aide de ma carte papier… Ce n’est pas gagné ! Je suis enfin de retour en France en fin d’après-midi ; sans gloire. À la tombée de la nuit, je traverse de nombreux jolis petits villages éclairés de tons chauds et dorés : Illhausern, Guemar, Bergheim avec son église et ses remparts… Cette fin d’étape est toute plate et marque la réapparition du vignoble. Le ravitaillement de Chatenois est le bienvenu.

Encore un excellent accueil du CCK, malgré les fouteux du club local, bruyants et picolant toute la nuit. Je repars seul après une bonne douche et avoir essayé de dormir une demi-heure. La vigne est toujours là en repartant dans ce début de nuit d’encre. Par curiosité je dévore une grappe aux petits grains déjà bien sucrés, je sais, ce n’est pas bien… Le sommeil commence à déborder des paupières, et je m’arrête aux toilettes publiques de Itterswiller pour m’assoupir quelques minutes sur le trône. Malgré tout, cette deuxième nuit n’est pas trop laborieuse, avec une circulation automobile très proche du néant. Le jour revient à peine, et le col de Valsberg avec en point de mire sa tour massive de télécommunications, me semble assez facile. Je ne prends pas trop vite la descente pour ne pas rater la petite route du rocher de Dabo que j’espérais trop tôt… et qui apparaît d’un coup, avec son église et l’hôtel loin là-haut, juchés sur le roc dépassant des sapins. 200m de dénivelé à gagner pour pointer au sommet et redescendre de la butte. En rejoignant la piste cyclable, je la prends en sens inverse sans me poser de question, tant la direction me semble évidente sur ma carte. Je m’aperçois de mon erreur très tardivement, mais ne comprends toujours pas pourquoi je ne suis pas dans la bonne direction alors que le trajet est sans équivoque sur le papier. Demi-tour en perdant encore une fois un temps fou, en direction des écluses abandonnées de l’ancien canal. Le décor est très intéressant pour les photos sympas. Pas le temps. Définitivement pas le temps. Et merde ! Et je me perds à l’autre bout, une nouvelle fois à tourner en rond pour retrouver l’EuroVélo5 qui se perd anarchiquement… et un temps considérable prend encore la fuite avant que je finisse par rejoindre Hesse. Voilà une étape calamiteuse, malgré la beauté sauvage et délabrée du canal à l’abandon, à cause de tout ce temps hémophile qui coule encore et toujours sans espoir de fin. Pour rester dans les délais, il faudrait absolument que j’arrête de m’égarer pour grappiller de-ci de-là un petit peu de temps précieux, mais y arriverais-je ?

Après encore un mauvais choix en essayant d’aller au col du Donon, où je me retrouve à faire une boucle inutile par Saint-Quirin… sans vraiment savoir comment j’ai pu atterrir là… avant de rejoindre le bon chemin après Abreschviller. L’ascension commence à plat sur des kilomètres sans que la route ne s’élève vraiment, ou presque. Le Donon est fidèle à ce que je connaissais déjà par Raon-l’Etape. Un ruisseau clapote gaiement dans le bas-côté pendant que je fais une – de plus en plus nombreuses – pause soulagement d’appui fessier. Le terrain en faux plat se décide enfin à prendre de l’altitude tandis que des grondements se font entendre de façon rapprochée dans la vallée. Je me dis qu’en passant le col, je peux avec un peu de chance laisser l’orage de l’autre côté du relief… mais je ne sais pas encore d’où il vient, comme le ciel est largement caché par la forêt. Dans tous les cas, il vaut mieux ne pas traîner. Toute la montée est douce : autour de 5 ou 6 %, pas franchement le pire des cols. En haut, le panorama est d’un gris dense sur ma gauche, et la pluie tombe sur le relief d’en face. En principe, j’ai une chance d’y échapper. Jusqu’ici tout va bien et je me lance dans la descente. Après avoir bifurqué sur les routes forestières, je me perds encore un certain nombre de fois. J’ai la chance de trouver des promeneurs pour me réorienter, mais est-ce vraiment une chance, car je tourne quand même en rond… Et après coup, en demandant le chemin de La Plaine, est-ce qu’ils m’indiquaient vraiment le village, ou juste le moyen de retourner EN plaine ?… ce qui expliquerait encore une bonne heure de perdue ! À la fin de cette oppressante éternité verte, en voyant les arbres s’écarter soudainement de mon horizon, j’éclate de joie en retrouvant un bon bout de ciel gris. Enfin sorti de cette foutue forêt ! L’instant d’après mon euphorie se dissipe en constatant que je ne sais pas où je suis, et visiblement pas où je devrais… ben voyons ! Et un détour de plus ; au total le Donon me coûte bien deux heures de plus ! Le hors délais se change d’éventualité en forte probabilité quand le vent se lève sur la piste cyclable menant à Sainte Marie aux Mines. Malgré sa platitude totale, je ne tiens même pas les 15km/h ! Je ne comprends pas ce qui se passe. Je raccroche un moment un compagnon d’infortune encore plus en déroute que moi. Nous restons scotchés à cette foutue piste sans vraiment de raison, puis je me retrouve seul devant. Le jour baisse comme l’orage refait son apparition, lointain, mais avec une pluie bien présente.  En enfilant mon imperméable, j’en profite pour vérifier mes freins. Et merde, rien ne frotte ! Mon compagnon n’est toujours pas derrière, je repars en me traînant lamentablement sur la douzaine de kilomètres de cette piste pourtant plate. Arrivé en ville il y a un peu de circulation, et bifurquer sur la route du col de Bagenelles est une délivrance. Je n’avance pas plus vite, mais au moins c’est normal : de toute ma vie je n’ai jamais rien grimpé comme une flèche ! La pluie continue, le vent aussi ; et dans ces conditions la lumière du début de soirée change vite entre chien et loup. Comme pour le Donon, l’ascension commence par un long faux plat. La série de lacet qui suit est un peu pénible, et après être passé de l’autre côté de la vallée de la Liepvrette, la montée se fait plus facile, presque joueuse malgré l’averse qui s’éternise. Sans cette flotte froide, j’arriverais même à y prendre plaisir. J’arrive facilement au col suivant, celui du Pré de Raves, à peine plus haut ; puis sur le chemin de celui du Bonhomme les choses se compliquent. Je ne sais quoi du début de nuit, de la pluie, du brouillard au sommet, du manque de sommeil, ou un peu des quatre… mais je pense avoir raté le col du Bonhomme, et le numéro de la route semble me le confirmer, alors je peste et fais demi-tour. Avec l’humidité et l’effort des cols, mes genoux trinquent, deviennent bouillants. Ma vieille amie la tendinite est de retour, impitoyable, et des deux côtés d’un coup ! À ce moment-là, avec ce qu’il reste encore à grimper dans la dernière partie du parcours et mon retard que je ne rattrape pas, je sais que le brevet est perdu. Ayant presque terminé ma deuxième ascension du Pré de Raves par l’autre versant ( !) des membres du staff me doublent et m’indiquent que je suis dans le mauvais sens. Je n’y crois pas, je m’obstine, je leur dis avoir raté le Bonhomme plus haut… alors qu’il est dans la descente. Incrédule, je finis par leur faire confiance, puis attaque la descente pour la deuxième fois, sur une route totalement détrempée. Je me laisse glisser prudemment jusqu’à Plainfaing où cette nuit malgré la pluie c’est la fête au village. Un peu à l’écart, je trouve les chapiteaux du CCK pour un accueil toujours très agréable. Après une pause ravitaillement, mes genoux restent dans le même état. Est-ce que ça vaut la peine de chercher le hors délais maintenant inévitable, alors que d’expérience je suis parti pour deux mois de douleurs si j’insiste bêtement ? Je n’en suis pas à mon premier BRM 1000, alors autant arrêter. Tant pis pour les 170km restant, même si avec mes détours j’en ai déjà bien fait 70 de plus ! C’est la double peine de l’égaré : non seulement on perd du temps, mais en plus on rajoute des kilomètres alors que temps et distance sont tous les deux tendus en montagne. Fin de l’aventure, et comme pour le reste l’organisation du CCK a été parfaite jusqu’au bout. Mais on ne va pas se mentir, j’aurais quand même préféré un road-book plus clair ; mais je comprends très bien qu’on ne fasse plus à l’heure actuelle des descriptifs hyperdétaillés juste pour deux péquins à la carte routière sur 69 participants !

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L’histoire du 1000 du Sud de 2013 – et ses 17000km de dénivelé – se reproduit. Là j’avais été jusqu’au bout, non homologué pour quelques heures, à cause de cinq bonnes heures à tourner en rond. Deux fois, vraiment c’est trop con. Pour les brevets « ordinaires » j’arrive toujours à me débrouiller et à rattraper le temps perdu, mais en montagne ma lenteur ne supporte pas trop d’improvisations. Alors céder à la technique, à la facilité ? Je vous livre un scoup : je commence sans aucun enthousiasme à étudier l’éventualité d’un GPS. Oui, si vous suivez mes aventures parfois improbables, vous avez bien lu : un GPS, moi ! Ceci dit, au lieu d’inventer des conneries comme accorder 60h au Super Randonnées, parce que c’est trop dur et que ça monte – la bonne blague, on n’est pas obligé de les faire si on ne supporte pas de grimper ! – l’Audax Club Parisien ferait mieux de donner un p’tit quota supplémentaire pour ceux qui s’engagent à faire les brevets à l’ancienne, à la bonne vieille carte papier qui se transforme en serpillière à la première averse venue. Juste un peu, hein, même une demi-heure par centaine de kilomètres, franchement ce n’est pas trop demander, et ça serait beaucoup plus juste face aux facilités apportées par les GPS, parce que ceux qui me disent que ça ne leur apporte rien, vous me faites bien marrer les mecs ! Je ne demande pas la lune, non ?

Bon allez, fin de la séance cafard. N’ayez pas peur, je continuerai à vous raconter mes aventures foireuses et mes galères improbables, même si sur ce coup-là je n’ai pas été trop inspiré ; désolé. À la prochaine.

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