BCN et BPF : Champagne – 10 Aube & 51 Marne

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CarteBCNBPF1051
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CarteDepartements1051Kilomètres réalisés : 1735
Provinces BPF validées : 3
Départements BCN validés : 5

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Un peu avant Pâques j’ai un peu de temps, une grosse flemme aussi. Pas envie d’aller loin, surtout en train. Juste faire un bon bout de campagne en Champagne, avec un tour dans la Marne et l’Aube. Un terrain de jeu que je connais : mi-plaine agricole plantée d’églises grandioses et trapues érigées à partir du douzième siècle, SAM_2024et mi-vallonné passant souvent au travers du vignoble. Avec un beau clair de lune au programme et des nuits glaciales de mi-avril, quoi de mieux pour remplir tranquillement deux jours de balade ?

Début de soirée. Dans mon train de banlieue qui m’emmène sur Paris, deux jeunes discutent dans la partie fourgon. Ils me dévisagent avec mon accoutrement de cycliste au long cours. Ils me demandent combien je vais faire de kilomètres. 10, 20, 25 ? Je pense qu’ils se moquent de moi, mais ils ont l’air sérieux. Je leur souris et hésite à répondre. 600, je lâche. 605 en vérité, mais je ne vais pas pinailler, les chiffres ronds ont plus de charme. 600, je goûte à leur incrédulité tant de fois lue sur des visages. Résister à l’envie stupide mais tellement vraie de rajouter que ce n’est qu’une distance moyenne. Je comprends à cet instant tout le dérisoire et la futilité de mes virées ordinaires. Cet appétit des longues distances à vélo comme autant de fuites coupables d’un conquérant de l’inutile.SAM_1584 Simple petit bonhomme qui pédale, hamster dans sa roue dont on a ouvert la cage et qui croit y voir une bouffée de liberté. Gare du Nord, tout le monde s’évapore, eux et moi avec. Adieu les gars. En deux pas je rejoins la Gare de l’Est et mon train part dans le crépuscule.

Arrivée à Romilly-sur-Seine. La nuit est tombée sue ce bout de Champagne. Le début de parcours est encore une fois très serein pour atteindre le premier pointage de Trois-Fontaines-l’Abbaye à l’aube, à cause de ce maudit règlement et son interdiction de pouvoir pointer de nuit. SAM_1590Nouvelle traînée d’un escargot contemplatif sous le clair de lune. L’avancée est très agréable dans la pénombre bleutée. Le silence est délicieux en s’éloignant de la ville, et la température baisse doucement. Le fronton bien éclairé de l’église de Saint-Just m’attire comme un papillon de nuit. En se rapprochant, l’état de la pierre est moins glorieux ; puis la mairie surgit, grandiose et rougeoyante dans son virage. En sortant du village, les étranges portiques métalliques rouillés d’une écluse émergent.SAM_1605 Les clapotis mettent en valeur le silence. La flèche de l’église d’Etrelles-sur-Aube se dresse dans la nuit gris bleutée. Petit à petit j’approche du gigantesque champ d’éoliennes aux clignotements rouges et blancs qui pulsent autour de moi. Au-dessus, la Lune règne au travers de quelques nuages effilochés. La nuit est si claire que les étoiles semblent à portée de main. SAM_1626En sortant de Plancy, un Christ sur sa croix de fer me guette patiemment. Je progresse au milieu des loupiotes rouges pulsatiles qui finissent par m’encercler. Sur le chemin de Lhuître, village au nom étrange si loin de la mer et sans doute tiré de celui de la vallée et la rivière Lhuîtrelle, je traverse enfin la ligne d’éoliennes visible de si loin sur la plaine endormie. Après le village,SAM_1641 je me dirige vers le Col de Laval qui marque une première bosse douce au milieu de la platitude. Si on ne sait pas qu’il existe, rien ne l’indique, et franchement c’est le seul col que je grimpe sur le grand plateau… et même pas sur le dernier pignon ! Dans la montée au travers des terrains militaires, des sangliers et biches s’enfuient dans la lumière de mes torches. Au sommet, je ne devine pas le vieux panneau de bois que je connaissais il y a quelques années, et continue dans la descente. Têtu, je fais demi-tour et découvre dans la pénombre une minuscule pancarte métallique, toute neuve et trop discrète,SAM_1665 en face d’une espèce de rond-point. L’ascension au pourcentage très modeste, 75m de dénivelé sans lacet et tout en ligne droite, réchauffe quand même son bonhomme quand il fait 0°C dehors. L’autre versant affiche une descente vertigineuse de 2 % avec deux replats pour ne pas prendre trop de vitesse ! Cette appellation de col, ici, m’a toujours intrigué. Sur la route de Somsois, je longe une dernière ligne rouge clignotante sur ma gauche. Les fleurs de colza sont discrètes dans la pénombre, seulement trahies par leur odeur. SAM_1681Un jeune sanglier traverse la route juste devant mes roues, puis s’engouffre dans le champ d’en face en faisant bruisser le colza, labourant un moment en parallèle de moi. La bête s’immobilise quelque part dans la végétation, en ayant eu sans doute aussi peur que moi. Plus loin, je m’arrête devant un distributeur de boissons blindé. À Arrigny le Coca-Cola vaut peut-être de l’or, en tout cas il me permet de faire le plein des bidons. Le gui dans les arbres forme des pelotes dans la nuit. La brume commence à traverser les champs et les rues, coton douillet mais encore trop froid. Avant d’arriver sur les berges du Canal entre Champagne et Bourgogne, monte à mes oreilles la clameur de la circulation sur la N4, SAM_1724que je vais longer jusqu’à Saint-Dizier. En route, je marque une pause-café à la station-service de la voie rapide… en passant le talus à travers champ ! L’arrêt permet de me réchauffer un peu avant d’attaquer la liaison finale jusqu’à Trois-Fontaine-l’Abbaye que j’atteins sur sa butte en fin de nuit. Le site est particulièrement bien mis en valeur par l’éclairage public. Déambuler dans le cœur du village est très agréable, lui qui paraîtrait plus fade et ordinaire en journée. SAM_1722Les vieilles pierres sont reposantes, caressées par le chant des oiseaux. Et dire que la FFCT interdit les pointages de nuit pour ne pas retirer de valeur touristique, la bonne blague ! Comme je l’avais prévu, rien pour pointer, alors j’attends le lever du jour pour photographier le panneau d’entrée de ville avant de repartir, toujours dans la montée.

SAM_1737Hormis les alentours du Col de Laval et l’approche de l’arrivée, l’étape précédente s’était montrée plate. C’est maintenant au tour du terrain vallonné. En traversant Cheminon, SAM_1776je passe au petit jour sous les anciennes halles qui enjambent la route dans toute sa largeur. Le brouillard donne un dernier assaut du côté du Canal de la Marne au Rhin. La petite église carrée de Heiltz-le-Maurupt tranche avec les édifices massifs si communs en Champagne. La petite montée vers Bussy-le-Repos n’a l’air de rien, mais se montre assez cassante. Un gros panache de fumée annonce au loin une usine de pellets. SAM_1789Est-ce qu’un produit soi-disant naturel, mais transformé avec un certain coût énergétique et livré dans des sacs en plastique, garde vraiment  une vertu écologique si on en fait vraiment le bilan ? Après Noirlieu, je traverse la ligne de crête marquée par le retour des éoliennes, et le restant de l’étape est tranquille jusqu’à Valmy. SAM_1829Dans le village, ni la boulangerie ni le bistrot ne sont ouverts ; ce sera donc un pointage photo. Dommage, je n’aurais pas été contre un bon café pour bien commencer la matinée !

En repartant, SAM_1839j’avais prévu un chemin de traverse entre Somme-Bionne et La Croix-en-Champagne… qui se révèle avoir une bonne portion de terre battue caillouteuse où je ne crèverai même pas. Dans le ciel, des avions de chasse tracent bruyamment des sillons blancs. Après ma séance de cyclo-cross qui s’est finalement bien terminée, je n’ose pas prendre l’ancienne voie romaine. Alors à partir de La Cheppe, j’accumule les changements de direction pour écourter la distance sur la D994 assez passante. La nécropole de Mourmelon-le-Petit dresse ses croix blanches sous le soleil, SAM_1855résultat de la folie des Hommes, bien avant celle qui a conduit aux huit disparitions, et qui a marqué ce nom dans bien des esprits. En quittant Villers-Marmery, un nouvel alignement de croix blanchies sous le soleil me rappelle étrangement celui des ceps de vigne attenants,SAM_1861 et encore nus de l’hiver et de la taille comme autant de petites croix biscornues, tandis que l’arrivée sur Verzy se mérite par une belle bosse. Seul le début et la fin de cette étape se méritent par une poignée de kilomètres en montée.

SAM_1876Repartir par la forêt est assez rugueux. Il reste un kilomètre à grimper pour arriver à la Chapelle-Saint-Basle, avant de redescendre en traversant la forêt de Verzy. Le vent de face annoncé en rafales pour cet après-midi est déjà bien présent ce matin. Se laisser glisser vers Louvois est un délice de courte durée. La petite trentaine de kilomètres en toboggans sur la D9 et le passage des voitures deviennent hypnotiques,SAM_1898 dans la monotonie des vignobles et le vent qui siffle à mes oreilles. À l’arrivée sur Vertus, je trouve enfin un bar ouvert pour pointer et déguster un bon café… qui me fait le plus grand bien !

SAM_1907La traversée puis la sortie de Vertus sont des moments de bravoure à aborder tranquillement, tout en admirant le panorama sur le vignoble qui s’élargit progressivement au fil de la montée. Dans les vignes encore nues, le travail des hommes bat son plein, puis cède la place aux champs cultivés et au vert cloisonné des bocages. Ainsi les bosses deviennent plus tranquilles malgré le vent de face. SAM_1912Caché au creux de son lacet, le château de Montmort-Lucy gardé par ses deux lions de pierre, ressemble à une demeure de princesse en carton-pâte. Arrêt à la boulangerie pour un excellent éclair au spéculos, tandis que la boulangère ayant reconnu mon carton violet a déjà son tampon en main. Rien à réclamer, rien à déclarer, juste se remettre en route vers Sézanne !

SAM_1919Pour éviter au maximum la passante D951, directe jusqu’à Sézanne, je fais un détour par La Chapelle-sous-Orbais, Le Thoult-Trosnay logé dans sa cuvette, et La Villeneuve-lès-Charleville. Des kilomètres en plus, mais de la tranquillité également !SAM_1924 L’arrivée dans Sézanne se fait par une courte descente. Vers la fin de l’après-midi, le centre-ville est vivant. Pas de problème pour trouver un commerce où tamponner. Les six pointages de la Marne et la moitié du parcours sont faits. Je marque un temps d’arrêt en ville, escale bien méritée.

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SAM_1934Le département de la Marne est validé et la première partie de ce circuit est finie. Je suis, pour l’instant, de retour en terrain plat. Le soleil bas fait des jeux d’ombre. Dans la terre des champs, les asperges alignées jouent à imiter la tôle ondulée.  SAM_1939Je dois me rendre tranquillement dans la nuit à Brienne-le-Château pour attaquer la deuxième partie de cette sortie champenoise. Place au département de l’Aube. Seulement voilà, comme prévu il est assez tôt. Je ne peux pas pointer avant le lever du jour, par photo, ou au mieux, en trouvant un commerce ouvert de très matinal, comme classiquement une boulangerie, pour y tamponner. Bref, mon chemin de liaison est bien trop court pour occuper la nuit avec ses 80km, et après les alertes connues sur les parcours précédents, mes genoux me font terriblement mal. Il y a des années comme ça, et celle-ci semble bien partie ! Une deuxième nuit à rouler, pour trouver un recoin puis s’assoupir quelques heures dans la nuit glacée ne me tente pas. Alors en quittant Sézanne et après un petit détour, exceptionnellement je trouve un hôtel, pas cher hors saison et surtout avec sa chaudière en panne… ceci expliquant le prix ! La chambre est minimaliste avec WC et douche à l’eau froide sur le palier. Comme je suis rustique, ce sera toujours mieux que se laver à l’eau glacée des toilettes publiques, SAM_1961et s’allonger ensuite sur un bout de ciment. Allez, ménageons nos genoux ! L’heure de détour en vaut la peine, et après un décrassage bien frais je m’endors quelques heures dans un bon lit… trop mou à mon goût, mais après la nuit blanche précédente, je ne suis pas du genre à chipoter.

1h du matin, le réveil est sans problème pour le cerveau, mais le reste du bonhomme n’est pas du même avis. SAM_1970Le corps se dérouille, mais les genoux redeviennent vite douloureux, comme le confirme la descente de l’escalier. Je récupère mon vélo, qui m’attend glacé, et rejoins mon itinéraire. Le clair de lune est aussi agréable que la nuit passée. La campagne est aussi calme, silencieuse. Les lumières rouges des éoliennes sont toujours là, m’encerclant de leur inlassable clignotement. SAM_1982Des lapins traversent sous mes roues à Bonne Voisine. En quittant Allibaudières, un curieux bestiaire émerge de la nuit : un phare miniature, une paire de cabines téléphoniques anglaises, un arrière de Cadillac englouti dans un bâtiment, un avion empalé sur un piquet, et un bateau sortant des murs avec une statue de la Liberté sur le pont ! Je repasse par Le Chêne ou je croise ma route de la veille. SAM_1984Comme la nuit dernière, la brume se lève dans le clair de lune en direction des berges de l’Aube. Le brouillard m’accompagnera quasiment jusqu’à Brienne-le-Château, où pour m’y rendre j’échangerai l’humidité poisseuse contre la noirceur de la forêt, où des animaux s’agitent dans la fin de nuit. Je fais le tour de la ville, rien d’ouvert. Puis je trouve une boulangerie pour tamponner et me ravitailler, et repars un peu avant l’aube.

SAM_2036C’est la fin de la route plate. Les églises, fantômes massifs de la nuit, commencent à reprendre de la consistance, toujours aussi majestueuses. Elles m’accompagneront les deux jours de cette sortie. La coupole ventrue de celle de Dienville est assez inhabituelle. Dans le petit matin frais, SAM_2051les oiseaux sont bruyants et bavards. Le soleil annonce sa levée sur un ciel clair. Je passe par l’Autre Monde. Peut-on imaginer meilleure promesse matinale ? Petit à petit la route prend du relief, et passé Bar-sur-Aube, la circulation revient à l’heure de l’embauche sur le chemin de Clairvaux. Le tout début matinée est ensoleillé, encore un peu frais, mais je me découvre. Le soleil ne brillera que peu de temps.

SAM_2103En ressortant du village désert, je fais un petit arrêt contemplatif devant les bâtiments de l’ancienne abbaye, logés à l’abri de la grande cour. Les portes d’accès à la prison, offrant un curieux mélange des genres au milieu des anciens édifices religieux, sont peintes de protestations contre sa fermeture prévue d’ici cinq ans. Puis je reprends la route par une longue montée, assez ingrate, en pleine forêt. SAM_2109En quittant la compagnie des arbres, la chapelle de Champignol-lez-Mondeville m’attend sur les hauteurs. Le ciel est devenu subitement gris menaçant, la température chute. J’ai froid mais j’hésite à me recouvrir. C’en est fini du soleil matinal, toute la journée sera bouchée, l’air ramenant un vent glacial. En avril ne te découvre pas d’un fil… Le contraste avec hier est étonnant. Le circuit vallonné suit les routes du Champagne, avec toujours le vignoble sur le flanc droit, SAM_2148et l’agriculture à gauche. Je longe peut-être une frontière viticole. En arrivant à Rumilly-lès-Vaudes, je découvre la façade de l’église magnifiquement sculptée. Un petit arrêt contemplatif s’impose avant de repartir.

Cette étape est un saut de puce ; une douzaine de kilomètres en pleine forêt de Rumilly. SAM_2169La première partie est assez vallonnée, puis l’arrivée sur Chaource est plus tranquille. Je pointe dans une boulangerie et me ravitaille d’une tarte au… Chaource, bien sûr ! Même froide, elle est délicieuse, et le goût salé fait toujours du bien sur de longs parcours.

De Chaource à Ervy-le-Châtel, l’étape est encore courte et vallonnée, enjambant les rivières et traversant les vallées. SAM_2194La succession des villages aux noms improbables forme un comique involontaire : La Feulie, Vanlay, Survannes… Je ne vois pas grand-chose d’ouvert en tout début d’après-midi, alors je pointe dans un garage automobile en sortie du bourg. La réceptionniste est aimable, et accepte sans problème de tamponner mon carton violet.

SAM_2206En repartant d’Ervy-le-Châtel, le parcours est tranquille jusqu’à Auxon, puis se cabre. La route traverse des villages logés dans leurs cuvettes, coupant les vallées qu’il faut regrimper au prix de belles montées, en particulier en allant vers Vauchassis et jusqu’au final vers Montgueux… où l’on se croirait presque dans une petite ascension de col, faisant gagner près de 150m de dénivelé et offrant un magnifique panorama sur le vignoble étalé paresseusement en contrebas. Entre-temps, un répit de plat me fait tourner en rond dans Thorvilliers. SAM_2214Le village est avare en panneaux, et pour s’en sortir il ne faut pas se fier à son sens de l’orientation, mais plutôt à la direction de la Mairie pour arriver au dernier pointage de ce département de l’Aube.

SAM_2264Après encore quelques petites montées pour s’éloigner de Montgueux, la plaine est de retour vers Dierrey-Saint-Pierre. Des énièmes champs de colza sur fond de ciel menaçant se partagent le décor avec les bâtiments militaires, étendant leur austérité gris kaki en allant sur Prunay. SAM_2271Romilly-sur-Seine n’est plus qu’à une quinzaine de kilomètres et ce tour de l’Aube et la Marne sera bouclé. En rentrant en ville, un panneau m’informe que l’élection de Miss Pays de Romilly est prévue dans une dizaine de jours ; la veille du premier tour des Présidentielles… Encore un suffrage des plus passionnants, et dire que je vais rater celui-là !

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