Raleigh Pulsar 10 – (modèle 1984)

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Présentation :

Pour la petite histoire, je n’avais pas l’intention de garder ce vélo. J’avais seulement besoin d’un bout de tube pour finir un truc en ferronnerie, et entre le 25 et le 30mm, les Casto-Merlin ne proposent rien. Je sais, c’est horrible de tronçonner une bicyclette vintage quand on est soi-même cycliste au long cours, et passionné de vieux engins. Mais bon, il me fallait du tube de 28 rapidement ! J’étais donc parti pour sacrifier un traîne-couillon et son cadre en « tubes de chauffage central ». Ce Raleigh Pulsar 10 acheté pour trois fois rien (à peine plus cher en euros que son numéro…) semblait faire l’affaire. Alors j’ai ramené la bête. Mais sans que je sache pourquoi, une petite lueur d’intelligence sans doute – toute petite, certes – semblait vouloir me dire que ça allait merder.

Une fois chez moi, mes yeux se posèrent sur ce curieux autocollant marqué « aerospace contour » à l’effigie de la navette spatiale, symbole oh combien emblématique des années 80 et de leur technologie. Euh… vous avez dit technologie ? Et là, je vis comme une évidence le cadre monté en tubes de section ovale ! Oh le con ; et paf, un de plus dans la collection !

Bon, il l’a échappé belle, ce biclou. Mais il y a un truc que je ne comprends pas. Traîne-couillon or not traîne-couillon, Sir ? Pour moi, les deux Mon Général ; mais justement, ils le positionnent où ce vélo chez Raleigh ? Au catalogue, dans la série Sport de 1984/85, il est placé derrière les Record Sprint 12 et Quasar 12, et devant les Team Cadet 10, Equipe 12 et Sprint 10. Un bon milieu de gamme, quoi. Mais bon, quand même…

D’un côté un cadre aux tubes profilés, un porte bidon aéro, un cintre plongeant, bref des détails qui font bien course… et de l’autre, un bas de gamme horrible pour un milieu d’années 80 : un tube de selle en ferraille sans chariot, des jantes acier ; une transmission qui fait économique, même pas de serrages rapides… Well, well, well, I’m a little bit shocked ! Parce que bon, Pulsar comme modèle, avec encore une p’tite navette qui traverse le logo, ça induit quand même quelque chose de qualité, non ? Un truc rapide pour se tirer la bourre ; alors que là franchement, j’ai vraiment l’impression d’un traîne-couillon maladroitement déguisé en bête de course… On est quand même à des années-lumière (je sais, c’est facile, rapport à la navette spatiale) d’un Super Course MkII des années 70. Voyons ça en détail.

Même si l’étiquette peut donner une impression de qualité, les tubes 18-23 sont honnêtes, mais sans plus. Cette série d’acier Hi-Ten sans amincissement n’a pour elle que son profil ovoïde. Ça ne casse donc pas trois pattes à un canard unijambiste, et contribue au poids colossal de l’engin : 12,7kg (en taille 58) !

 

 

Pour en terminer avec les logos, beaucoup plus classique – presque incongru ici – l’intemporel héron de Raleigh, riveté sur la colonne de direction.

 

Le détail qui tue : les catadioptres d’origine qui font vraiment baltringue. On est très loin de l’image d’une machine faite pour la course. Comment résister à l’envie irrésistible des arracher ? Pour l’instant, je tiens bon !Le cintre plongeant a une allure sympa, et la potence un dessin très classique… Même si elle est estampillée « Custom ». Notez la guidoline qui part en charpie ; la momie perd ses bandelettes !Les leviers de frein « Adamas ax » sont les seuls éléments Shimano de ce vélo aux composants panachés. Le sommet des cocottes n’accueille pas la sortie de gaine, mais une vis de réglage de la garde aux leviers. Curieux design. Le caoutchouc de droite est dégradé, mais comme sa ligne est spécifique, il sera plutôt compliqué à remplacer.

 

Le jeu de direction Tange MA-60 me laisse perplexe : rouille et chrome écaillé.

Ce fabricant est pourtant très réputé pour la qualité de ses séries de tubes destinées à fabriquer de beaux cadres acier.

 

Comme pour la potence, le pédalier estampillé « Custom » est en fait une production du japonais SR (Sakae/Ringyo)… Même si les bouchons de manivelles indiquent Raleigh. Notez le grand plateau serti, qui encore une fois fait bas de gamme. À l’usage, il y aurait donc intérêt à rouler plutôt sur le 42 dents, qui lui, est démontable !

 

On aperçoit le bas du porte bidon profilé du japonais O.G.K…

… dont je n’ai malheureusement pas la gourde !

Elle ressemble à ça, et ne doit donc pas être d’une contenance folle !

 

 

 

Point de vue dérailleurs nous avons ici une paire de Sachs – Huret.

Celui de l’avant sauve les meubles avec sa fixation à braser. Choix étonnant… vu le conservatisme du reste de l’équipement. On se serait plutôt attendu à trouver un dérailleur classique à collier.

Pour l’arrière, c’est autre chose ! Le dérailleur est monté à l’aide d’une bidouille infâme. D’origine, l’Eco-S fait à peine mieux que ce Simplex tout plastoc, mais quand même, il n’a pas ce montage merdique greffé sur la patte de cadre ! D’après le catalogue, la roue libre Maillard 5 vitesses 14-26 est d’origine, contrairement à la roue elle-même : moyeu daté de 1992 et jante française différente de l’avant. En considérant le changement de dérailleur, ce vélo aurait-il subi un choc arrière ? Le cadre n’est pas déformé. En tout cas, la jante est à changer pour un modèle à flancs lisses, car de toute façon elle est en 8… Deux roues arrière mortes pour une machine qui ne semble pas avoir beaucoup roulé, avouez que c’est troublant !Aux commandes, ces leviers aéro tout plastique… J’espère qu’ils ne vont pas me rester dans les mains à l’usage !

Il y a quand même des éléments élégants sur ce vélo, comme cette couronne de fourche plongeante.

Quand je dis que cette brèle n’a pas beaucoup roulé, même les patins de freins Raleigh d’origine semblent tout neufs sur ces étriers Weinmann 500 !Les moyeux Maillard sont conformes point de vue modèle, hélas celui de l’arrière trahi une roue trop récente avec 92 comme année de fabrication. Moyeu à remplacer donc… Mais bon, vu qu’il faut refaire toute la roue arrière, ce n’est pas si grave. Cela explique aussi la différence d’aspect des boulons, ceux de l’arrière vraisemblablement pas d’origine. Des serrages rapides sur un vélo de course ? Mais pour quoi faire ! Étonnant, n’est-il pas ? Notez également les œillets démesurés aux pattes de fourche. Ce n’est pas un effet d’optique, ils sont vraiment énormes… Et de taille normale à l’arrière ! La construction manque de cohérence. Pour conclure cette présentation, j’ai toujours eu le plus grand respect pour les mecs qui dirigent leur selle vers le ciel ! Plus sérieusement, la selle plastique est bien en accord avec les années 80, mais d’origine c’est une Selle Royal. Notez la tige de selle classique, en ferraille rouillée et sans chariot, et le boulon de tige de selle siglé du « R » de Raleigh.

Comment le dater précisément ?

Le numéro de cadre se trouve gravé à l’arrière du tube vertical, en haut, vers le tube de selle.

De nombreux systèmes de numérotations se sont succédé chez Raleigh (et avec des systèmes différents entre l’Europe et les USA) donnant une certaine confusion.

Pour les Pulsar 10, a priori seulement produits en 1984 et 85, le système de numérotation à cette époque (pour la vente en Europe) est composé de cette façon :

1er caractère : site de production
H = Handsworth (Royaume-Uni)
N = Nottingham (Royaume-Uni)
W = Nottingham (séries haut de gamme)
D = Irlande
E = Enid (USA)
G = Gazelle
M = Malaisie
R = Canada
B ou S = site inconnu !
.
2ème caractère : mois de fabrication du cadre
A = janvier
B ou C = février
D = mars
E ou F = avril
G = mai
H à J = juin
K = juillet
L = août
M = septembre
N ou O = octobre
P à R = novembre
S = décembre
.
3ème caractère : dernier chiffre de l’année
ici : 4 pour 1984
.
Les chiffres suivants : N° de série
.
Donc pour ce vélo numéroté ND4102263 : fabrication par l’usine de Nottingham (production courante) en mars 1984… avec le N° 102263, mais ça, on s’en fiche !

La remise en état :

Suite à sa présentation, je me suis longuement posé la question de la pertinence de ce vélo dans ma collection ; étant assez ordinaire, un des plus récents, et un des plus moches (dans le sens camelote plutôt qu’aspect). Y étant arrivé par hasard plutôt que par choix, ses 12,7kg (pour le milieu des années 80 tout de même) en font un bon traîne-couillon ! Alors dans le but de le conserver – pour s’en servir au-delà du tour du quartier et sans s’épuiser – comment l’alléger sans le dénaturer ? Quasiment tous les Pulsar 10 ont été aujourd’hui assez largement modifiés, alors autant ne pas massacrer celui-ci. J’ai assez de vélos d’intérêt pour ne pas céder à la tentation de déguiser cette bête de somme en bête de course… Bien que cela semble avoir été la démarche de Raleigh avec les tubes de cadre ovales, le nom Pulsar, le logo à la navette spatiale, le cintre plongeant, le porte bidon profilé…

Pour un vélo relativement récent et relativement en bon état, on ne peut pas à proprement parler de restauration, mais il y a quand même un peu de travail de remise en état à faire. Déjà, pour repartir sur de bonnes bases, il faut reconstituer la paire de roues. Même si je n’aime pas les jantes en acier – pour leur capacité à déformer facilement leurs flancs en sautant dans les trous, leur freinage déjà très moyen sur le sec et pire sur le mouillé, leur côté vieillot et bas de gamme – tant pis, restons dans l’esprit d’origine.

En tout cas, pas de grande dépense pour ce genre de matériel, il ne faut pas exagérer non plus ! En farfouillant dans tout mon bazar, je mets la main sur cette roue qui traîne. Elle fera l’affaire, une fois le chrome bien récuré. Seul problème, c’est une roue avant, et bien entendu, il me faut l’arrière. Un détail ! Aussi un moyeu Maillard de fin 1983 ira parfaitement avec la jante… À condition de tout déshabiller pour d’un côté récupérer la jante, et sur l’ancienne roue arrière voilée de manière irrattrapable (totalement rouillée, ci-dessous) : rayons, axe, cônes et billes.

Bon, son profil de jante est un peu plus arrondi pour 1mm supplémentaire en largeur (à droite sur la photo). Pas identique mais pas une catastrophe non plus. On ne va pas pinailler pour une simple jante acier, et au moins sur celle-ci les flancs sont lisses comme à l’avant (la jante d’origine, à gauche). Après reconstruction de la roue, on a une paire plutôt bien assortie.

Autre horreur à ne pas conserver : le dérailleur arrière Simplex à moitié en plastique, et surtout au montage abracadabrant avec sa patte greffée à la patte du cadre. En fouillant dans mes stocks, voici un Sachs – Huret qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’Eco-S d’origine… sauf qu’ici c’est une version – encore plus – économique. En effet, l’articulation de la chappe est rivée, et donc le galet supérieur n’est pas remplaçable, ni même graissable. Notez également les gorges sur les galets, mais l’absence des traditionnels flasques latéraux qui s’y emboîtent. Point de vue durabilité et entretien, il y a mieux… Faire du jetable pour une économie de fabrication franchement marginale ; vraiment dommage !

Malgré tout, en étant sous la barre des 200g, ce dérailleur tout en ferraille s’en tire mieux que le Simplex plastoc, 20 % plus lourd.

En restant dans les trucs moches, le jeu de direction tout rouillé sera remplacé – à l’identique – par ce Tange MA-60 neuf d’ancien stock.

Les leviers de frein Shimano Adamas sont d’une esthétique… Toute particulière ! Comme le sommet des cocottes d’origine ont été massacrées, j’aurai pu les remplacer par autre chose, mais non, une nouvelle paire bien décrassée fera l’affaire.

Améliorations et allègement :

Passons maintenant aux retouches, discrètes pour ne pas dénaturer le vélo, mais significatives en termes de poids. Le pédalier avec ses deux plateaux en acier n’est pas un modèle de légèreté. Le grand est serti à la manivelle, il va donc rester en place. Le petit a existé à l’identique en aluminium, avec exactement le même dessin (au premier plan sur la photo), il y a donc possibilité d’amaigrissement. Le remplacer ne serait pas incongru, en gagnant facilement 100g au passage. En continuant dans cette logique, autant profiter du changement pour monter un plateau plus apte à tracter – en côte – le poids élevé du vélo. Seul hic, les fixations du plateau sont au diamètre de 118mm… Pas franchement facile à trouver de nos jours ! Il y a toujours la solution de se fabriquer un plateau, je l’ai déjà fait, mais en cherchant bien, les plateaux classiques (5 branches de 74mm) pour pédaliers triples existent jusqu’à 36 dents. Pour moi, il n’y a pas vraiment d’intérêt d’avoir une grandeur pareille en 3ème plateau, mais du coup ça m’arrange ! Une adaptation est bien entendu nécessaire, avec pour commencer, un perçage soigneux à 118mm de diamètre. Ici c’est clair, on est au minimum du nombre de dents possible.

Il reste maintenant à retirer le superflu, et voilà un plateau de 118 tout neuf après quelques coups de limes bien placés. Ainsi, le poids du petit plateau a chuté de manière spectaculaire de 180 à 40g !

Bon, la silhouette a un peu changé puisque le pédalier – qui mérite maintenant son nom de custom – est devenu compact, mais ce sera plus facile sur les parcours vallonnés.

Pour assembler les manivelles, je n’ai pas eu envie de remettre le jeu de pédalier Tange d’origine. Plus de 350g pour ça, non merci ! Sans oublier, pour bien faire les choses, le graissage régulier qui va avec. En cherchant un peu, j’ai dégoté ce modèle axe titane aux cuvettes assez discrètes pour ne pas être trop choquantes. 155g pour l’ensemble bien usiné et équipé de roulements modernes standards, que demander de plus ? Quelques dizaines d’euros bien employées pour une fluidité de rotation exemplaire.

Pour en finir avec la transmission, malgré leur profil à 6 pans, les bouchons de pédales sont juste emboîtés. Autre surprise, les axes sont sertis à leur extrémité. Ils seront rechargés en graisse de ce côté-ci, mais seulement huilés de l’autre. Dommage.

Point de vue selle, la tige comme souvent trop courte pour moi, sera rallongée… avec un exemplaire moins rouillé par la même occasion. La selle présente sur le vélo n’étant conforme, ni en silhouette ni en teinte, sera elle aussi remplacée. Celle-ci, contemporaine et d’un modèle inconnu, s’accordera mieux en forme et en couleur à l’origine. Seul défaut, ses rails sont laqués en noir, mais on les voit à peine dépasser des larges flancs.

Résultat de ces légères modifications, on passe de justesse – 11,99kg ouf ! – sous la barre des 12kg, parce que bon, au-dessus ça fait vraiment traîne-couillon.

Un tour au grand air :

Début février, il est temps de sortir la bête pour la tester. D’abord, voici ce qu’elle est devenue. Pas de changement extraordinaire, mais une bonne dose d’huile de coude pour faire briller tout ça !Relou ? Bah oui, avec ses 11,99kg – ça ferait presque un prix de supermarché pour ne pas oser dire 12 ! – il est lourd ce vélo qui se voudrait sportif. Malgré son embonpoint, et peut-être en partie grâce à sa cure d’amaigrissement, il n’est pas si pénible à mener. Je m’attendais à pire en côtes, mais il s’en tire bien. Et sur le plat, franchement, on ne se rend compte de rien. En tout cas, quand la route se cabre, le petit plateau ramené de 42 à 36 dents est très appréciable. Notez le jeu de pédalier moderne qui passe incognito, en harmonie avec le reste du vélo.

Les pneus Continental Ultra Sport – en 28mm pour donner du volume aux jantes acier et éviter de les déformer en tapant dans les trous – relèvent de l’autopersuasion, mais leur nom relève aussi l’image du vélo !

Les jantes en acier n’offrent pas un freinage très progressif sur le sec, pouvant même être assez brutal si on manque de douceur sur les leviers. Sur le mouillé, par contre, il y a comme prévu un très net manque de puissance. Alors faut-il changer de roues, ou au moins remplacer les jantes par des modèles d’époque en aluminium ? Point de vue poids et disponibilité du freinage, oui, il y aurait effectivement beaucoup à gagner… Mais non, par respect du vélo. Les jantes acier lui confèrent un curieux positionnement, mais aussi sa personnalité : so british, so strange !

Notez également le fameux bidon profilé O.G.K qui donne « plus de gueule » au vélo. D’un bleu ciel au lieu de blanc – sur le catalogue de 1984 – mais bon, il fallait déjà arriver à dénicher celui-là !

Pour finir, trouver une guidoline en suède (ou daim si vous préférez) comme à l’origine, n’est pas franchement évidant non plus. Celle-ci, en sorte de liège ou de mousse – au grain assez fin – fait illusion avec un rendu acceptable. Notez le jeu de direction Tange MA-60 neuf, maintenant ça brille !

Le seul reproche à faire à ce vélo – en plus de la potence bien courte pour un cadre taille 58 – serait la bizarrerie de la forme du cintre, qui fait que mains en haut, la position n’est confortable qu’aux cocottes !

Bon, je sais, ce n’est pas bien. Je n’ai pas pu résister à l’envie de retirer les affreux catadioptres ; mais sinon, comparé à cet extrait du catalogue de 1984, ce Raleigh Pulsar 10 est ressemblant, n’est-il pas ?

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