Le vélo électrique, est-ce encore « faire du vélo » ?

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Comme le laisse entrevoir son titre, voici un petit article qui va déplaire ; mais comme vous êtes sur un blog indépendant et qui s’assume comme tel… je vous livre cette brève réflexion.

Alors voilà, il y a une décennie l’idée du vélo électrique ne me semblait pas si idiote que cela. Au contraire. Une façon de prolonger l’autonomie des vieux, des cardiaques et de toute une ribambelle de mal fichus de la vie. Mais maintenant, au vu de toute cette prolifération anarchique, quand je vois surtout des bobos trentenaires en bonne santé le cul planté sur ces machins à moteurs, foncer à tout berzingue incapables de maîtriser leur vitesse et sans se préoccuper de la présence de qui (et de quoi) que soit – constatation de cette décadence sans doute liée à ma proximité géographique de Paris et de sa population férocement égocentrée – je m’interroge. Bon, ce n’est pas comme si j’étais moi-même vieux et cardiaque… Oups, si en fait ; pas encore pour le premier, mais déjà totalement pour le deuxième ! Malgré tout, ce n’est pas avec ses 5 pontages, sa valve fuyarde et ses contractions bancales, que mon cœur doit pour autant me refuser toute dignité ! Alors l’électrique ? Non merci ; ce sera sans moi !

Franchement, est-ce qu’on va vraiment sauver la Planète en créant toujours plus de gadgets énergivores ? En extrayant des terres rares dans des conditions qu’on pourrait même appeler « terres crades » tant leur exploitation est une catastrophe à tous les niveaux ? En rajoutant de la ferraille et des batteries gavées d’une énergie majoritairement nucléaire, là où ce n’est pas indispensable ? Et au final en générant des déchets plus ou moins recyclés à la fin d’une vie assez brève, là où on n’en avait nullement besoin pour avancer ? Parce que quand même, il y a une sacrée différence entre recyclable, recyclé, et revalorisé… passée une certaine écologie de bonne conscience ! Est-il bien raisonnable de participer à l’épuisement des ressources pour des applications futiles, vu l’ampleur – sans doute en partie encore insoupçonnée – des défis qui nous attendent à l’avenir ? Le meilleur déchet est encore celui qui n’a pas été créé, je dis ça, j’dis rien…

Il est dans la nature humaine de toujours trouver de nouvelles solutions pour assouvir son goût du moindre effort, et on n’a jamais inventé quelque chose pour ne pas s’en servir, alors même si le vélo électrique est un raz-de-marée en termes de ventes, que le vélo conventionnel vit ses dernières années avant de devenir un engin élitiste ou ringardisé, et que le consommateur à toujours raison, est-ce pour autant encore faire du vélo ? Vous jugerez sans doute mon avis rétrograde, mais qu’est ce qui l’est vraiment ? De continuer à s’enfoncer dans une spirale de surconsommation mortifère, ou essayer d’en sortir face au superflu ? Le vrai passéiste est peut-être celui qui fait comme si rien n’avait changé, avide aujourd’hui comme hier de toujours plus de gadgets, sans jamais se poser la question de leur utilité réelle.

Quand on en est réduit à gérer sa batterie au lieu de gérer son effort, est-ce encore faire du vélo ? Se laisser traîner sans connaître la lassitude de la distance à accomplir, l’obstination des montées à enchaîner, l’accablement de la chaleur, la pugnacité du vent contraire, l’éternité épuisante à gravir un col, la torture obsédante de la fringale, les dilemmes d’un chargement à rendre le plus spartiate possible pour aller loin… Tout cela sans jamais non plus découvrir un corps finalement capable de bien plus qu’on l’imagine, est-ce encore faire du vélo ? Bien sûr ; mais alors autant qu’en agitant les bras dans sa baignoire, en étant persuadé de faire des longueurs dans un bassin olympique !

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